Archive | mars, 2012

LA LÉGITIMITÉ ET LA LÉGALITÉ SONT NÉCESSAIRES POUR EXERCER LE POUVOIR ET POUR ASSEOIR LA GOUVERNANCE

23 Mar

LA LÉGITIMITÉ ET LA LÉGALITÉ SONT NÉCESSAIRES POUR EXERCER LE POUVOIR ET POUR ASSEOIR LA GOUVERNANCE

 Par Fweley Dingitukwa, politologue et écrivain

 Ce texte est une réponse aux non-politologues et aux non-juristes qui confondent l’emploi de ces deux concepts qui sont au centre de l’exercice du pouvoir. C’est un extrait d’un livre à paraître. Il ne doit pas être reproduit sans l’autorisation de l’auteur.

 La légitimité est une autorisation donnée à un homme ou à une femme par le peuple ou par un groupe organisé pour le diriger sur la base des normes préalablement définies et acceptées par tous. Le concept de légitimité est souvent confondu avec celui de légalité. Olivier Duhamel et Yves Mény notaient dans leur Dictionnaire constitutionnel : « La légitimité doit être distinguée de la légalité qui est la conformité à la loi telle qu’elle est établie par les organes habilités alors que la légitimité est l’accord avec une exigence considérée comme supérieure »[1]. La légitimité apporte aux élus une autorité ou une autorisation de commander qu’ils tiennent de leur popularité, car « nul ne peut se prétendre autorité légitime s’il n’est reconnu comme tel. Ce qui fait la valeur irremplaçable de la légitimité, c’est donc qu’elle ne dépend pas de la volonté ni de la force de celui qui en jouit. Elle lui vient de l’extérieur et, par là, elle consolide le pouvoir en lui donnant une assise moins fragile que celle qu’il trouve dans les qualités personnelles de celui qui l’exerce »[2].

La légitimité est la capacité pour le détenteur du pouvoir de faire admettre ses décisions et la jouissance de cette capacité vient de la reconnaissance de son pouvoir ou de l’adhésion à son pouvoir par ceux qui ont élu celui qui est devenu une autorité, car en l’élisant, les citoyens ont confié à cette personne l’autorisation de les commander sur la base du droit qu’ils ont préalablement édicté. Grâce à cette légitimité, il devient difficile de s’opposer aux décisions du chef et à son pouvoir.

« Weber distingue trois sortes de fondements à la légitimité : traditionnel où l’obéissance tient à ce que l’autorité émane d’une autorité ancestrale ; charismatique (dans le charisme d’un homme providentiel) où l’on attribue au dominant un don exceptionnel ; légal-rationnel ou bureaucratique qui repose sur la croyance que l’ordre est donné en conformité à la loi positive. A ces trois types de domination correspondent trois régimes : monarchie, dictature, parlementarisme rationalisé, et trois sortes d’élite : anciens, prophètes et fonctionnaires »[3]. D’après ce sociologue, des trois sources (le pouvoir traditionnel, charismatique et légal-rationnel) seule la dernière permet à une organisation moderne de se développer harmonieusement. Donc, pour commander une société, il faut préalablement légitimer l’exercice de son pouvoir afin de créer une relation de confiance qui supprime la relation précédente basée sur la subordination.

Il est important de rappeler la confusion souvent commise par un grand nombre de politiciens non-spécialistes du droit et/ou de science politique entre la notion de légitimité et celle de légalité. Si la légalité relève avant tout du droit et signifie « caractère de ce qui est conforme au droit (et) s’applique soit au régime ou gouvernement légitime fonctionnant selon les règles de droit, établies à cet effet (textes ayant valeur constitutionnelle), soit aux actes des autorités qui doivent être conformes au droit (décision et exécution dans le cas des actes administratifs) »[4], en revanche, la légitimité[5] relève de la science politique et se distingue de la notion juridique de légalité. La légitimité implique « la conformité au droit, mais suppose de plus l’acceptation et la reconnaissance du droit de commander du pouvoir en place par les membres d’une société »[6]. En d’autres termes, « la légitimité est la qualité qui s’attache à un pouvoir dont l’idéologie, les sources d’inspiration et les critères de références font l’objet d’une adhésion très majoritaire de la part des gouvernés »[7]. Pour que les lois et les décisions des autorités politiques ne soient pas contestées, il faut que celles-ci suivent scrupuleusement le processus de leur légitimation (processus par lequel un pouvoir est reconnu et accepté par l’ensemble du groupe social), autrement, les lois et les décisions prises par des autorités illégitimes peuvent être contestées par le peuple et elles peuvent devenir des sources réelles de conflits sociaux.

« Dans les États modernes, c’est le rôle du suffrage universel d’investir les représentants élus tout à la fois de la compétence juridique de dire le droit, et de l’autorité qui s’attache à la qualité de mandataire du Peuple. La légalité d’une procédure confère ainsi une présomption (plus ou moins solide il est vrai, plus ou moins générale aussi) de légitimité »[8]. Parfois, « un pouvoir issu d’un coup d’État, peut au bout d’un certain temps devenir légitime »[9], cela signifie que les autorités issues du coup d’État ont fini par convaincre le peuple du bien-fondé de leur coup de force en se conformant aux exigences du droit en vigueur dans le pays. Donc, la légitimité relève de l’acceptation des autorités politiques par la partie majoritaire du peuple.

