Archive | juin, 2011

Les guerres secrètes en Afrique

17 Juin

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AU SALON DU LIVRE DE GENEVE (1er mai 2011)

 Les guerres secrètes en Afrique

 La théorie du complot de l’Occident contre l’Afrique fait toujours recette. Le thème a été au centre d’un débat nourri lors du dernier salon international du livre de Genève.

Par Maxwell N. Loalngar

 Quatre écrivains étaient devant le public du récent salon africain de Genève pour débattre du thème des guerres secrètes des grandes puissances en Afrique. Au centre des enjeux géopolitiques et surtout économiques, le continent africain est l’objet des agendas secrets des puissances mondiales, c’est en filigrane le message que ces moins avisés ont fait passer à l’auditoire.

 La Françafrique, la lute d’influence sino-occidentale sur le continent, le jeu souterrain mais non moins actif de l’État hébreu, auront illustré les points de vue des uns et des autres.

D’entrée de jeu, Pierre Péan, journaliste d’investigation et écrivain français que l’on ne présente plus, qui semblait être dans son sujet, parce que auteur d’un ouvrage fort à propos – « Carnages, les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique », aux éditions Fayard, plante le décor. Et souligne la nécessité d’élargir le champ en mettant côte-à-côte – comme il le développe dans son livre-enquête, les agendas des grandes puissances en Afrique pour comprendre les crises qui la secouent.

Sans fioritures, le congolais Fweley Diangitukwa précise les enjeux guerriers poursuivis par ces puissances. Pour cet économiste et politologue résidant en Suisse et auteur d’un livre « Les Grandes puissances et le pétrole africain. États-Unis-Chine une compétition larvée pour l’hégémonie planétaire », il y a une compétition entre grandes puissances notamment, pour s’accaparer le pétrole africain, la plupart des guerres en Afrique, sinon toutes, ont comme soubassement ses ressources naturelles : « les raisons économiques priment sur les raisons politiques de loin secondaires », affirme-t-il. Et si ces guerres sont livrées entre Africains eux-mêmes, les « acteurs visibles » selon lui, elles sont aussi le fait d’acteurs « invisibles » que sont ces puissances, lesquels sont aussi importants que les premiers qui agissent pour leur compte, note-t-il.

 Mythe ou arlésienne

 La thèse des relais du néo-colonialisme reste ainsi d’actualité. De là à évoquer la « Françafrique », ce système opaque des relations incestueuses entre la France et ses ex-colonies d’Afrique, il n’y a qu’un pas que les débatteurs n’ont pas manqué de franchir. A la question de savoir si cette « Françafrique » concept ayant fait florès dans les années 90 et dénoncée sans cesse depuis, est-elle un mythe ou une arlé­sienne, deux thèses s’opposeront ou du moins se mettront au jour : celle d’une omniprésence des rapports et agendas occultes de la politique africaine à l’Élysée reliée à des réseaux secrets, les « courts-circuits », selon Gilles Labarthe, incarnés pendant longtemps par Jacques Foccart avant sa disparition ; et celle nuancée d’une « Françafrique » en perte de vitesse ou, à tout le moins, qui n’est plus à sens unique. « Ceux qui agissaient en Afrique pour les gouvernements français, naviguaient dans un univers secret », estime Gilles Labarthe, ethnologue et journaliste d’investigation suisse, auteur de « Sarko I’Africain », pour qui Nicolas Sarkozy était à la bonne école. Celle entre autres de Perreti, Pasqua, pour ne citer que ceux-là.

S’il souligne ainsi la persistance de la Françafrique, il ne note pas moins une Françafrique où l’influence est à sens unique, de la métropole sur ses anciennes colonies mais aussi où i1 y a une influence à l’envers. Via ces réseaux occultes et à coups de financements des partis politiques français notamment gaullistes, les chefs d’État africains influent eux aussi sur la politique de Paris. Et de citer le cas du défunt président gabonais, Omar Bongo, qui avait réussi à obtenir la tête de l’ancien ministre délégué à la coopération, Jean-Marie Bockel, dont les propos sur sa volonté d’enterrer la Françafrique avaient alors agacé l’ancien locataire du palais du Bord de mer à Libreville.

Au mieux, aujourd’hui peut-on parler de la perte d’influence française en Afrique sous l’effet du multilatéralisme, poursuit Gilles Labarthe. Il en veut pour preuve le fait que la France perd de plus en plus la main sur les ressources africaines désormais ouvertes aux convoitises des autres puissances : « aujourd’hui le diamant centrafricain par exemple est aussi convoité par les États-Unis et Israël », avance-t-il. La mondialisation, l’éclatement du bilatéralisme, sous le poids des institutions de Bretton Woods, ont changé le caractère des relations franco-africaines, estime Pierre Péan pour qui les intermédiaires de la Françafrique n’ont plus la même puissance, la bataille pour les ressources africaines étant livrée aujourd’hui par toutes les puissances. « La Françafrique a encore des restes mais n’a plus la puissance qu’on lui attribue », soutient-il. « La perte d’influence de la France en Afrique, notamment au Sénégal, est réelle renchérit l’écrivain et économiste sénégalais Felwine Sarr pour qui le rapport dominant-dominé est désormais obsolète. Il en veut pour preuves le démantèlement de la base militaire française au Sénégal qui diver­sifie depuis ses rela­tions et développe de nouveaux partenariats dont celui avec la Chine très présente dans son pays. Faisant appel à l’actualité, le congolais Fweley Diangitukwa se porte en faux contre cet avis et estime que « c’est faire court de penser que la France n’a plus beaucoup d’influence en Afrique. La Grande-Bretagne n’est pas intervenue au Kenya ou au Zimbabwe pour résoudre leurs crises politiques (fraudes électorales) alors que la France l’a fait en Côte-d’Ivoire récemment, soutient-il. Avant de concéder que c’est à cause des mauvaises relations de la France qui alimente des crises en Afrique que les Africains ont décidé d’aller voir ailleurs. Notamment vers la Chine dont la percée sur le continent noir donne lieu à une concurrence accrue avec les autres puissances, en particulier dans sa partie orientale et centrale. L’or noir au Soudan et les richesses minières au Congo RDC attisent les convoitises des puissances anglo-saxonnes qui se demandent comment faire de nouveau main basse sur ces richesses après l’intermède de la guerre froide, souligne Fweley Diangitukwa. Les Anglo-saxons ont apporté une aide massive à l’Ouganda et au Rwanda pour changer la donne politique dans la région et favoriser leurs vues autant sur les richesses minières congolaises que sur le pétrole soudanais, estime cet économiste et politologue qui inscrit le retour de la Belgique en RDC dans le même registre.

 Pétrole et terrorisme

 Ajoutant un autre paramètre purement géostratégique à cette hypothèse, Pierre Péan estime qu’il faut intégrer le conflit au Moyen-Orient et aussi le « 11 septembre 20o1 » dans l’analyse pour comprendre ce qui se passe dans la région. Selon lui, le pouvoir arabo-islamiste soudanais est un des soutiens importants à la cause palestinienne, proche par ailleurs de certains groupuscules intégristes ou terroristes – Ben Laden a séjourné cinq ans durant d’ailleurs au Soudan. Aussi Israël et les États-Unis ont-ils intérêt à le voir affaibli. Ces raisons expliquent leurs actions en faveur de la sécession du Sud-Soudan et leurs soutiens à l’Ouganda et au Rwanda pour affaiblir Khartoum dans ce sens. « Vu de Jérusalem et Tel-Aviv, le Soudan est un pays dangereux. L’Israël a favorisé un des premiers mouvements indépendantistes au sud et s’intéresse à Museveni, fait de lui un personnage important pour contenir le Soudan, encourage les pays voisins à faire changer la donne au Soudan », affirme-t-il. « Le Soudan, clé de voûte du dispositif chinois en Afrique, est en train de rompre sous les manœuvres des autres puissances… », soutient un intervenant suisse, spécialiste de la Chine-Afrique présent parmi le public et invité à se prononcer. Et le congolais Fweley Diangitukwa de craindre que son pays, la RDC, soit le prochain pays balkanisé après le Soudan.

La lutte contre le terrorisme justifie la présence militaire des Occidentaux dans la bande sahélo-saharienne. Ceci, par le billet de la France dont les ressortissants sont souvent enlevés par Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique). Gilles Labarthe, tout en notant que la France joue ce rôle mais avec des alliés, ne manque pas de déceler qu’ « une fois de plus, c’est pour les ressources minières – entre autre l’or par exemple de l’ouest afri­cain, si on lit bien les dessous des cartes dans cette région. »

Après un tel constat des agendas secrets des grandes puissances qui nourrissent des crises en Afrique, comment agir pour sortir de leur jeu dans l’intérêt des Africains qui aspirent à la paix et au développement ? Pour Felwine Sarr, il faut éviter une réponse hâtive mais essayer de trouver une ligne d’équilibre entre les dynamiques interne et externe des problématiques économiques africaines pour une gestion optimale des ressources et sortir de la misère. Pour ce faire, le congolais Fweley Diangitukwa propose de sortir de la guerre en mettant en place des « think-tank » en vue d’anticiper les agendas secrets des puissances et les crises. « Les Africains doivent se réunir pour faire échouer les stratégies secrètes… », affirme-t-il au terme d’un débat qui a attiré un public très attentif.

Africalink. La voix de l’Afrique dans la diaspora. Mai/Juin 2011, Vol. 12 no 1, pp. 8-9.

PROBLEMATIQUE DE LA NATIONALITE EN RD CONGO

13 Juin

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FWELEY DIANGITUKWA

PROBLEMATIQUE DE LA NATIONALITE

EN RD CONGO

L’auteur

Docteur en sciences économiques et sociales, mention science politique (Université de Genève), Fweley Diangitukwa (RD Congo) vit en Suisse où il enseigne la science politique et la géopolitique. Il a été journaliste au Congo et en Suisse. Il est l’auteur de nombreux ouvrages.

  « Aimez notre noble, notre chère patrie de toutes les forces de votre âme ; aimez-la d’un amour ardent, exclusif, chauvin, comme on disait autrefois ; et si jamais quelque sage à la tête bien équilibrée vient nous reprocher ce qu’il peut y avoir d’excessif dans ces sentiments, répondez-lui qu’on ne discute pas les mérites d’une mère, surtout lorsqu’elle a perdu ses enfants… ».

Paul Bert (1880, l’un des pères, avec Jules Ferry, des lois laïques), « Discours prononcé à la distribution des prix de l’Union française de la jeunesse le 1er mai 1880 », cité par Jean-Luc Chabot, Le Nationalisme, Paris, PUF, coll. QSJ ?, 1997, 4e édition, p. 38.