La légalité exige une conformité aux règles du droit positif[10], tandis que la légitimité nécessite, en plus de cela, l’acceptation préalable des prétendants au pouvoir par le peuple afin que cette adhésion populaire aux nouvelles autorités politiques entraîne un consentement rationnel et continuel, ainsi qu’une acceptation implicite d’être commandés par des politiciens que les citoyens ont eux-mêmes choisis, mais également l’obligation de leur obéir lorsqu’ils prennent des décisions conformes aux lois de la République. La légitimité implique ipso facto l’obéissance des individus, dans le cas contraire, elle entraîne la contestation du pouvoir, c’est-à-dire de l’autorité qui s’est frauduleusement emparée du pouvoir qu’il n’a pas mérité.

Parce que l’homme né libre est capable d’enfreindre la liberté des autres, la société a créé l’ordre social pour éviter l’anarchie qui pourrait naître des abus de libertés individuelles mal exercées ou mal revendiquées. L’ordre social ne vient pas de la nature, il est le résultat d’un travail séculaire qui a abouti à l’élaboration des conventions structurées et à des normes, afin de standardiser les comportements des citoyens. En privant les hommes de leur liberté originelle, la société a créé de nouvelles libertés plus codées et plus standardisées, sans porter atteinte aux libertés fondamentales de l’homme, car « les limites non voulues deviennent des chaînes ; les limites ne peuvent devenir légitimes que si elles résultent de la volonté humaine »[11].

En guise de conclusion et conformément au texte ci-dessus, un chef qui n’a pas de légitimité populaire ne peut pas commander car il va constamment et incontestablement rencontrer de la résistance de la part du peuple qui ne l’a pas élu. Pour cette raison, les démocraties d’origine occidentale organisent des élections transparentes au suffrage universel direct. En cas de tricherie ou des fraudes, le peuple qui octroie la légitimité conteste les résultats. Si le fraudeur s’empare du pouvoir par la force pour défier la population, le pays entre dans l’anarchie, dans l’instabilité, jusqu’à ce que l’ordre soit rétabli.


[1] Olivier Duhamel et Yves Mény, Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p. 565. « La légitimité peut donc être invoquée contre la légalité : le général de Gaulle entendait incarner la légitimité nationale face au régime de Vichy. Ainsi la référence à la légitimité prend appui sur un ordre supérieur : Socrate boira la ciguë car le respect des lois de la Cité lui impose de respecter la légalité même inique. Sur un mode moins spéculatif, Platon soutient dans Le Politique que le politique véritable est guidé par son art et n’est pas tenu d’obéir à la lettre de la loi, car les constitutions écrites sont des imitations de la vérité dont celui qui possède la science politique peut s’affranchir. Mais la foule et les individus ordinaires doivent se plier aux codes écrits. On a donc des niveaux de légitimité : la légitimité de la constitution écrite vaut pour tous, sauf pour le politique compétent dont la légitimité lui vient de sa connaissance du vrai », op. cit., p. 565.

[2] Georges Burdeau, L’État, Paris, Seuil, 1970, p. 45.

[3] Olivier Duhamel et Yves Mény, Dictionnaire constitutionnel, op. cit., p. 565.

[4] Lexique des sciences sociales, 6e édition, Paris, Dalloz, 1994, p. 243.

[5] « Longtemps identifiée à la légalité, la légitimité a dû s’en distinguer dès lors que l’histoire a fait la preuve qu’un ordre pouvait être légal mais injuste. La contribution de M. Weber à l’analyse des fondements de la légitimité a gardé toute sa valeur grâce à son caractère systématique. Partie intégrante d’une sociologie de la domination, sa typologie des modes et sources de la légitimité montre à quel point pouvoir, légitimité et autorité sont liés entre eux. Weber distingue trois sources de domination légitime. La première, légitimité à caractère rationnel-légal, a pour fondement la croyance dans la légalité des règles établies et dans la légitimité de ceux qui assurent cette domination conformément à la loi. La seconde, légitimité à caractère traditionnel, repose sur la croyance dans le caractère sacré des coutumes et dans la légitimité des gouvernants désignés par ces dernières. La troisième enfin, légitimité de type charismatique, trouve sa source dans la croyance aux qualités exceptionnelles d’un individu et en la nécessité de se soumettre à l’ordre qu’il a créé. Ainsi, il met au jour les relations d’influence réciproque entre types de croyances, formes d’organisation et système économique et il montre que la nature des justifications du pouvoir ne peut être étudiée en dehors de toute référence aux structures sociales.

« Si cependant la légitimité est une condition primordiale de la stabilité des systèmes politiques, son caractère à la fois subjectif et relatif impose la compréhension des processus par lesquels elle s’acquiert, se maintient ou se défait, autrement dit la prise en considération des problèmes de légitimation. L’étude de la socialisation politique a constitué une des voies indirectes d’approche de la légitimation dans la mesure où elle permet de mieux saisir les mécanismes qui rendent le pouvoir acceptable. En fait, la légitimation peut être appréhendée plus directement sous l’angle inverse de la crise de légitimité tant il est vrai que d’un point de vue analytique et historique, le concept de légitimité s’applique avant tout à des situations où la légitimité d’un ordre politique peut être contestée. Ainsi, une part significative de l’œuvre de J. Habermas (1973) est consacrée à l’étude des crises de légitimation en rapport avec des transformations structurelles de l’État du ‘capitalisme avancé’ ; l’expansion de son activité augmente d’autant les besoins de légitimation qui ne peuvent plus seulement se réduire à un accord sur les règles concernant la dévolution et l’exercice du pouvoir, mais s’étendent à l’ensemble du système politico-administratif, l’efficacité devenant elle-même critère de légitimité », in Dictionnaire de Sociologie, Paris, Larousse-VUEF 2003, pp. 132-133.

[6] Lexique des sciences sociales, Paris, Dalloz, 6e édition 1994, p. 244.

[7] Pierre Pactet, Institutions politiques et Droit constitutionnel, Paris, A. Colin, 15e édition, 1997, p. 71.

[8] Philippe Braud, Sociologie politique, Paris, L.G.D.J, 1994, p. 42.

[9] Lexique des sciences sociales, 6e édition, op. cit., p. 244.

[10] En droit positif, le pouvoir est imposé et obtenu à travers les actes unilatéraux comme les lois, les décrets, les arrêtés, etc. qui sont des actes de puissance publique par excellence, dans ce sens qu’ils mettent en œuvre le pouvoir d’État.

[11] Dictionnaire de la pensée politique, Paris, Hatier, 1989, p. 443.

La fin programmée du parlementarisme traditionnel

23 Mar

La fin programmée du parlementarisme traditionnel

Par Fweley Diangitukwa, politologue

Le Parlement, tel qu’il fonctionne aujourd’hui n’est plus adapté aux spécificités de nos sociétés. Dans l’Union européenne, les parlements nationaux n’ont plus le monopole dans la définition des normes car celles-ci doivent être conformes au droit européen. Aujourd’hui, les directives européennes s’imposent par principe aux Etats membres et ces directives deviennent effectives après leur transposition par divers parlements dans les législations nationales. C’est là une preuve tangible que les Etats membres de l’Union européenne ne fonctionnement plus comme auparavant. Ce mouvement ira crescendo. Les vrais pouvoirs politiques ne sont plus dans les Etats membres de l’Union européenne mais à Bruxelles et ces Etats sont contraints de s’adapter au nouveau droit européen et d’admettre que les lieux de gouvernance sont maintenant éclatés dans multiples pôles de décision.

 Quelle gouvernance pour l’Afrique ?

La réponse à la question : « quelle gouvernance pour l’Afrique ? », se trouve principalement dans une réflexion globale dans laquelle sont incluses la négociation et la coopération entre partenaires venant de différents horizons, la décentralisation, la démocratie participative, la gouvernance locale, la subsidiarité, l’intercommunalité « appelée aussi coopération intercommunale » et dans la coopération décentralisée. L’entrée de la gouvernance modifiera le fonctionnement des institutions étatiques, car l’Etat finira par perdre son monopole et ces sont les négociations entre les secteurs public, privé et associatif, ainsi que les partenariats contractuels qui définiront les politiques publiques.

 Revenir à la démocratie traditionnelle d’origine africaine : l’arbre à palabres

 Avec la complexification de la société et la croissance démographique mais aussi l’intensification de la formation scolaire et l’exode rural qui a accompagné le développement des voies de communication, il devenait de plus en plus difficile de faire triompher l’arbre à palabres partout où les hommes se regroupaient. La colonisation et la formation de nouveaux centres urbains ont éloigné les Africains de cette forme de démocratie traditionnelle. Les colons ont brimé les noirs dans les colonies et leur ont empêché de réfléchir par eux-mêmes et pour eux-mêmes. Les pratiques de bonne gouvernance d’origine africaine et de gestion collective ont disparu et remplacé par les nouveaux modes imposés par les métropoles. Cela a duré le temps de la colonisation. Puis, au lendemain des indépendances africaines, les nouveaux Etats ont singé le fonctionnement des sociétés occidentales en copiant la Constitution de la Ve République (France) et la démocratie représentative qui, au départ, était étrangère aux us et coutumes des sociétés africaines. Les citoyens étaient désormais représentés par les plus « évolués » voire les plus instruits, qu’ils élisaient là où, dans les sociétés traditionnelles, ils avaient la possibilité d’intervenir directement dans le fonctionnement de la vie publique. La démocratie représentative s’est ainsi répandue à travers l’ensemble des Etats africains et elle a bouleversé de fond en comble la conception que les Africains avaient de l’exercice du pouvoir. Cela a duré le temps de l’expérimentation.

Maintenant, le nombre de citoyens formés a sensiblement augmenté, les moyens de communication se sont également diversifiés. Il devient difficile de prétendre que les élus sont les mieux informés des problèmes politiques et qu’à ce titre ils ont le droit et le monopole de représenter les citoyens. Pour cette raison, les citoyens exigent d’avoir voix au chapitre sur tout ce qui se décide dans la marche des affaires publiques et de peser davantage sur la politique du gouvernement, de l’entreprise publique et du marché des biens de consommation. Ces revendications légitimes conduisent à la nécessité de revenir à la démocratie participative d’origine africaine – c’est-à-dire l’arbre à palabres –, car il est impérieux que ceux dont l’existence risque d’être affectée par une décision fassent partie intégrante du processus décisionnel. Désormais, les citoyens revendiquent le droit d’être intégrés dans le processus aboutissant à prendre les décidions qui vont retentir sur leur propre vie[1]. Quoi de plus normal ? Les citoyens ne sont pas nécessairement les moins d’informés des enjeux politiques et il arrive que certains d’entre eux, non élus mais détenant une parcelle de savoir – comme les professeurs d’université, les médecins, les ingénieurs, les chercheurs, les experts, les journalistes, les membres des think tanks comprennent plus – parfois mieux – que les élus certains problèmes complexes de la société. Pour quelle raison leurs avis doivent-ils être ignorés et pour quelle raison doivent-ils se contenter d’être simplement consultés de temps en temps, pendant la campagne électorale ?