« L’esprit qui devra s’épanouir implique nécessairement un amour supérieur de la patrie ; il conçoit la vie terrestre comme une vie éternelle et la patrie comme la représentation terrestre de cette éternité ».

J. G. Fichte, « Discours à la nation allemande », Paris, Aubier-Montaigne, 1975, p. 188, cité par Jean-Luc Chabot, Le Nationalisme, Paris, PUF, coll. QSJ ?, 1997, 4e édition, p. 30.

« Le désir illimité d’assimilation ne suffisait pas si la nation d’accueil n’était pas prête à accepter totalement l’assimilé ».

Eric Hobsbawm, Nations et nationalisme, Paris, Gallimard, 1990, p. 80.

 

La question de la nationalité n’a jamais été réglée de façon durable

La RDC est l’un des rares pays au monde qui compte neuf pays frontaliers. Cette réalité entraîne fatalement des problèmes de coopération différentiée avec chaque pays limitrophe mais aussi des problèmes de sécurité.

Le partage de l’Afrique par des puissances coloniales européennes lors de la Conférence de Berlin en 1885 n’avait pas tenu compte des minorités ethniques, du coup des ethnies se sont retrouvées de part et d’autre de nouvelles frontières nationales.

Si la RDC cohabite avec neuf autres pays limitrophes sans trop de conflits liés à la question de minorité et de nationalité[1], en revanche la question reste récurrente en ce qui concerne les relations entre la RDC et le Rwanda, notamment sur la question des Banyamulenge et des Banyarwanda.

Depuis l’accession de la RDC à l’indépendance, beaucoup d’Angolais, de Congolais du Congo-Brazzaville, de Centrafricains, de Soudanais, d’Ougandais, de Burundais, de Zambiens, de Tanzaniens vivent en RDC et certains parmi eux ont usurpé la nationalité congolaise, mais leur histoire n’a jamais suscité autant de passion et de haine et ceux-ci ne se sont jamais constitués en bandes armées organisées pour revendiquer l’acquisition de la nationalité congolaise par la force, car l’acquisition et la perte d’une nationalité relèvent du droit.

Un pays sans institutions politiques stables

La RDC est continuellement instable parce que ceux qui s’emparent du pouvoir ne construisent rien de stable qui peut survivre au-delà de leur règne et de leur existence terrestre ; or, suivant le conseil du nationaliste florentin Nicolas Machiavel, « la vertu du prince doit être relayée par des institutions destinées à lui survivre : semblables aux digues capables de contenir le torrent déchaîné de la fortune, les bonnes lois permettent aux peuples de ne pas être défaits par les accidents de l’histoire »[2]. Au Congo, le peuple est contraint, à la fin de chaque règne, de demander au successeur de détruire tout ce que son prédécesseur a construit. Il faut maintenant stabiliser la République en lui donnant des institutions qui soient une émanation du peuple et qui soient destinées à survivre au-delà des générations comme cela se passe dans la République helvétique. Dans le cas spécifique de Florence envahie par les Barbares, Nicolas Machiavel, conseiller des hommes politiques et secrétaire de la seconde chancellerie de la Seigneurie florentine, a affirmé qu’il faut reconnaître « qu’il n’y a pas de réussite politique digne de ce nom sans institutions, que le véritable sujet politique digne d’intérêt, c’est finalement la constitution [florentine]. La vertu d’un homme providentiel est certes nécessaire pour calmer le corps social tumultueux, mais elle est toujours insuffisante pour le faire durablement »[3].

Il faut, par la loi et par les institutions, tout entreprendre pour sortir notre pays de la violence et des conflits interethniques structurels afin de construire durablement une République solide au cœur de l’Afrique.

Tout en restant un peuple hospitalier, ouvert et très accueillant, la RDC doit refuser d’être naïve, elle doit refuser de se laisser guider, dominer ou influencer par des politiques extérieures et externes au pays. Dans une logique de stabilité qui doit viser le long terme, la RDC doit avoir la capacité d’imposer sa vision du monde et d’intégrer dans sa composante tous ceux qui sont prêts à défendre ses intérêts vitaux, qui sont prêts à lui ouvrir davantage les chemins des lendemains qui chantent, qui sont prêts à y investir afin de donner du travail aux millions de Congolais encore au chômage et à peupler utilement ce sous-continent, mais la RDC doit également avoir le réflexe de repousser tous ceux qui trahissent ou qui se préparent à trahir sa souveraineté.

Dans le souci de mettre un frein définitif à l’instabilité institutionnelle et législative en matière de nationalité, nous proposons une nouvelle loi claire, précise et concise. Une loi qui respecte également les conventions internationales.

La question de la nationalité empoisonne les relations entre les individus et les groupes ethniques

Même si la question de la nationalité empoisonne depuis longtemps, au Kivu et dans l’est de la République, les relations entre les individus et les groupes auxquels ils s’identifient, la loi sur la nationalité congolaise doit être générale et impersonnelle, car elle doit viser la permanence et anticiper sur le futur afin que la société survive au-delà des générations.

Malgré les relations passionnelles entre la RDC et le Rwanda, entre les groupes ethniques vivant à l’est du pays, le présent projet de loi cherche à régler la question de la nationalité congolaise sans verser dans la passion du moment et sans tenir compte des relations spécifiques entre les différents groupes ethniques de la RDC. Non seulement la RDC est une mosaïque d’ethnies, mais il convient de souligner que la loi est en principe générale et impersonnelle. Elle ne vise ni des individus ni des groupes ethniques, mais des situations particulières.

Mais comment expliquer la récurrence de la question de la nationalité dans l’est de la RDC[4] ?

Les pays des Grands Lacs dont fait partie le Kivu ont successivement subi l’influence des Arabes, des Allemands et des Belges. Après la création de l’Association Internationale Africaine, cinq expéditions belges sont envoyées dans la région des Grands Lacs.

Le Rwanda est le pays le plus peuplé du monde au km2

A l’époque du Mandat, les autorités belges considéraient le Rwanda, bénéficiant d’une forte population sur un territoire restreint, comme un possible réservoir de main-d’œuvre pour les espaces congolais voisins moins peuplés.

En 1937 fut signé un accord entre les autorités administratives du Kivu, les autorités du Rwanda et le Comité national du Kivu pour créer la Mission d’immigration des Banyarwanda (MIB) qui avait comme objectif, d’une part, d’organiser les migrations des populations du Rwanda et, d’autre part, de créer une circonscription rwandaise dans les secteurs dépeuplés de la zone de Masisi. Comme la zone d’implantation prévue appartenait à une collectivité bahunde, un acte de cession fut passé avec le chef bahunde Kalinda qui reçut 29.600 francs belges en dédommagement[5]. La confusion entre les ethnies et le conflit foncier commencèrent à cette époque. En achetant un espace dans une collectivité bahunde pour y installer définitivement des Rwandais travaillant dans les concessions agricoles des colons, la Belgique créa, sans le vouloir certainement, un précédent aux conflits interethniques actuels.

La MIB peupla donc les terres inhabitées du Gishari dans la zone de Masisi :

– de 1937 à 1949, un petit nombre de familles rwandaises s’installa au Gishari ;

– de 1949 à 1953, lors de la famine au Rwanda, le nombre d’immigrants s’accrut. Vers 1950, on dénombrait plus de 6.000 familles rwandaises installées au Gishari ;

– de 1953 à 1955, les nouveaux venus dépassèrent les limites qui leur furent attribuées et occupèrent les régions de Washali-Mokoto en dehors des limites de la circonscription érigée initialement pour eux. Cette expansion se fit en pleine circonscription des Bahunde.

Le « Plan décennal pour le développement économique et social du Rwanda et du Burundi 1951-1959 » devait ensuite promouvoir de nouvelles implantations vers les régions plus à l’ouest des territoires de Masisi et de Rutshuru. Globalement ce sont plus de 150.000 hectares que les Banyarwanda s’étaient vus accorder au Kivu[6].

Mais le programme d’implantation eut des difficultés pour se poursuivre du fait de l’existence des densités élevées de populations existant au Kivu et des oppositions croissantes des populations et des chefferies qui supportaient mal ces nouveaux groupes qui, important leurs propres structures, se plaçaient ouvertement en position de conquête foncière au-delà des zones qui leur étaient concédées.

La première guerre mondiale modifie les frontières définies lors du Congrès de Berlin en 1885. Cette guerre ramène les drapeaux belges à Karema et à Tabora, elle porte les Belges partout où il y a à combattre à travers l’Afrique allemande : au Rwanda, au Burundi, en Rhodésie, à la frontière du Kenya et à la frontière du Mozambique. Mais de toutes ces conquêtes, les Belges ne conservent qu’un lambeau : le Rwanda et le Burundi. C’est là qu’ils trouvent un immense réservoir de population et de main-d’œuvre dont ils ont besoin pour exploiter les terres agricoles très fertiles du Kivu et les mines du Katanga.

Déjà vers les années 20, la population du Rwanda et du Burundi dépasse 4.500.000 habitants. Cette population en accroissement accéléré inquiète les Européens dès leur arrivée. Mais, grâce à cette présence humaine en surnombre, le Rwanda devient rapidement une zone de recrutement de la main-d’œuvre indigène appelée à travailler dans les concessions belges au Kivu.

Rwanda : un État sous tutelle belge

Le Rwanda fut une colonie allemande. Après la défaite allemande à la fin de la première guerre mondiale et après celle de la seconde guerre mondiale, la gestion du Rwanda fut conviée à la Belgique sous forme de mandat et la Belgique devait rendre annuellement un rapport à l’Assemblée Générale des Nations Unies sur les deux pays dont elle avait la tutelle (Rwanda et Burundi) et sur les ressortissants rwandais et burundais vivant au Congo. Tous les rapports indiquaient que ces derniers étaient régulièrement considérés comme des étrangers sur le territoire congolais et qu’ils n’étaient pas admissibles aux postes d’éligibilité et dans la Fonction publique. Ils n’étaient électeurs qu’aux scrutins du niveau local.

Après l’indépendance, la loi rwandaise de 1971 comme la loi burundaise sur la nationalité ne reconnaissent pas la double nationalité. Les ressortissants de ces deux pays n’avaient donc jamais perdu leur nationalité tout en vivant au Congo. Ceci explique la raison pour laquelle plusieurs Rwandais rentrés au Rwanda après la victoire du FPR en 1994 ont rapidement occupé des postes politiques et stratégiques réservés uniquement aux seuls nationaux. La confusion ne pouvait plus être entretenue sur la nationalité de ces Rwandais (à ne pas confondre avec les Banyarwanda et les Banyamulenge installés au Congo avant 1885) qui sont arrivés au Congo sous la colonisation et à partir des événements de 1959. Ceux-ci sont restés Rwandais malgré la durée de leur séjour au Congo. Toutefois, ceux qui se sont définitivement installés au Congo et qui veulent devenir Congolais ont la possibilité de solliciter la nationalité de leur pays d’adoption, mais la réponse à cette démarche est à la discrétion de l’État congolais, car la nationalité ne s’obtient pas par la violence.