Il faut que la démocratie participative et la gouvernance se répandent en Afrique pour qu’elles révolutionnent en profondeur la politique locale et conditionnent le comportement des décideurs politiques à tous les niveaux.

L’arbre à palabres est le prolongement de la démocratie participative que John Naisbitt qualifie de démocratie de participation. Cette forme de démocratie renferme plusieurs avantages parce qu’elle sollicite la participation directe des citoyens à travers les référendums et les initiatives populaires ou locales. Cet engouement pour la démocratie participative aura un impact certain en Afrique sur la gestion de l’entreprise qui va en ressentir les effets à travers l’exigence de transparence dans la gestion.

La mort progressive de la démocratie représentative

Le développement de nouvelles technologies et la compréhension des enjeux du monde par un grand nombre de citoyens entraînent inévitablement la mort progressive de la démocratie représentative. Le système actuel a beaucoup d’imperfections dans la mesure où « les citoyens n’ont pas le pouvoir de se prononcer directement par son vote sur telle ou telle question politique. Il ne peut qu’élire quelqu’un qui va le faire à sa place […] Aujourd’hui, grâce au partage instantané de l’information, nous en savons autant que nos représentants élus sur les événements qui se déroulent, et nous le savons aussi vite qu’eux »[2]. Avec le développement de nouvelles technologies, il n’est plus nécessaire d’élire des gens qui vont représenter les citoyens dans les institutions de l’Etat car ils peuvent se prononcer directement et ils en ont la capacité. Du reste, en matière des politiques publiques, certains députés et sénateurs ont plus de lacunes que nombre de citoyens ordinaires non élus. Certes, pour éviter des référendums et des initiatives à l’infini, il est utile que les citoyens soient représentés par leurs électeurs mais pour les problèmes qui concernent le plus directement la vie des citoyens, il devient superflu voire absurde de passer régulièrement par des élus.

 La fin programmée du parlementarisme traditionnel

Il est admis que la démocratie représentative a fait son temps et il est appelé à disparaître dans le long terme. L’Afrique doit commencer à se préparer à cette étape, en cessant de se référer à la démocratie occidentale qui a, pendant des siècles, occulté la démocratie traditionnelle africaine construite autour de l’arbre à palabres. Les Africains doivent maintenant chercher à se réapproprier leur modèle de participation directe à la vie politique et l’adapter à la réalité de leur société. Il convient de revoir et de moderniser l’arbre à palabres et de l’étendre ensuite à l’ensemble des citoyens-électeurs au niveau national. Parallèlement aux imperfections du système de représentation, la démocratie participative a des avantages parce qu’elle permet à chaque citoyen de ne plus déléguer sa voix. Avec ce système, chaque citoyen apprend à faire davantage confiance à ses propres aptitudes à décider du fonctionnement des institutions du pays ou de l’entreprise dans laquelle il travaille. C’est de cette façon que son choix cessera d’être modifié ou trafiqué par l’élu comme cela arrive dans le système de démocratie représentative.

La gouvernance devient globale

L’Afrique n’échappera pas à l’évolution du monde et aux exigences de la gouvernance. Comme pour les parlements des Etats membres de l’Union européenne qui se sentent dans l’obligation d’intégrer les directives européennes qui s’imposent à eux et qui deviennent effectives après leur transposition par divers parlements dans les législations nationales, les pouvoirs politiques évolueront en Afrique. L’Etat sera davantage dépouillé de son monopole dans l’action publique et le parlement, à son tour, n’aura plus le monopole dans la définition des normes. A la longue, le parlement fonctionnera différemment. Ainsi va le monde. L’intégration de l’Etat par le haut (à travers l’intégration régionale comme l’Union européenne) et par le bas (à travers la régionalisation et la décentralisation) sonnent déjà la fin programmée du parlementarisme traditionnel.


[1] John Naisbitt, Les dix commandements de l’avenir, Paris-/Montréal, éditions Sand-Primeur, 1984, p. 229.

[2] Ibid., p. 230. Aux Etats-Unis, la fin de la démocratie représentative a signé la fin du système bipartite traditionnel.

Comment l’Occident se compromet en Afrique

19 Mar

Comment l’Occident se compromet en Afrique

L’Occident a cessé de soutenir officiellement la démocratie et la gouvernance en Afrique pour s’intéresser uniquement aux ressources naturelles du continent. Retour à la case de départ : la colonisation nouvelle formule.

L’Occident soutient les fraudes au Congo

Malgré les fraudes à grande échelle en République démocratique du Congo, les puissances occidentales ont décidé de soutenir le président sortant proclamé frauduleusement contre le choix du peuple.

Ecoutez :

VOC- MARIYA NEDELCHEVA- CHEF DE LA MISSION D’OBSERVATION EU EN RDC PARLE DES RESULTATS DES ELECTIONS

http://voiceofcongo.blogspot.comhttp://voiceofcongo.blogspot.comhttp://voiceofcongo.blogspot.com

La guerre en Côte d’Ivoire a été menée contre le choix du peuple

Ecoutez :

(VIDEO) Susan Rice reconnaît le coup d’Etat en Côte d’Ivoire

http://rene.kimbassa.over-blog.com/article-video-susan-rice-reconnait-le-coup-d-etat-en-cote-d-ivoire-101592189.html

La guerre pour s’emparer du pétrole libyen

Ecoutez en anglais : http://www.dailymotion.com/video/xhq30l_michel-chossudovsky-sur-la-guerre-en-libye-s-t_news

Liste des sociétés qui pillent la République Démocratique du Congo

(Congo Libre 19/03/2012)

A la base du drame congolais, il y a un pillage systématique des ressources du pays. Nous vous exposons ci-dessous la liste des 85 compagnies nommément et officiellement désignés par les Nations Unies dans ce pillage.

Nous vous invitons par ailleurs à consulter le siteconflictminerals.org (en anglais) pour davantage d’informations sur les enjeux du sous-sol congolais.

1. AFRICAN TRADING CORPORATION Sarl, SOUTH AFRICA
2. AFRIMEX, United Kingdom
3. AHMAD DIAMOND CORPORATION, BELGIUM
4. A.H. PONG & Sons, SOUTH AFRICA
5. A. KNIGHT INTERNATIONAL Ltd, United Kingdom
6. A & M MINERALS and METALS Ltd, United Kingdom
7. ALEX STEWART Ltd (Assayers), United Kingdom
8. AMALGAMATED METAL CORPORATION Plc, United Kingdom
9. AMERICA MINERAL FIELDS (AMFI), USA
10. ANGLO AMERICAN Plc, United Kingdom
11. ANGLOVAAL MINING Ltd, SOUTH AFRICA
12. ARCTIC INVESTMENT, United Kingdom
13. ASA DIAM, BELGIUM
14. ASA INTERNATIONAL, BELGIUM
15. ASHANTI GOLDFIELDS, GHANA
16. AVIENT AIR, ZIMBABWE
17. BANRO CORPORATION, SOUTH AFRICA
18. BARCLAYS BANK, United Kingdom
19. BAYER A.G., GERMANY
20. B.B.L. Banking, BELGIUM
21. BELGOLAISE, BELGIUM
22. CABOT CORPORATION, USA
23. CARSON PRODUCTS, SOUTH AFRICA
24. CHEMIE PHARMACIE NETHERLANDS, HOLLAND
25. COGECOM, BELGIUM
26. C. STEINWEG NV, BELGIUM
27. DARA FOREST, THAILAND
28. DAS AIR, United Kingdom
29. DE BEERS, United Kingdom
30. DIAGEM BVBA, BELGIUM
31. EAGLE WINGS RESOURCES INTERNATIONAL, USA
32. ECHOGEM, BELGIUM
33. EGIMEX, BELGIUM
34. ENTREPRISE GENERALE MALTA FORREST, DRC
35. EUROMET, UK
36. FINCONCORD SA, SWITZERLAND
37. FINMINING, SAINT KITTS
38. FIRST QUANTUM MINERALS, CANADA
39. FLASHES OF COLOR, USA
40. FORTIS, BELGIUM
41. GEORGE FORREST INTERNATIONAL AFRIQUE, DRC
42. HARAMBEE MINING CORPORATION, CANADA
43. H.C. STARCK GmbH & Co KG, GERMANY
44. IBRYV AND ASSOCIATES LLC, SWITZERLAND
45. INTERNATIONAL PANORAMA RESOURCES Corp, Canada
46. ISCOR, South Africa
47. JEWEL IMPEX Bvba, Belgium
48. KABABANKOLA MINING COMPANY, Zimbabwe
49. KEMET ELECTRONICS CORPORATION, USA
50. KHA International AG, Germany
51. KINROSS GOLD CORPORATION, USA
52. K & N, Belgium
53. KOMAL GEMS NV, Belgium
54. LUNDIN GROUP, Bermuda
55. MALAYSIAN SMELTING CORPORATION, Malaysia
56. MASINGIRO GmbH, Germany
57. MELKIOR RESOURCES Inc, Canada
58. MERCANTILLE CC, South Africa
59. MINERAL AFRIKA Limited, United Kingdom
60. NAC KAZATOMPROM, Kazakhstan
61. NAMI GEMS, Belgium
62. NINGXIA NON-FERROUS METALS SMELTER, China
63. OM GROUP Inc, USA
64. OPERATION SOVEREIGN LEGITIMACY (OSLEG) Pvt Ltd, Zimbabwe
65. ORION MINING Inc., South Africa
66. PACIFIC ORES METALS AND CHEMICALS Ltd, Hong Kong
67. RAREMET Ltd, Saint Kitts
68. SARACEN, South Africa
69, SDV TRANSINTRA, France
70. SIERRA GEM DIAMONDS, Belgium
71. SLC GERMANY GmbH, Germany
72. SOGEM, Belgium
73. SPECIALITY METALS COMPANY SA, Belgium
74. STANDARD CHARTERED BANK, U.A.E.
75. SWANEPOEL, South Africa
76. TENKE MINING CORPORATION, Canada
77. THORNTREE INDUSTRIES (Pvt) Ltd, Zimbabwe
78. TRACK STAR TRADING 151 (Pty) Ltd, South Africa
79. TRADEMET SA, Belgium
80. TREMALT Ltd, Belgium
81. TRINITECH INTERNATIONAL Inc, USA
82. TRIPLE A DIAMONDS, Belgium
83. UMICORE, Belgium
84. VISHAY SPRAGUE, USA and Israel
85. ZINCOR, South Africa