Au Rwanda, la Belgique avait choisi arbitrairement ses partenaires

Au Rwanda, au début de la colonisation, les Belges s’appuient sur les Tutsi. Puis, le bloc communiste invite le roi Mutara III Rudahigura et ses dignitaires Tutsi à se débarrasser du régime colonial belge. Les Tutsi acceptent la proposition de la propagande marxiste afin de devenir maîtres du pays. Cette attitude des Tutsi déplaît au gouvernement belge et à l’église catholique qui forme l’élite moyenne tutsi composée surtout de prêtres. Dès que les Tutsi acceptent d’adhérer à l’idéologie marxiste pour se libérer du joug colonial, la Belgique décide de changer de partenaires. Elle s’appuie sur les Hutu. Tutsi et Hutu s’opposent sur le plan politique.

La lutte pour l’indépendance

Lorsqu’en 1956, le mwami Mutara réclame l’indépendance, les Hutu réclament à leur tour le respect du nombre qu’ils représentent et invitent le gouvernement belge à ne pas accorder l’indépendance au Rwanda. En 1959, après la mort du mwami Mutara, les missionnaires catholiques soutiennent ouvertement le nouveau Parti du Mouvement pour l’Émancipation Hutu (ParmeHutu) dirigé par Grégoire Kayibanda. Dès lors, les esclaves d’hier accèdent au pouvoir et deviennent les maîtres. Tutsi et Hutu se massacrent. Une partie des Tutsi, fuyant la terreur et craignant pour leur vie, immigrent à l’étranger. Des milliers d’entre eux entrent au Congo-Belge. Le 1er juillet 1962, lorsque le Rwanda obtient son indépendance, la Belgique impose un régime militaire et installe un gouvernement provisoire présidé par Grégoire Kayibanda, c’est-à-dire un gouvernement Hutu. La prise du pouvoir par les Hutu appuyés par la Belgique met fin à la royauté tutsi et le dernier roi Kigeri V s’enfuit à l’étranger. Une foule considérable de réfugiés rwandais, Tutsi se réfugient en Ouganda en majorité et une partie envahit la région de Kivu. Avec le temps, le Zaïre leur accorde un statut sous la forme de permis d’établissement de longs séjours.

L’ère des premiers réfugiés politiques rwandais

Entre 1963 et 1964, les réfugiés Tutsi installés en Ouganda et au Burundi tentent plusieurs raids. Le gouvernement Hutu rwandais qui essuie ces raids radicalise son pouvoir et le fossé déjà créé entre les Tutsi et les Hutu s’amplifie.

La guerre civile renaît avec la mort du chef d’État Habyarimana, elle entraîne des milliers de morts car à la lutte politique se superpose un vieux conflit interethnique datant de l’époque coloniale. Les militaires Hutu qui ont longtemps reçu l’appui de la France ne peuvent que fuir. Si, dans les années 60, lorsque les Hutu accèdent au pouvoir, l’élite tutsi en opposition a des raisons de fuir vers l’Ouganda, après l’assassinat du président Habyarimana et la prise du pouvoir par la minorité tutsi venant de Kampala, les militaires Hutu choisissent le Zaïre pour la simple raison qu’ils espèrent y être protégés à la fois par le régime du président Mobutu, ami du chef d’État rwandais assassiné et par la France, via les bases militaires du Zaïre.

Pour sécuriser le pays qu’ils ont nouvellement reconquis, les Tutsi au pouvoir à Kigali décident de traquer leurs compatriotes Hutu réfugiés au Zaïre. A partir de là, les conflits dans les Grands Lacs prennent une nouvelle tournure. A cause de l’afflux des réfugiés rwandais au Kivu et de l’extension de la guerre rwandaise sur le territoire zaïrois, l’économie du Nord-Kivu se retrouve paralysée. L’invasion massive des réfugiés provoque la destruction de l’écosystème et des infrastructures. L’agriculture et l’élevage sont détruits. Cette présence massive de nouveaux réfugiés relance le mécontentent des autochtones qui s’opposent aux étrangers et aux réfugiés. Trois sortes d’oppositions se superposent : les autochtones contre les étrangers vivant déjà au Kivu, les autochtones contre les nouveaux réfugiés rwandais, les Tutsi zaïrois et les réfugiés tutsi rwandais contre les Hutu zaïrois et rwandais.

Pour empêcher les militaires Hutu en fuite au Zaïre de se constituer en force armée prête à reconquérir le pouvoir avec l’appui de la France, du Zaïre et d’autres puissances étrangères, les militaires du nouveau pouvoir à Kigali pénètrent au Zaïre. Le conflit interethnique rwandais né à partir de cette donne se transpose au Zaïre avec plus de violence en raison de la présence des mêmes groupes ethniques dans les deux pays. Le conflit qui était à l’origine purement rwandais devient un conflit zaïrois. A vingt kilomètres du Rwanda, à la frontière du Kivu et du côté des territoires zaïrois, Hutu et Tutsi s’entre-tuent. Le 10 mai 1994, la France lance l’idée d’envoyer des troupes françaises au Rwanda. Mais les Américains s’opposent et la fameuse opération turquoise échoue.

Deux facteurs d’analyse : le facteur foncier et la densité de la population

Dans l’analyse du conflit interethnique au Kivu, deux principaux facteurs doivent être pris en compte : le facteur foncier et la densité de la population.

Depuis l’indépendance, la question de la nationalité se pose au Kivu avec une intensité grave, surtout dans la sous-région du Nord-Kivu. Les populations originaires du Rwanda qui ont émigré ou qui ont été incorporées au Congo-Belge lors de la colonisation ne sont pas toujours perçues comme nationales par les autres populations autochtones. Celles-ci sont appelées habituellement Banyarwanda ou Zaïrois d’expression rwandaise pour les distinguer des Rwandais habitant le Rwanda. Cinq phénomènes sont à l’origine du développement d’une population d’origine rwandaise dans les provinces du Kivu : la proximité avec un Rwanda surpeuplé, l’immigration des Banyarwanda, le recrutement de la main-d’œuvre rwandaise, les réfugiés politiques, les immigrants clandestins.

Des frontières poreuses

Les migrations clandestines vers le Kivu ont été facilitées par quelques éléments : la frontière le long du Rwanda et du Zaïre est totalement perméable aux passages clandestins des marchandises ou de personnes ; les terres rwandaises dans les régions frontalières ont des densités démographiques de plus de 210 habitants/km2 ; à cause de la forte pression démographique, la population immigre ; pendant les moments de conflits ethniques, comme en 1973, la population tutsi, ne se sentant pas en sécurité, s’est réfugiée dans les pays limitrophes dont une grosse partie au Kivu. Mais ces populations ne se sont pas enregistrées comme réfugiés politiques ; elles ont pénétré au Zaïre et s’y sont installées comme zaïroises. La présence d’un segment de la famille en émigration a été un support essentiel pour une future émigration d’une autre partie de la famille.

 Une grande confusion dans la nationalité

Des échanges matrimoniaux et des migrations internes ont brouillé les origines. La relative aisance avec laquelle les papiers d’identité sont obtenus ou falsifiés a accentué la confusion.

Cinq zones sont particulièrement affectées par la présence d’étrangers : celle de Goma, de Karisimbi, de Rutshuru, de Walikale et surtout celle de Masisi où une partie importante de la population d’expression rwandaise est répertoriée comme zaïroise. Si les Nande pèsent d’un poids démographique comparable à celui des Banyarwanda, en revanche, les Hunde du Masisi se retrouvent en position très minoritaire, de même que les Nyanga de Walikale – deux grandes zones d’expansion territoriale de la migration rwandaise.

Les lois zaïroises sur la nationalité

En 1960, la Belgique donne au Congo une Loi fondamentale en guise de Constitution provisoire, en attendant que les Congolais se donnent eux-mêmes une Constitution au lendemain de l’accession du pays à la souveraineté internationale. Cette Loi fondamentale détermine les frontières qui correspondent à celles de l’État indépendant du Congo. Le Congo, dans ses frontières héritées en 1960, constitue à partir du 30 juin 1960, un État indépendant dont les habitants ont, aux conditions que la loi détermine, une même nationalité sur le territoire à l’intérieur duquel ils ont la liberté de se déplacer et de s’établir. Dans cette même Loi fondamentale, la Belgique a laissé au nouvel État congolais, art. 219, la liberté de définir lui-même les conditions d’acquisition de la nationalité.

A la suite de migrations clandestines et de l’insoumission des migrants, des conflits entre population immigrée et population autochtone ont régulièrement eu lieu. Le gouvernement zaïrois a essayé de résoudre la situation par une loi. Le 5 janvier 1972, l’identité zaïroise est reconnue aux Banyarwanda : Sont Zaïroises, toutes les personnes dont un des ascendants[7] est, a été membre d’une des tribus établies sur le territoire de la République du Zaïre dans ses limites du 15 novembre 1908 et telles que modifiées par les conventions ultérieures. L’article 15 précise : Les personnes originaires du Rwanda-Burundi qui étaient établies dans la province du Kivu avant le 1er janvier 1960 et qui ont continué à résider depuis lors dans la République du Zaïre jusqu’à l’entrée en vigueur de cette loi, ont acquis la nationalité zaïroise à la date du 30 juin 1960.

Dans l’esprit de la loi de Luluabourg, « ne sont congolais que ceux dont l’un de ses ancêtres a appartenu à une tribu ou une partie de tribu établie sur le territoire congolais avant le 15 novembre 1908 ». Deux conditions devaient être remplies : avoir un ascendant et être membre d’une tribu. Ceci souligne l’exclusivité de la nationalité congolaise. Tous ceux qui ont eu leurs ascendants sur le territoire congolais avant la date mentionnée sont devenus collectivement Congolais à la date de l’accession du pays à l’indépendance.

Le caractère confus et particulièrement falsifié des pièces d’identité rend cette loi non-opératoire. Elle finit par être abrogée et remplacée par une autre, celle du 29 juin 1981. Cette loi a précisé la question en y apportant quelques innovations, comme par exemple, « la reconnaissance à la mère de transmettre également la nationalité zaïroise par filiation ; l’institution d’une petite et d’une grande naturalisation et l’abandon de la procédure législative au profit de la procédure administrative, la perte par option expresse de la qualité de Zaïrois par la citoyenne qui épouse un étranger, le caractère strictement individuel de la demande de la nationalité zaïroise, sauf dans le cas d’adjonction des territoires prévue à l’article 109 alinéa 3 de la Constitution »[8]. Cette loi rend plus restrictif encore l’accès à la nationalité zaïroise qui n’est plus reconnue qu’aux originaires du Rwanda-Burundi établis dans la province du Kivu avant le 1er janvier 1950 à la suite d’une décision de l’autorité coloniale. Elle maintient le critère d’une nationalité unique et elle refuse que la nationalité zaïroise soit détenue concurremment avec une autre nationalité (voir art. 1). Elle précise que pour être reconnu congolais (nationalité d’origine), la tribu d’appartenance devait être installée à l’intérieur des frontières congolaises au 1er août 1885.