by INGETA on Jan 23, 2012 • 10:04 pm3

A propos de l’enrichissement illicite de M. Katumba Mwanke

19 Mar

Monsieur Muzungu Kimbembi,

A propos de l’enrichissement illicite de M. Katumba Mwanke.

 Vous êtes un scientifique, restons rigoureux en respectant la logique du débat. Il s’agit de l’enrichissement de M. Katumba Mwanke et de rien d’autre. La digression que vous introduisez dans le débat nous éloigne inutilement du sujet et ne vous donne pas raison car tous les Congolais qui vivent à l’étranger ne sont pas des réfugiés. Et s’ils l’étaient tous comme vous le pensez, c’est le Congo qui doit avoir honte car cela est une preuve évidente qu’il y a des problèmes que votre régime n’a pas résolus. Parlant de vos compatriotes vivant à l’étranger, vous avez écrit : « … pendant qu’ils se la coulaient douce en Europe, vivant des indemnités allouées aux ‘réfugiés’… ». Je vous prie de ne pas faire d’amalgame volontaire et inutile. Les compatriotes Elikia Mbokolo, Valentin Mudimbe, Ngal Mbwil a Mpang, Ngalaso, Pius Ngandu, Mutombo Dikembe (pour ne citer que ceux-là) vivent à l’étranger et font la fierté du Congo. Il y a beaucoup de Congolais qui ont réussi
à se réaliser à l’étranger (études, affaires, invention) alors que le Congo, leur pays ne leur donnait pas les mêmes possibilités et/ou opportunités. Vous êtes très sévère avec vos compatriotes qui ont « fui » leur pays. Vous dites : « Non, chers compatriotes, nous, nous sommes restés au pays, avec nos diplômes, soutenir, par notre travail, tout processus tendant à soulager la misère de nos compatriotes, cette misère des années noires, 1990-1997, notamment!!! ».

Mais les Congolais de l’étranger contribuent également à soulager la misère de nos compatriotes. Vous n’avez pas le monopole de ce soulagement. Tenez. Chaque matin, les Kinois montent dans des bus et des voitures envoyés par des Congolais vivant à l’étranger. Rendez-vous devant les bureaux de Western Union pour vous rendre compte du travail que ceux que vous qualifiez indifféremment de « réfugiés » accomplissent auprès de leurs familles restées au Congo. Vous dites encore, parlant toujours de Congolais de l’étranger : « ils ont choisi la facilité; ils ont fui alors que nous sommes restés lutter et développer des mécanismes de survie! ». Vous cherchez tellement à « noircir » vos compatriotes vivant à l’étranger que vous oubliez au passage que votre ami Katumba Mwanke avait, lui aussi, fui vers l’Afrique du Sud ! Mais pour lui, et au nom de votre amitié, vous êtes tendre et trouvez des arguments pour justifier sa fuite et son exil à l’étranger. Vous écrivez : « il a été de cette diaspora dite responsable ». Où situez-vous la ligne entre la diaspora responsable et la diaspora « irresponsable » si tous contribuent à soulager la misère congolaise parce que l’Etat que vous servez ne crée pas d’emplois et n’assure pas le minimum vital ? Ne soyez pas inutilement orgueilleux et ne méprisez pas vos compatriotes qui ne sont pas riches comme vous et n’oubliez jamais qu’on s’enrichit toujours sur le dos des autres. Que serait le Congo sans l’apport des Congolais de l’étranger ? Revenons maintenant à l’essentiel, c’est-à-dire au sujet du débat.

Tout le monde sait que le défunt Katumba Mwanke que vous admirez n’avait pas de poste politique officiellement connu et ni d’entreprise officiellement identifiée sur le territoire congolais. D’où est venu son enrichissement rapide au point de réaliser ce qu’il a réalisé en très peu de temps, jusqu’à s’acheter un avion (ou peut-être des avions) que ne possède pas l’Etat congolais ? Comment est-il devenu, en si peu de temps, un employé plus riche que son employeur ? Vous nous dites que c’est avec les résultats de ses efforts, c’est-à-dire avec l’argent qu’il a gagné en travaillant. Y croyez-vous vraiment ? Si oui, Prouvez-le en fournissant des preuves. Si vous agissez ainsi, vous rendrez service à sa mémoire.

Vous, HAUT CADRE de la République, vous dites aux Congolais : « Débrouillez-vous po o vivre », comme dans la chanson du feu Pépé Kalle. Que ces propos sortent de la bouche d’un artiste et dans une chanson, je comprendrai mais de la part d’un scientifique et de surcroît HAUT CADRE (écrit en majuscule par vous-même), j’ai de la peine à l’admettre. Une telle recommandation est-elle digne d’un responsable politique ?

Parlant toujours de Katumba Mwanke, vous dites : « … il a mis son savoir et ses avoirs à la disposition de la communauté [la sienne]. Il a très bien fait, il restera, à jamais, pionnier de la modernisation Pweto; il n’a fait que suivre le mot d’ordre du Président Joseph Kabila qui ne cesse de demander à ceux là qui disposent des quelques moyens (de quelque nature que cela soit), de les rendre pour le développement de son milieu d’origine ». Je regrette profondément de tels propos. Je ne suis donc pas de cet avis car il y a dans notre pays des terroirs, des coins ou des contrées qui n’ont jamais eu d’hommes politiques ayant bénéficié de mêmes largesses ou facilités que Katumba Mwanke et vous-même. Si chacun agit ainsi, comment sauverons-nous et développerons-nous la res publica (République) ? Voilà les propos qui soutiennent et relancent le tribalisme dans notre pays. C’est regrettable. Un homme d’Etat doit s’intéresser au territoire national et travailler pour le développement du Congo entier et pas uniquement pour sa communauté d’origine, comme vous le soutenez.

Katumba Mwanke a fait des heureux, comme vous, mais admettez également qu’il a déçu de nombreux Congolais. Vous ne pouvez pas oublier cette réalité.
C’est bien dommage qu’un HAUT CADRE, comme vous, puisse soutenir publiquement un enrichissement sans cause. Je pense que vous n’avez pas mesuré le degré de dangerosité de vos écrits pour l’avenir de l’unité nationale. Mais avec vos propos, il devient facile de comprendre pour quelle raison l’impunité règne au Congo. D’après vous, tout individu peut s’enrichir tranquillement et ne pas être poursuivi il suffit qu’il investisse le résultat de son enrichissement illicite dans le développement de son terroir. Donc, pour vous, Katumba Mwake est un bel exemple à suivre ou à imiter ! Cela signifie en clair que vous ne condamnez pas tout Congolais qui agit comme Katumba Mwake que la nature nous a arraché pour l’empêcher de ne pas continuellement saigner la République. Etonnant, vous ne lui faites aucun reproche ! Au contraire, vous lui couvrez d’éloges. Pour vous, il était parfait. Dieu le Père en personne ! Mais Katumba Mwake s’est acheté un avion là où l’Etat congolais est incapable, il a placé des sommes d’argent considérables dans des paradis fiscaux que l’Etat congolais ne pourra jamais récupérer, ni sa propre famille du reste. Il a été un individu plus riche que l’Etat ! Comment trouvez-vous tout cela normal, voire appréciable ? Etrange !
De grâce ! Ne demandez pas aux Congolais de suivre cet exemple, car vous ferez d’eux de mauvais citoyens.

Si M. Katumba Mwanke ne s’était pas trop enrichi, il ne serait pas mort précipitamment. Il a écourté sa vie à cause de sa voracité. Dommage pour sa famille à qui je présente mes condoléances !

 Suggestion. Pourquoi ne lui rendriez-vous pas un élogieux témoignage sous forme d’un livre (que je pourrais publier aux éditions Monde Nouveau/Afrique Nouvelle) ? Les Congolais découvriront ainsi l’origine réelle de son enrichissement et ses différents investissements pour lesquels vous souhaiterez l’élever au rang de héros national !
En 1997, j’ai publié un livre aux éditions L’Harmattan intitulé : « Qui gouverne le Zaïre ? La République des copains ». Il est temps de le lire ou de le relire.
Construisons plutôt ensemble le Congo dans la sérénité et sans orgueil car la tâche, qui est énorme, demande l’apport de chaque Congolais.

Avec mes salutations patriotiques.

Pour l’amour du Congo.

Fweley Diangitukwa

Politologue et écrivain

www.fweley.wordpress.com

Construire une coopération particulière entre la RD Congo, l’Angola et le Congo-Brazza

4 Mar

L’avenir de l’Afrique centrale passe par la construction d’une coopération particulière entre la RD Congo, l’Angola et le Congo-Brazza.

Par Dr Fweley Diangitukwa (politologue et écrivain)

Dans cet article, je défends l’hypothèse suivante : la construction progressive de futurs Etats-Unis d’Afrique centrale va stabiliser cette région qui est la plus riche en ressources naturelles ainsi qu’en plantes médicinales et contribuer au décollage économique du continent africain.

Diagnostic du problème

 Depuis son accession à l’indépendance, le 30 juin 1960, le Congo va mal. Ce pays connaît une instabilité permanente des institutions politiques. Malgré les richesses naturelles que ce pays regorge, les conflits sont réguliers et la misère est un lot quotidien. Si les conflits politiques que connaît la RD Congo ont plusieurs origines, sur le plan strictement intérieur, ils sont de trois ordres :

–         La convoitise des ressources naturelles par les puissances étrangères et l’incompétence des dirigeants au moment de leur accession à la tête de l’Etat,

–         La permanence des conflits qui donnent régulièrement naissance à l’insécurité,

–          le pillage, le vol, la corruption et le règne de l’impunité.