Ceci revient à questionner les archives coloniales pour établir correctement les tribus et les grandes familles installées au Congo à partir de cette année-là, et, à partir des informations obtenues dans le Bulletin officiel de 1885 (en précisant les frontières de l’État Indépendant du Congo, encore flottantes et fixées en accord avec l’Allemagne pour le Rwanda et l’Urundi, avec la France et le Portugal), il est possible d’établir l’arbre généalogique des tribus et de grandes familles congolaises[9].

Si la loi de 1981 est venue compliquer celle de 1964, elle a au moins précisé que les Banyarwanda et les Banyamulenge installés au Congo avant 1885 sont Congolais à part entière et qu’il ne doit pas y avoir querelle. Mais, puisqu’il y a un mais, si définir clairement ses Banyarwanda et ses Banyamulenge et leurs descendants est la vraie question, il appartient à l’État congolais d’y répondre sans passion et sans état d’âme. La réponse à cette question souligne la nécessité de créer un Office national sur la nationalité.

Donc, applicable avec effet rétroactif, cette loi efface le droit de nationalité acquis d’une partie de la population qui est placée du jour au lendemain en situation d’apatridie, sauf à obtenir, après des démarches individuelles, la nationalité zaïroise. La loi de 1981 contribue à la dégradation des relations intercommunautaires. Autochtones et étrangers se figent sur leurs positions, dans une attitude d’autodéfense qui prépare le terrain aux violences tribales du Masisi, puis à la rébellion banyamulenge. 

En 1991, le gouvernement zaïrois confisque les terres des Banyamulenge installés à Uvira depuis fort longtemps. Avec le conflit rwandais, plusieurs milliers de Banyarwanda regagnent le Rwanda où ils n’ont plus de racines. D’autres Tutsi décident de rejoindre le FPR en Ouganda avant de conquérir le pouvoir au Rwanda et de revenir semer le trouble au Kivu.

Les Banyamulenge et les Banyarwanda collaborent avec le nouveau pouvoir à Kigali

Avec l’arrivée du FPR au pouvoir à Kigali et le retour au Rwanda de plusieurs Tutsi congolais, les Banyamulenge et les Banyarwanda sont vite pris pour des Tutsi et accusés de collaboration avec le nouveau pouvoir à Kigali. La pression est si forte qu’il n’y a plus que deux solutions devant eux : fuir le Congo pour un nouvel exil ou mener une lutte armée pour affirmer leur nationalité et s’imposer sur les « collines de leurs pères ».

« Cette question de la nationalité au Kivu empoisonne depuis longtemps les relations entre les individus et les groupes auxquels ils s’identifient. L’incertitude relative au statut d’une fraction non négligeable des habitants de la région n’a pu que favoriser les manipulations politiques, avec d’autant plus de succès que la population s’est trouvée en situation de concurrence économique, de compétition foncière. Droits du sol et citoyenneté tendent à se confondre, dressant face à face différentes catégories d’usagers, dès lors que la terre est devenue trop rare pour répondre à tous les usages pour lesquels elle est sollicitée. L’accès à la terre, la revendication d’un droit au territoire dans un contexte de pression démographique croissante sont une des composantes structurelles essentielles du conflit au Kivu »[10].

L’impossibilité d’organiser des élections

« Peu avant l’indépendance, les Congolais, réunis à la Table ronde politique à Bruxelles, adoptèrent, le 19 février 1960, la résolution no 11 relative au régime électoral. Ils retinrent parmi les conditions pour exercer le droit de vote :

d) Etre Congolais ou de mère congolaise ;

les ressortissants du Rwanda-Urundi résidant au Congo depuis dix ans au moins, sont également admis à voter »[11].

Si les ressortissants du Rwanda-Urundi, régis par statut de territoire sous mandat de la SDN, vivant au Congo belge depuis 10 ans pouvaient voter, ils n’étaient pas éligibles, car pour être candidat aux élections, il fallait être Congolais ou de mère congolaise.

Devenus minoritaires sur les terres de leurs ancêtres et peu représentés dans des postes politiques, les nationaux considèrent que les postes politiques sont confisqués par ceux qu’ils prennent pour des étrangers et que ces postes permettent leur réussite économique. Ainsi toutes les élections posent problème. Elles sont un enjeu entre les divers groupes existant au Kivu. A chaque élection, interviennent des contestations sur l’origine des candidats pressentis. Par exemple : en 1980, lors de la nomination des membres du Comité central du parti, la publication de la liste pour la zone de Masisi comprenait trois Rwandais et un seul Hunde. Après sensibilisation de l’opinion publique, les trois Rwandais furent déchus de leur qualité de membres du Comité central. Les membres du Comité central originaires du Kivu protestèrent à propos des candidatures des commissaires du peuple dans la zone de Masisi en juillet 1982[12]. En 1987, les élections législatives et locales avaient été annulées à cause de multiples contestations concernant la nationalité des candidats. En 1989, les élections au Nord et Sud-Kivu furent reportées sur décision présidentielle afin de permettre l’identification et le recensement de la population.

Pendant longtemps, les Banyarwanda étaient accusés de s’investir dans les postes électifs du MPR et de l’administration, ainsi que de posséder la plupart des entreprises du Nord-Kivu.

 Quelle année de référence ?

Lorsque le Congo accède à l’indépendance, la nationalité congolaise est automatiquement acquise aux membres des tribus installées à l’intérieur des frontières héritées de la colonie belge au 30 juin 1960, date de l’indépendance. « Sont Congolaises toutes les personnes dont un des ascendants est, a été membre d’une des tribus établies sur le territoire de la République du Congo dans ses limites du 15 novembre 1908 et telles que modifiées par les conventions ultérieures».

Donc, en date du 30 juin 1960, les ressortissants du Rwanda et du Burundi n’avaient pas acquis la nationalité congolaise parce qu’ils avaient gardé leur nationalité d’origine et parce qu’ils travaillaient au Congo en qualité d’étrangers.

La question de la nationalité qui est récurrente ne date pas d’aujourd’hui, la Constitution de Luluabourg du 1er août 1964 la traitait déjà sans complaisance. Cette Constitution avait repris cette disposition sur la nationalité dans ses articles 6 et 7 en se prononçant clairement sur le principe de la nationalité unique. Dans cette loi, la nationalité congolaise était attribuée à partir de l’appartenance à une tribu établie au Congo avant le 18 octobre 1908[13] et non sur la base d’un simple décret. Cette loi a exclu tous les immigrés et les clandestins entrés au Congo[14].

L’Ordonnance-loi no 71-020 du 26 mars 1971 relative à l’acquisition de la nationalité congolaise par les personnes originaires du Rwanda-Urundi établies au Congo au 30 juin 1960 stipule que « les personnes originaires du Rwanda-Urundi établies au Congo à la date du 30 juin 1960, sont réputées avoir acquis la nationalité congolaise à la date susdite ». Cette Ordonnance-loi est non seulement étrange mais surtout surprenante car elle ne se réfère à aucune loi constitutionnelle antérieure, en plus, elle a manqué un caractère juridique en n’indiquant pas la date de l’entrée en vigueur de ladite Ordonnance-loi. Pire encore, le législateur n’a pas abrogé les dispositions légales antérieures, en particulier les articles 6 et 7 de la Constitution de Luluabourg. Si la nationalité a toujours été acquise individuellement, cette Ordonnance-loi a péché par omission en accordant collectivement la nationalité aux personnes originaires du Rwanda et du Burundi. Dans cette Ordonnance-loi, la date de référence n’est ni 1885, ni 1908, mais le 30 juin 1960. En omettant l’expression de la volonté individuelle pour l’obtention de la nationalité, en ne précisant pas le nombre d’années nécessaire avant de postuler à la nouvelle nationalité, etc., cette Ordonnance ne pouvait être validée par l’Assemblée nationale congolaise.

La loi organique beaucoup plus libérale promulguée le 5 janvier 1972 relative à la nationalité zaïroise a reconnu l’identité zaïroise aux Banyarwanda : L’article 15 précisait : « Les personnes originaires du Ruanda-Urundi qui étaient établies dans la province du Kivu avant le 1er janvier 1960 et qui ont continué à résider depuis lors dans la République du Zaïre jusqu’à l’entrée en vigueur de cette loi, ont acquis la nationalité zaïroise à la date du 30 juin 1960 ».

A cause de la non-conformité ou de l’inconstitutionnalité de l’Ordonnance-loi sur la nationalité no 71-020 du 26 mars 1971, l’Assemblée nationale adopta une nouvelle loi sur la nationalité no 72-002 du 05 janvier 1972. Cette nouvelle loi abrogea le décret-loi du 18 septembre 1965 sur la nationalité et déclara nulle et non avenue l’Ordonnance-loi du 26 mars 1971[15]. Les originaires du Rwanda et du Burundi furent fixés, ils ne furent pas considérés comme des Congolais, car la loi de 1972 réaffirma les mêmes critères d’obtention de la nationalité contenus dans la Constitution de 1964. Le principe de la double nationalité fut refusé et le principe d’une nationalité unique et exclusive fut maintenu. En revanche, une disposition spéciale (art.15) fut réservée en faveur des originaires du Rwanda-Urundi établis dans la province du Kivu avant le 1er janvier 1950 et qui ont continué à résider depuis lors au Congo jusqu’à son entrée en vigueur. Elle prescrit qu’elles ont acquis la nationalité congolaise à la date du 30 juin 1960. Cette disposition entre en contradiction avec la Constitution de 1964 mais il est possible d’interpréter l’esprit du législateur comme une volonté d’accorder la nationalité congolaise aux originaires du Rwanda-Urundi qui avaient continuellement vécu au Congo et qui voulaient réellement renoncer à leur nationalité d’origine pour devenir Congolais. Il est donc possible d’estimer que tous ceux qui, après avoir renoncé à leur nationalité d’origine, avaient officiellement entrepris des démarches pour devenir Congolais en faisant valoir leur présence ininterrompue au Congo depuis 1950 ont acquis la nationalité congolaise. Mais la preuve de la renonciation et de l’acquisition doivent être établies. Dans le cas contraire, il est à considérer qu’ils n’avaient jamais renoncé à leur nationalité d’origine, car le décret-loi no 1/95 du 10 août 1971 portant code de la nationalité burundaise (Bulletin officiel du Burundi, no 9/71,p. 305) ne reconnaît pas la double nationalité aux ressortissants du Burundi[16].

Dans la nouvelle loi que nous proposons, nous prenons l’année 1960 comme année de référence pour la reconnaissance de la nationalité pour tous ceux qui avaient leurs ascendants sur le territoire congolais, car dans la Loi fondamentale de 1960, la puissance coloniale avait abrogé au 30 juin 1960, dans son article 259, la loi du 18 octobre 1908 et la loi du 21 mars 1959 portant institution du Conseil de législation du Congo belge.

Les cartes de résidence sont monnayées : identification congolaise difficile

Le caractère confus et particulièrement falsifié des pièces d’identité a rendu cette loi non-opératoire, car les immigrants venus au Congo/Zaïre après 1960 avaient mystérieusement fondu. C’est pourquoi la loi de 1972 a été abrogée et remplacée par la loi no 81-002 du 29 juin 1981. Si la Constitution de Luluabourg a accordé la nationalité aux ascendants des tribus installées au Congo avant le 18 octobre 1908, celle de 1981 ne l’a plus accordé qu’aux tribus établies sur le territoire du Zaïre avant le 1er août 1885, c’est-à-dire à l’époque de la division de l’Afrique à Berlin entre les grandes puissances européennes de l’époque. Au lieu de simplifier la loi, la législation zaïroise a compliqué comme à souhait la question de la nationalité en excluant de la citoyenneté zaïroise les originaires du Rwanda et du Burundi établis au Kivu.

« En abrogeant les dispositions antérieures, la loi du 29 juin 1981 a rendu plus restrictif encore l’accès à la nationalité zaïroise qui n’était plus reconnue qu’aux originaires du Rwanda et du Burundi qui étaient établis dans la province du Kivu avant le 1er janvier 1950 à la suite d’une décision de l’autorité coloniale. Cette loi applicable avec effet rétroactif effaçait le droit de nationalité acquis d’une partie de la population placée du jour au lendemain en situation d’apatridie, sauf à obtenir, après des démarches individuelles, la nationalité zaïroise. On ne pouvait mieux faire pour alimenter le ressentiment d’une population soudain exclue de la communauté nationale. La loi de 1981 a beaucoup contribué à la dégradation des relations intercommunautaires, autochtones et étrangers se figeant de plus en plus sur leurs positions, dans une attitude d’autodéfense qui allait préparer le terrain aux violences tribales du Masisi, puis à la rébellion banyamulenge. »[17]

Si cette loi a défini la nationalité zaïroise comme « une et indivisible » et elle a précisé dans son article 22 : « L’étranger devenu zaïrois par l’effet de l’option est soumis aux incapacités suivantes : il ne peut être investi de fonctions politiques », elle a connu des problèmes dans son application, car elle a exigé une sérieuse vérification difficile à réaliser faute d’une base solide d’identification des personnes dans les provinces du Kivu.

En 1991, le gouvernement zaïrois a confisqué les terres des Banyamulenge installés à Uvira. « Suite à un rapport d’enquête corédigé par le député de la zone de Fizi (Sud-Kivu), la position du Haut Conseil de la République-Parlement de transition (HCR-PT) s’est encore durcie. Une résolution adoptée le 28 avril 1995 remettait en cause indistinctement la nationalité zaïroise des Banyamulenge, les réduisant au rang de réfugiés ou d’immigrants illégaux »[18].

Si la loi de 1972 avait accordé la nationalité zaïroise aux populations originaires du Rwanda, celle de 1981 la leur a retirée. A partir du rejet des Banyarwanda et des Banyamulenge de la nationalité zaïroise à la CNS, les Tutsi vivant au Zaïre, et dont l’immigration, pour certains, remonte à la période d’avant la colonisation, étaient sans un statut précis. Avec le conflit rwandais, certains ont été contraints de regagner le Rwanda où ils n’avaient plus de racines car, au Kivu, ils étaient menacés par les autres ethnies. D’autres ont décidé de rejoindre le FRP en Ouganda avant d’aller conquérir le pouvoir au Rwanda.

Quatre catégories de ressortissants hutu et tutsi dits Banyarwanda vivent au Kivu : des Zaïrois à part entière dont les ascendants vivaient sur le territoire du Congo avant la colonisation, des transplantés arrivés au Congo Belge avant l’indépendance entre 1936 et 1954 et pour lesquels le statut d’étrangers ne pose juridiquement aucun problème, des réfugiés politiques venus par vagues successives à partir de 1959, des immigrés clandestins.

« En ce début du troisième millénaire, plus de quarante ans après son indépendance, l’État congolais ne connaît pas avec exactitude ceux qui parmi ses habitants lui sont rattachés par le lien juridique et politique de nationalité. D’autant que les services de son état civil sont totalement désorganisés. Si bien que les cartes d’identité ont pour porteurs non seulement les nationaux mais aussi des étrangers auxquels elles ont été vendues »[19].

Une immigration rwandaise ininterrompue

« L’immigration rwandaise vers le Zaïre oriental, Hutu et Tutsi mêlés, ne s’est pas arrêtée en 1910. La main-d’œuvre du Rwanda surpeuplé a trouvé à s’y employer. S’y est ajoutée, à partir des persécutions de 1959, une vague de réfugiés tutsi. Avant même l’arrivée de plus d’un million de réfugiés hutu, en 1994, les autochtones (en gros, les non-rwandophones) avaient déjà tendance à trouver trop élevée la proportion d’étrangers […] A partir de 1994, le million de nouveaux réfugiés, très marqués par une idéologie ethniste, a constitué un volant de manœuvre idéal pour rebattre les cartes identitaires. A fondu là-dessus une nuée de forces de l’ordre : en réalité, des compagnies de racketteurs (DSP de Mobutu), prêtes à s’allier au plus offrant – et au plus fort »[20].

Depuis la mort du président rwandais Habyarimana et la fuite de Hutu vers l’est de la RDC, les mouvements des populations aux frontières de l’est du pays sont quasiment incontrôlés et incontrôlables de sorte qu’aujourd’hui, les Congolais ne savent pas très exactement qui sont Congolais et qui le ne sont pas, car à l’est toute personne d’origine rwandaise ou burundaise a tendance à se réclamer Munyarwanda, Murundi ou Munyamulenge. De même la façon, de nombreux Angolais se disaient, hier encore, Congolais. La confusion est totale.

La question de la nationalité dans l’est de la RDC est devenue si récurrente qu’elle nécessite une solution urgente, intelligente et définitive, car elle ressemble à une épine plantée dans le dos de la République. Ainsi, vu ce qui précède, il y a une urgence et une nécessité d’écrire une nouvelle loi sur la nationalité afin d’innover et de rayer les abus. Ces innovations portent principalement sur : la nécessité de créer un Office national sur la nationalité, la modification de l’année de référence, la perte de la nationalité, la naturalisation obtenue avec l’accord de la commune et de la province de résidence du requérant.

Malgré l’urgence, l’octroi de la nationalité doit se faire dans la sérénité, sans a priori ni suspicion. Il faut aller par étape en commençant d’abord par reconnaître ceux qui sont des citoyens congolais (qui sont éligibles et qui ont le droit d’élire), en reconnaissant ensuite la double nationalité aux citoyens congolais et aux enfants des Congolais dont l’un des conjoints est de nationalité étrangère. Pour les étrangers qui veulent devenir des citoyens congolais tout en gardant leur nationalité d’origine, la sagesse et la prudence doivent pousser la République à attendre afin de ne pas compromettre l’avenir. Lorsque l’établissement de la nationalité et la reconnaissance des Congolais ne poseront plus de problème, on pourra alors, dix ans plus tard, poser la question de la double nationalité par référendum, car comme disait Jean-Jacques Rousseau, « Toute loi que le peuple n’a pas ratifiée est nulle ; ce n’est pas une loi »[21]. Cela signifie qu’il faudrait préalablement réorganiser l’administration publique et l’état civil avant de poser le problème de la double nationalité, car la réponse à cette question doit venir du peuple. Poser les deux problèmes au même moment (la reconnaissance des nationaux et des étrangers sur le territoire national et la double nationalité) reviendrait à amener la République dans une nouvelle impasse à la veille des élections, surtout parce que les populations de l’est qui souffrent déjà tant à cause de la cacophonie sur la question de la nationalité n’accepteront pas que la question de la nationalité et de la double nationalité soit posée et résolue en même temps.

Dr Fweley Diangitukwa

Politologue et écrivain

Le 13 juin 2004

BIBLIOGRAPHIE

 

Publications utiles

Sur le concept de nationalisme

– Chabot (Jean-Luc), Histoire de la pensée politique (XIXe et XXe siècle), Paris, Masson, 1988 ; – Le nationalisme, Paris, PUF, coll. QSJ ?, 4e édition, 1997.

– Delannoi (Gil) et Taguieff (Pierre-André) (sous la direction de), Théories du nationalisme, Paris, Kimé, 1991.

– Hobsbawm (Eric), Nations et nationalisme depuis 1780, Paris Gallimard, 1990.

Sur la RDC et la région des Grands Lacs

– Amselle (Jean-Loup) et M’Bokolo (Elikia), Au cœur de l’ethnie, Paris, La Découverte, 1985.

– Bois de Gaudusson (Jean du) et Gaud (Michel) (sous la direction de), L’Afrique face aux conflits, Paris, La documentation française, 4e trimestre 1996.

– Fweley Diangitukwa, Pouvoir et clientélisme au Congo-Zaïre-RDC, Paris, L’Harmattan, 2001, voir pp. 151-200 ; – Lettre à tous les Congolais. Savoir gouverner et servir la République, Saint-Légier (Suisse), Afrique Nouvelle, 2003, voir pp. 63-70.

– M’Pambia (M.B.), Le problème de la nationalité au Kivu, Bukavu, MPR, 1983.

– Manassé (Müller) Ruhimbika, Les Banyamulenge (Congo/Zaïre) entre deux guerres, Paris, L’Harmattan, 2001.

– Nguya-Ndila (Célestin), Nationalité et citoyenneté au Congo Kinshasa, Paris, L’Harmattan, 2001, avec dans l’annexe, la loi du 29 juin 1981 sur la nationalité congolaise.

– Médecins sans frontières, Conflits en Afrique, Bruxelles, GRIP, 1997.

– Pabanel (Jean-Pierre), « La question de nationalité au Kivu », in Politique africaine, no 41, Paris, Karthala, 1991.

– Reyntjens (Filip), L’Afrique des Grands Lacs en crise, Paris, Karthala, 1994 ; – La guerre des Grands Lacs, Paris, L’Harmattan, 1999.

– Ryckmans (Pierre), Le Miroir du Congo Belge, tomes 1 et 2, Bruxelles-Paris, Société Nationale d’Éditions Artistiques, 1929.

– Tegera (Aloys), Les crises politiques au Burundi et au Rwanda (sous la dir. de Guichaoua A.), Université de Lille, Karthala, 1995.

– Tshiyembe (Mwayila), État multinational et démocratie africaine, Paris, L’Harmattan, 2001.

– Vangu Mambweni, Guerres préméditées en région des Grands Lacs africains : Rôles et tentacules du Tutsi international power en République démocratique du Congo, Kinshasa, Médias pour la paix, 2000.

– Willame (Jean-Claude), Banyarwanda et Banyamulenge, Institut Africain-CEDAF/L’Harmattan, 1997.

Document

Principes des lois régissant la nationalité, texte présenté à Sun City en février 2002, par Le Mouvement de Libération du Congo (MLC).

Résumé

PROBLEMATIQUE DE LA NATIONALITE

EN RD CONGO

La question de la nationalité dans l’est de la RDC est devenue si récurrente qu’elle nécessite une solution urgente, intelligente et définitive, car elle ressemble à une épine plantée dans le dos de la République. Il y a une nécessité et une urgence d’une nouvelle loi afin d’innover et de rayer les abus. Dans ce texte, nous proposons des innovations qui portent principalement sur : la nécessité de créer un Office national sur la nationalité, la modification de l’année de référence, la perte de la nationalité et la naturalisation obtenue avec l’accord de la commune et de la province de résidence du requérant.

Malgré l’urgence, il faut aller par étape en commençant d’abord par reconnaître ceux qui sont des citoyens congolais (qui sont éligibles et qui ont le droit d’élire), en reconnaissant ensuite la double nationalité aux citoyens congolais et aux enfants des Congolais dont l’un des conjoints est de nationalité étrangère. Pour les étrangers qui veulent devenir des citoyens congolais tout en gardant leur nationalité d’origine, la sagesse et la prudence doivent pousser la République à attendre afin de ne pas compromettre l’avenir. Lorsque l’établissement de la nationalité et la reconnaissance des Congolais ne poseront plus de problème, on pourra alors, dix ans plus tard, poser la question par référendum de la double nationalité pour ces étrangers qui veulent devenir des citoyens congolais tout en gardant leur nationalité d’origine. Cela signifie qu’il faudrait préalablement recenser la population, réorganiser l’administration publique et l’état civil avant de poser le problème de la double nationalité, car la réponse à cette question doit venir du peuple. Poser les deux problèmes au même moment (la reconnaissance des nationaux et des étrangers sur le territoire national et la double nationalité) reviendrait à amener la République dans une nouvelle impasse à la veille, surtout parce que les populations de l’est qui souffrent déjà tant à cause de la cacophonie sur la question de la nationalité n’accepteront pas que la question de la nationalité et de la double nationalité soit posée et résolue en même temps.


[1] Nous entendons par nationalité, le « lien juridique unissant un individu (citoyen) à un État. Au XIXe siècle, mouvement à la fois pour constituer une Nation (unité italienne) et faire reconnaître les droits y afférents », in Lexique des sciences sociales, 6e édition, Paris, Dalloz, 1994, p. 279.

[2] Thierry Ménissier, Le vocabulaire de Machiavel, Paris, ellipses, 2002.

[3] Ibid.

[4] Ce projet de loi sur la nationalité est rédigé à partir des éléments contenus dans notre publication, Fweley Diangitukwa, Pouvoir et clientélisme au Congo-Zaïre-RDC, Paris, L’Harmattan, 2001, pp. 151-200 et Fweley Diangitukwa, Lettre à tous les Congolais. Savoir servir la République, Saint-Légier (Suisse), Afrique Nouvelle, 2003, pp. 63-70. Pour des informations plus amples sur cette question, se référer à nos deux publications précitées.

[5] Différents chiffres ont été avancés. Vangu Mambweni a parlé de 500.000 FB. Ce chiffre paraît exagéré comparativement à la réalité et au coût de la vie de l’époque. Néanmoins, Vangu Mambweni précise que cette somme fut remboursée au Roi pour répondre à la réaction des autochtones bahunde. C’est à partir de cette réaction des Bahunde qu’il faut situer le départ de l’opposition entre autochtones et « étrangers ». Cette opposition est aujourd’hui extériorisée dans le conflit armé entre les Maï-Maï et les Banyamulenge. Se référer à Vangu Mambweni, Guerres préméditées en région des Grands Lacs africains : Rôles et tentacules du Tutsi international power en République démocratique du Congo, Kinshasa, Médias pour la paix, 2000, p. 42. « Au Nord-Kivu, les minorités autochtones, Nyanga, Tembo et surtout Hunde du Masisi, se sont senties menacées dans leurs prérogatives par les immigrants, longtemps rassemblés pêle-mêle sous le label Banyarwanda », in Jean du Bois de Gaudusson et Michel Gaud (sous la direction de), L’Afrique face aux conflits, op. cit., p. 22. Le territoire accordé aux Rwandais mesurait 350 km2, soit une étendue d’à peu près 19,5 kilomètres de longueur sur 18 kilomètres de largeur. Cette circonscription fut administrée par un chef d’ethnie tutsi choisi parmi les immigrants.

[6] A. Guichaoua, Destins paysans et politiques agraires en Afrique centrale (tome 1), Paris, L’Harmattan, 1989, 207 p.

[7] Par ascendance, il faut entendre l’idée de filiation et de lignée de famille. D’où la nécessité et l’urgence de dresser l’arbre généalogique de familles congolaises ayant habité sur le territoire congolais avant 1960. Ce travail doit être fait assez rapidement à partir des archives belges, au niveau de chaque commune, de chaque district et de chaque province, pour éviter toute confusion et toutes revendications abusives. Il est temps de moderniser la RDC en dotant le pays d’outils de contrôle de sa population.

[8] Voir « Principes des lois régissant la nationalité » texte présenté à Sun City en février 2002, par Le Mouvement de Libération du Congo (MLC), p. 17.

[9] Si ce travail est possible avec l’essor de nouvelles technologies, il reste tout de même fastidieux, mais il aura au moins l’avantage de taire les querelles et surtout d’éviter toute récurrence de la question sur la nationalité. Il épargnera la République des conflits ethniques et politiques futiles. Tout en clarifiant les grandes familles Banyarwanda et Banyamulenge installées au Congo avant le 1er août 1885, l’État doit se prononcer sur la situation des clandestins, des immigrés et des réfugiés installés illégalement au Congo et aussi régulariser définitivement leur situation, car on ne peut pas rester clandestin à vie. Tout doit être fait dans l’esprit d’un État de droit en gestation, c’est-à-dire dans le respect de la dignité humaine. N’est-ce pas que tout étranger vivant dans un pays doit connaître son statut parce que le statut d’un étranger dans un pays tiers détermine les conditions de sa vie dans ledit pays ?

[10] Jean du Bois de Gaudusson et Michel Gaud (sous la direction de), L’Afrique face aux conflits, op. cit., p. 19.

[11] Voir « Principes des lois régissant la nationalité » texte présenté à Sun City en février 2002, par Le Mouvement de Libération du Congo (MLC), p. 7.

[12] « Les débats montrent que les deux causes principales du conflit sont les problèmes de ‘nationalité’ et de ‘course au pouvoir pour avoir des terres’», in Filip Reyntjens, La guerre des Grands Lacs, op. cit., p. 16.

[13] Il est clair que les Banyarwanda et les Banyamulenge installés au Congo avant cette date sont Congolais, car ceux-ci n’étaient pas concernés par le mandat postérieur de la SDN. Tout le problème est maintenant de savoir quelles étaient ces familles et de déterminer leurs descendances. Un travail sérieux et approfondi permettra d’exclure les transplantés, les clandestins, les immigrés et les réfugiés afin d’éviter tout amalgame sur la nationalité congolaise. La réponse doit être politique, juridique et éthique. Seul un Office créé à cet effet pourra s’y pencher sérieusement et proposer des solutions adéquates.

[14] A. Mwaka Bwenge, « Phénomène d’ethnicité dans la région du Nord-Kivu », mémoire de licence, Université de Kinshasa, département des sciences politiques et administratives : 1995-1996, p. 162, cité par Erik Kennes, « Du Zaïre à la République démocratique du Congo : une analyse de la guerre de l’Est », in L’Afrique politique, op. cit., p. 177.

[15] Voir « Principes des lois régissant la nationalité » texte présenté à Sun City en février 2002, par Le Mouvement de Libération du Congo (MLC), pp. 14-15.

[16] Ibid,. p. 16.

[17] Jean du Bois de Gaudusson et Michel Gaud (sous la direction de), L’Afrique face aux conflits, op. cit., pp. 23-24.

[18] E. Kennes, « Du Zaïre à la République démocratique du Congo : une analyse de la guerre de l’Est », in L’Afrique politique, op. cit., p. 24 Voir aussi Vangu Mambweni, Guerres préméditées en région des Grands Lacs africains : Rôles et tentacules du Tutsi international power en République démocratique du Congo, Kinshasa, Médias pour la paix, 2000.

[19] Voir « Principes des lois régissant la nationalité » texte présenté à Sun City en février 2002, par Le Mouvement de Libération du Congo (MLC), p. 32.

[20] L’Afrique politique, Paris, Karthala, 1998, op. cit., p. 76.

[21] Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, Paris, Garnier-Flammarion, 1966.

Projet de loi sur l’acquisition et la perte de la nationalité congolaise

13 Juin

Veuillez d’abord écouter :

http://congojustice.org/le-conflit-au-congo-la-verite-devoilee/

 PROJET DE LOI SUR L’ACQUISITION ET LA PERTE DE LA NATIONALITE CONGOLAISE (ce projet de loi a été rédigé par Fweley Diangitukwa et soumis au Parlement en 2004)

L’auteur

Docteur en sciences économiques et sociales, mention science politique (Université de Genève), Fweley Diangitukwa (RD Congo) vit en Suisse où il enseigne la science politique et la géopolitique. Il a été journaliste au Congo et en Suisse. Il est l’auteur de nombreux ouvrages.

 

 « Aimez notre noble, notre chère patrie de toutes les forces de votre âme ; aimez-la d’un amour ardent, exclusif, chauvin, comme on disait autrefois ; et si jamais quelque sage à la tête bien équilibrée vient nous reprocher ce qu’il peut y avoir d’excessif dans ces sentiments, répondez-lui qu’on ne discute pas les mérites d’une mère, surtout lorsqu’elle a perdu ses enfants… ».

Paul Bert (1880, l’un des pères, avec Jules Ferry, des lois laïques), « Discours prononcé à la distribution des prix de l’Union française de la jeunesse le 1er mai 1880 », cité par Jean-Luc Chabot, Le Nationalisme, Paris, PUF, coll. QSJ ?, 1997, 4e édition, p. 38.

« L’esprit qui devra s’épanouir implique nécessairement un amour supérieur de la patrie ; il conçoit la vie terrestre comme une vie éternelle et la patrie comme la représentation terrestre de cette éternité ».

J. G. Fichte, « Discours à la nation allemande », Paris, Aubier-Montaigne, 1975, p. 188, cité par Jean-Luc Chabot, Le Nationalisme, Paris, PUF, coll. QSJ ?, 1997, 4e édition, p. 30.

« Le désir illimité d’assimilation ne suffisait pas si la nation d’accueil n’était pas prête à accepter totalement l’assimilé ».

Eric Hobsbawm, Nations et nationalisme, Paris, Gallimard, 1990, p. 80.

 

 

L’Assemblée nationale de la République démocratique du Congo

 Vu l’article 219, alinéa 5, de la Loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo ;

Vu la Constitution congolaise de Luluabourg du 1er août 1964, dans sa disposition sur la nationalité, articles 6 et 7 ;

Vu l’Ordonnance-loi no 71-002 du 28 mars 1971 ;

Vu la loi organique promulguée le 5 janvier 1972, article 15, relative à la nationalité zaïroise et reconnaissant l’identité zaïroise aux Banyarwanda ;

Vu la loi no 81-002 du 29 juin 1981 ;

Considérant la position du Haut Conseil de la République-Parlement de transition (HCR-PT) ;

Vu la résolution adoptée le 28 avril 1995 remettant en cause indistinctement la nationalité zaïroise des Banyamulenge, les réduisant au rang de réfugiés ou d’immigrants illégaux ;

Vu le décret-loi no 1997 du 29 janvier 1999 ;

Considérant les conclusions du Rapport Vangu sur la nationalité congolaise ;

Vu la résolution no Dic/Cpr/03 du dialogue inter-congolais relative à la nationalité congolaise ;

Vu les conclusions de l’Accord global et inclusif ainsi que la Constitution de la Transition, art. 14 ;

arrête :

1. Acquisition et perte de la nationalité congolaise par le seul effet de la loi

A. Acquisition par le seul effet de la loi

Article premier

Acquisition automatique

1 Est Congolais tout individu ayant eu l’un de ses ascendants en République démocratique du Congo à la date de son indépendance.

2 Un Office national sur la nationalité congolaise (ONNC) qui va être créé à cet effet se prononcera sur les cas litigieux et établira, à partir des fiches coloniales, une liste exhaustive de grandes familles congolaises établies en RDC avant l’accession du pays à l’indépendance.

3 Une généalogie de chaque famille ayant vécu en RDC avant l’indépendance sera établie par chaque commune et par chaque province.

4 Tout individu dont les ascendants n’habitaient pas en RDC et qui n’a jamais demandé et obtenu la nationalité congolaise est reconnu étranger à la date de promulgation de la présente loi.

5 Tout Congolais dont la nationalité est douteuse n’occupera pas un poste politique et administratif aussi longtemps que la clarification sur sa nationalité ne sera pas établie.

6 Toute personne résidant en RDC qui se déclare Congolais mais n’ayant pas eu des ascendants à l’intérieur des frontières congolaises à la date du 30 juin 1960 et qui est incapable de fournir des preuves établissant sa nationalité congolaise est reconnu étranger.

7 Tout étranger résidant au Congo depuis le 30 juin 1960 peut devenir Congolais s’il renonce à sa nationalité d’origine et s’il en fait la demande.

Par filiation

Est Congolais dès sa naissance

1 Tout enfant né des parents congolais et déclaré dans les 30 jours de sa naissance.

2 L’enfant dont l’un des parents est congolais.

3 Tout enfant dont l’un des parents est congolais, né à l’étranger et déclaré dans les 30 jours de sa naissance à la représentation diplomatique de la RDC dans le pays où vivent les parents, sinon dans le pays le plus proche où se trouve une représentation diplomatique de la RDC.

Art. 2

1 L’enfant, dont l’un des parents est congolais, qui a déjà acquis une première nationalité étrangère par l’un de ses parents.

2 Les enfants mineurs des parents étrangers devenus Congolais acquièrent automatiquement la nationalité congolaise.

3 Si le parent a renoncé à sa nationalité congolaise avant la naissance de l’enfant, celui-ci ne peut pas obtenir la nationalité congolaise.

Art. 3

Par mariage

1 L’étrangère ou l’étranger marié/e avec une Congolaise ou avec un Congolais acquiert la nationalité congolaise, après 5 ans de vie conjugale commune, s’il en exprime le désir.

2 Lorsque le mariage est déclaré nul, celle et celui qui a déjà acquis la nationalité congolaise la conserve si le couple a vécu une vie conjugale commune en RDC pendant plus de 5 ans.

Art. 4

L’étranger qui obtient la nationalité congolaise a le droit de résidence. S’il est un mâle, il doit servir l’armée congolaise pendant au moins une année avant 20 ans révolus.

Art. 5

Par l’adoption

1 L’enfant de filiation inconnue trouvé en RDC ou adopté formellement par un/e Congolais/e acquiert la nationalité congolaise.

2 Tout enfant trouvé et non adopté acquiert la nationalité congolaise s’il est impossible de déterminer sa nationalité.

Art. 6

Par l’option

1 La nationalité congolaise peut être obtenue par tout étranger qui formule une demande individuelle et qui remplit toutes les conditions requises.

2 Tout étranger vivant en RDC qui n’a jamais fait la demande de devenir Congolais reste étranger quelle que soit la durée de son séjour sur le territoire congolais.

3 L’étranger devenu congolais par l’effet de l’option est soumis aux incapacités suivantes : il ne peut être investi de fonctions politiques pendant les dix premières années qui suivent son entrée dans la nationalité congolaise.

B. Perte par le seul effet de la loi

Art. 7

1 Tout Congolais peut, dans un cas extrême, perdre sa nationalité congolaise s’il viole les intérêts supérieurs de l’État, s’il met la sécurité nationale en danger en portant une atteinte très grave aux intérêts et à la réputation de la RDC, s’il a été condamné pour une infraction contre la sûreté intérieure et extérieure de l’État.

2 Tout étranger qui a obtenu la nationalité congolaise peut perdre cette nationalité s’il le désire.

3 Tous ceux qui ont déjà obtenu la nationalité congolaise en perdant leur nationalité d’origine la garde.

4 Tout Congolais qui sert dans une armée étrangère, qui travaille dans les services secrets d’un pays étranger ou qui renseigne ceux-ci au détriment des intérêts de la RDC peut perdre la nationalité congolaise.

5 Tout Congolais à cheval, c’est-à-dire entre deux pays, qui ne détermine pas clairement sa nationalité et qui se met à la solde d’un pays tiers contre la sécurité de la RDC, est puni suivant les lois et, dans le cas extrême de violation des intérêts supérieurs de la nation, perd la nationalité congolaise. Sont dans cette catégorie :

a Le Congolais qui s’incorpore dans une armée étrangère et qui combat contre les intérêts supérieurs de la RDC.

b Le Congolais qui trahit volontairement les intérêts de la RDC en livrant des secrets ou des renseignements stratégiques aux étrangers ou aux pays étrangers dans l’unique intention de rendre la République vulnérable.

6 Tout étranger, qui a fourni de faux renseignements pour obtenir la nationalité congolaise, perd cette nationalité dès que la fraude est dûment établie.

7 Lorsque l’adoption est annulée, la nationalité congolaise est réputée non acquise.

8 Un Tribunal civil d’exception statue dans chaque cas de perte de la nationalité congolaise.

Art. 8

Tout étranger, qui a obtenu la nationalité congolaise et qui a trahi la sécurité de l’État congolais ou qui s’est mis au service d’un État tiers contre les intérêts de la RDC, peut perdre la nationalité congolaise.

Art. 9

Celui qui perd la nationalité congolaise par le seul effet de la loi perd par là même tous droits associés avec la nationalité congolaise.

Art. 10

Double nationalité

1 Les hautes fonctions politiques et administratives, au niveau national, provincial et communal, sont réservées aux seuls Congolais de souche.

2 Les fonctions de président de la République sont réservées aux seuls Congolais de souche dont la reconnaissance de la nationalité n’a jamais été sujet à caution.

3 La double nationalité est reconnue aux Congolais qui ont acquis la nationalité étrangère et à leurs enfants.

a Tout enfant de conjoints dont l’un au moins est Congolais, né à l’étranger et qui n’a jamais vécu en RDC, doit faire la demande de la double nationalité s’il a déjà obtenu une.

b L’obtention de la double nationalité congolaise doit faire l’objet d’une demande individuelle avant 16 ans révolus. Avant cet âge, les enfants sont sous la puissance paternelle.

c L’enfant né à l’étranger de conjoints dont l’un au moins est de nationalité congolaise qui a manifesté le désir d’une double nationalité séjournera avant sa majorité au moins une fois en RDC pour une durée minimum de trois mois.

d Tout étranger qui veut se faire naturaliser doit préalablement vivre en RDC au moins 10 ans, sinon il doit renoncer à sa première nationalité. Il doit fournir une preuve de cette renonciation.

4 L’armée, la police nationale, les services de renseignement et de sécurité ainsi que la magistrature seront exclusivement composés des nationaux.

II. Acquisition et perte par décision de l’autorité

A.     Acquisition par naturalisation ou réintégration

a. Naturalisation

Art. 11

La nationalité congolaise peut s’obtenir dans une procédure ordinaire de naturalisation. Dans ce cas, seule l’autorité compétente est habilitée à se prononcer en faveur ou en défaveur du requérant.

Art. 12

1 La naturalisation est accordée par l’Office national sur la nationalité congolaise qui travaille en étroite collaboration avec les Ministères de L’Intérieur et de la Justice.

2 L’acte de naturalisation est sanctionné par le Ministre de l’Intérieur ou par son représentant et est publié dans le Journal Officiel.

3 La personne devenue congolaise par naturalisation prêtera le serment de fidélité à la République et s’engagera à respecter la Constitution et les lois de la République.

4 La demande de naturalisation est individuelle. Dans le cas où l’autorité compétente apprendrait des faits antérieurs qui motivent le refus, elle peut arrêter la procédure d’acquisition ou annuler la naturalisation.

5 Seul le candidat qui remplit toutes les conditions obtiendra la naturalisation. Une étude permettra de se prononcer sur le passé du candidat et les raisons qui motivent sa demande de naturalisation. On examinera en particulier si le requérant :

a A une résidence habituelle au Congo pendant les dix années qui précèdent le dépôt de sa demande ;

b Est de bonne vie et mœurs et n’a pas été condamné à une peine privative de liberté supérieure à un an.

c S’est réellement intégré dans sa commune de résidence et s’est accoutumé au mode de vie et aux usages congolais ;

d Parle l’une des langues congolaises ;

e Se conforme au droit congolais ;

f N’a jamais violé ou compromis la sûreté intérieure ou extérieure de la RDC ou s’est livré au profit d’un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Congolais ou préjudiciables aux intérêts du Congo.

6 Les enfants des parents étrangers qui sont nés en RDC et qui y ont continuellement vécu bénéficient d’une naturalisation facilitée avant leur majorité s’ils en font la demande. Les années vécues en RDC avant 10 ans comptent double.

7 Les droits de naturalisation et de résidence s’éteignent si l’ayant droit a trahi les intérêts supérieurs de la nation.

8 Toutefois la naturalisation ne peut être accordée qu’après les avis de la commune de naissance ou de la commune où l’étranger a le plus vécu avant sa demande.

9 Lorsque la commune de résidence du requérant refuse la naturalisation en motivant son refus par des arguments valables, la procédure est annulée.

Art. 13

Conditions de résidence

1 Tout étranger qui vit en RDC depuis plus de 10 ans, qui en fait la demande et qui donne des raisons valables peut obtenir la nationalité. L’autorité peut, dans certains cas, demander au requérant de renoncer à sa précédente nationalité.

2 Tout apatride qui vit en RDC depuis plus de 10 ans et qui en fait la demande en donnant des raisons valables peut obtenir la nationalité.

3 Tout étranger qui décide de s’établir en RDC en investissant des sommes d’argent importantes obtient le droit de résidence et la nationalité congolaise s’il en fait la demande et s’il ne se livre pas à des activités compromettant la sécurité intérieure ou extérieure de la RDC.

4 L’étranger qui réside en RDC doit se conformer aux lois de la République. Il peut être expulsé chaque fois qu’il inquiète la sécurité de son pays d’accueil.

5 La population étrangère ne doit pas dépasser 20 % dans chaque commune, chaque territoire, chaque district et chaque province. En cas de dépassement de ce seuil, le surplus de la population étrangère sera placé dans une autre commune, un autre territoire, un autre district et une autre province. L’autorité politique aura la liberté de placer ce surplus là où il voudra.

b. Réintégration

Art. 14

1 Toute personne qui perd la nationalité peut réclamer sa réintégration s’il n’a jamais compromis la sécurité intérieure ou extérieure de la RDC.

2 Toute personne qui réclame la réintégration doit séjourner en RDC de façon ininterrompue pendant au moins 2 ans avant la demande de réintégration.

3 Toutes les conditions doivent être réunies pour que la réintégration ait lieu. Un délai minimum de trois mois d’attente doit être observé.

4 La réintégration est individuelle si elle ne concerne pas un enfant mineur.

5 Conformément à l’article 12, la réintégration ne peut être accordée qu’après les avis de la commune de naissance ou de la commune où l’étranger a le plus vécu avant sa demande.

6 Lorsque la commune de résidence du requérant refuse la réintégration en motivant son refus par des arguments valables, la procédure est annulée.

Art. 15

Nationalité congolaise acquise par erreur

1 L’étranger qui a été reconnu Congolais par erreur et qui a vécu de façon ininterrompue dans la conviction d’être Congolais bénéficie de cette nationalité s’il n’a jamais compromis la sécurité de la RDC.

2 Dans le cas où il aurait volontairement dissimulé des faits répréhensibles, il perd la nationalité congolaise par le fait des déclarations mensongères ou par le fait d’avoir comploté contre sa nation d’adoption.

3 En cas de doute sur la nationalité congolaise d’une personne, le Ministère de l’Intérieur, avec l’assentiment du Ministère de la Justice, statue d’office ou sur demande.

4 Tout Congolais qui a des doutes fondés et qui possède des preuves irréfutables a également qualité pour formuler la demande de refus.

5 La perte de la nationalité congolaise s’étend aux membres de la famille qui l’ont acquise par les déclarations fausses des parents.

Art. 16

Résidence de l’étranger

1 L’étranger, qui vit en RDC et qui n’est pas concerné par la question de la nationalité, est au bénéfice d’un permis de séjour de courte, moyenne ou longue durée qu’il doit renouveler à chaque échéance. Il doit continuellement justifier la raison de son séjour.

2 Les renseignements sur les étrangers sont confidentiels et ne peuvent être obtenus qu’avec l’autorisation du Ministère concerné et suivant les dispositions légales sur le séjour des étrangers.

3 Les renseignements sur les nationaux qui ne portent pas sur la sécurité intérieure ou extérieure de la RDC peuvent être fournis à tout étranger qui en fait la demande.

B. Perte par demande volontaire

Perte de nationalité par demande personnelle

Art. 17

1 Tout Congolais qui souhaite perdre sa nationalité congolaise doit d’abord obtenir une nationalité étrangère. Il reçoit une attestation à cet effet et il dépose le passeport congolais au Ministère des affaires étrangères.

2 La décision de perte de la nationalité congolaise est annoncée au Ministère de l’Intérieur, au Ministère de la Justice, à la famille, à la commune de naissance et de résidence.

3 La nationalité congolaise se perd dès réception de la notification de l’acte de perte.

Art. 18

Majorité

La majorité et la minorité sont réglées par le droit congolais.

Art. 19

Sanctions

1 Tout Congolais qui porte des armes contre son pays sera condamné puis banni des fonctions politiques et administratives pendant une durée de 10 ans.

2 Tout étranger qui porte des armes contre son pays d’adoption sera condamné, banni et interdit de séjour en RDC pendant une durée de 20 ans.

Art. 20

Recours de droit administratif

1 Peuvent être l’objet de recours de droit administratif à la Cour suprême de Justice :

1.1). Les décisions du Ministère de l’Intérieur, du Ministère de la Justice et de l’Officie national sur la nationalité congolaise, concernant :

a La perte de la nationalité congolaise ou son acquisition selon les articles 7, 8, 9.

b L’annulation de la naturalisation ou de la réintégration selon les articles 11, 14.

2 Chaque recours doit être communiqué simultanément aux Ministères concernés et à l’Officie national sur la nationalité congolaise. Si les Ministères concernés et l’Office national sur la nationalité congolaise chargent une autre instance de se prononcer sur le dossier, cette instance décide en dernière instance.

Art. 21

1 Les personnes directement concernées par une décision et qui vivent en RDC peuvent recourir selon l’article 20. Peuvent également recourir :

a Toute personne susceptible d’être concernée par la décision et qui possède des preuves irréfutables.

b La commune où le requérant avait précédemment résidé qui possède des preuves irréfutables.

Art. 22

Consultation du dossier

Durant la procédure du recours de droit administratif, l’intéressé a le droit de consulter son dossier et de recevoir tous les éléments qui ne touchent pas à la sécurité intérieure ou extérieure du pays.

C. Dispositions finales et transitoires

Art. 23

Exécution

1 Le Ministère de l’Intérieur est chargé de l’exécution de la présente loi.

2 Il est autorisé à créer un Office national sur la nationalité congolaise, à établir des cartes de légitimation des ressortissants Congolais, des cartes de séjour pour étrangers et de les leur livrer.

3 Tous les cas litigieux seront minutieusement examinés par l’Office national sur la nationalité congolaise au fur et à mesure que la nationalité congolaise posera problème. Cette démarche est limitée dans le temps.

Art. 24

Dispositions transitoires

1 La présente loi n’a pas d’effet rétroactif.

2 L’acquisition et la perte de la nationalité congolaise par le seul effet de la loi sont régies par le droit en vigueur au moment de la promulgation de la présente loi.

3 Les personnes qui vivent frauduleusement en RDC et celles qui ont plus de 16 ans le jour de l’entrée en vigueur de la présente loi et qui n’ont jamais obtenu la nationalité congolaise perdent cette nationalité si elles n’entreprennent aucune démarche pour régulariser leur citoyenneté dans un délai de six mois après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi et conformément aux articles de la présente loi.

4 L’enfant né à l’étranger de conjoints dont l’un au moins est Congolais, âgé de moins de 16 ans lors de l’entrée en vigueur de la présente modification de la loi sur l’acquisition et la perte de la nationalité congolaise, bénéficie de la double nationalité suivant les dispositions de la présente loi. Ceux qui sont âgés de plus de 16 ans qui ont déjà acquis une nationalité étrangère perdent la nationalité congolaise si, dans un délai de six mois à compter de la date de promulgation de la présente loi, ils n’entreprennent aucune démarche pour obtenir la double nationalité conformément aux dispositions de la présente loi.

Art. 25

Abrogation de dispositions

Toutes les dispositions contraires à la présente loi sont abrogées notamment :

– la Constitution congolaise de Luluabourg du 1er août 1964, articles 6 et 7 ;

– l’Ordonnance-loi no 71-002 du 28 mars 1971 ;

– La loi organique promulguée le 5 janvier 1972, article 15 ;

– La loi no 81-002 du 29 juin 1981 ;

– La position du Haut Conseil de la République-Parlement de transition (HCR-PT) ;

– La résolution adoptée le 28 avril 1995 remettant en cause indistinctement la nationalité zaïroise des Banyamulenge, les réduisant au rang de réfugiés ou d’immigrants illégaux ;

– le décret-loi no 1997 du 29 janvier 1999.

Art. 26

Dispositions finales

La présente loi entre en vigueur à la date de sa promulgation.

Projet conçu et rédigé par

Dr Fweley Diangitukwa

Politologue et écrivain

Le 13 juin 2004

 

BIBLIOGRAPHIE

Législation

– Loi fondamentale (Constitution) de 1960.

– Constitution de Luluabourg de 1964, articles 6 et 7.

– Ordonnance-loi no 71-002 du 28 mars 1971.

– Loi organique promulguée le 5 janvier 1972, article 15, relative à la nationalité zaïroise reconnaissant l’identité zaïroise aux Banyarwanda.

– Loi no 81-002 du 29 juin 1981.

– Position du Haut Conseil de la République-Parlement de transition (HCR-PT).

– Projet constitutionnel de la CNS (Conférence Nationale souveraine 1992).

– Résolution adoptée le 28 avril 1995 remettant en cause indistinctement la nationalité zaïroise des Banyamulenge.

– Décret-loi no 1997du 29 janvier 1999.

– Résolution no Dic/Cpr/03 du dialogue inter-congolais relative à la nationalité congolaise.

– Accord global et inclusif ainsi que la Constitution de la Transition, art. 14.