La stabilité de la RD Congo se trouve dans la construction d’une intégration régionale réfléchie et conséquente des pays situés à l’ouest de l’Afrique centrale. Une telle démarche nécessite une coopération avantageuse entre l’Angola, le Congo-Brazza et la RD Congo. Cela doit commencer par un rapprochement, dans les trois pays, des autorités politiques qui partagent la même vision de l’avenir.

 Problème de leadership en RDC

 Au lendemain de l’indépendance, le Congo manquait un personnel qualifié pour diriger le pays. La gestion du Congo était remis entre les mains des dirigeants qui, pour certains d’entre eux, avaient une idée souvent vague et imprécise des responsabilités à assumer et du fonctionnement des institutions de l’Etat. Le Congo n’était pas encore un Etat-nation et à cause d’un manque d’unité nationale, quelques provinces étaient vite entrées en sécession : le Katanga et le Kasaï. La province du Kivu était dans une instabilité totale et était très vite devenue un lieu de refuge pour les rebelles.

D’une décennie à l’autre et d’un régime à l’autre, le Congo est devenu une République des copains. Le président Joseph-Désiré Mobutu a gouverné le Zaïre en s’appuyant d’abord sur les compagnons de la révolution et ensuite sur les cadres du MPR. Le président Laurent-Désiré Kabila a gouverné le Congo en s’appuyant d’abord sur les fondateurs de l’AFDL et ensuite sur les cadres des CPP. Depuis la mort de ce dernier, le Congo est dirigé par un petit groupe obscur autour du président Joseph Kabange Kabila (CPP, PPRD et MP). Le réseau du pouvoir fait régulièrement appel aux amis et tous s’unissent pour gouverner la République en protégeant uniquement leurs propres intérêts. Il en résulte une solidarité partisane qui aboutit à l’impunité généralisée des dirigeants. Les hommes du pouvoir s’enrichissent rapidement et illicitement. Les officiers de l’armée sont cooptés par les hommes du pouvoir pour former un corps commun contre la volonté du peuple. Ce sont généralement les faibles qui font la prison et rarement les hommes d’Etat criminels. Si rien n’est fait, l’instabilité politique de la RDC va entraîner l’instabilité politique des pays situés à l’ouest de l’Afrique centrale, notamment l’Angola et le Congo-Brazzaville.

 Pourquoi le chef de l’Etat de la RD Congo ne peut pas convaincre les Congolais ?

 Les Congolais savent que l’actuel chef de l’Etat ne connaissait pas le Congo avant son arrivée en 1996, car il est né et a grandi à l’étranger. A son arrivée au Congo, il ne parlait aucune langue nationale et son kiswahili avait un fort accent de Tanzanie où il a vécu. Il ne connaissait pas l’histoire du Congo et, malgré tous ses efforts et plusieurs années de pouvoir, il accuse toujours beaucoup de lacunes et d’incompétence. Pour diriger le Congo, il s’appuie sur un réseau relationnel, au Congo et à l’étranger. Les Congolais ne lui reconnaissent pas une formation militaire complète et certifiée. En plus, il est instable dans ses choix (voir contrat avec les Chinois après avoir collaboré avec les pays européens pendant la campagne électorale en 2006).Tous ces handicaps les placent dans une incapacité à convaincre les Congolais sur ses politiques publiques qui paralysent et bloquent complètement le fonctionnement des institutions du pays. Il recourt régulièrement à la violence aveugle pour imposer son pouvoir : massacres des adeptes des Bundu dia Kongo dans la province du Kongo central, assassinat des activistes des droits de l’homme (Floribert Chebeya et son chauffeur Bazana, etc.), des opposants (Tungulu, etc.) et emprisonnement des opposants (l’avocate Marie-Thérèse Nlandu, le pasteur Kuthino, etc.)[1], achat des journalistes, corruption des certains leaders des partis politiques, etc. Si ces manœuvres peuvent donner l’illusion de maîtriser les enjeux, elles ont cessé de convaincre les Congolais. Ceux-ci se souviendront toujours de complicités entre le pouvoir de Joseph Kabange Kabila et le régime de Kigali et de Kampala ainsi que de déboires de l’armée congolaise dans la conquête des territoires occupés, à cause des stratégies alambiquées mises en place par le pouvoir pour piéger les soldats au front. A force de recourir à la force, le président Joseph Kabange Kabila à hypothéquer l’avenir du Congo. Il ne compte plus que sur un petit groupe de parvenus qui lui fait croire qu’il est populaire là où le peuple l’a déjà honni. Les dernières fraudes électorales (qui sont les plus honteuses du monde) sont venues renforcer le mépris du peuple vis-à-vis d’un régime qui ne respecte pas les droits de l’homme et qui se moque des préoccupations des Congolais. Si rien ne change, une révolution sans précédent risque de déstabiliser les pays situés à l’ouest de l’Afrique centrale, notamment l’Angola et le Congo-Brazzaville. D’où la nécessité et l’urgence de mettre fin à son régime ignoble et tyrannique.

Renforcer la coopération trilatérale entre l’Angola, le Congo-Brazzaville et la RD Congo

 Le pouvoir congolais privilégie des relations avec les anciens pays colonisateurs et les réseaux économiques étrangers là où il convient de s’appuyer sur la coopération avec les pays limitrophes comme l’Angola et le Congo-Brazza avec lesquels il partage les mêmes avantages en matière de ressources naturelles et un même passé historique afin de garantir les intérêts, le développement et la souveraineté des uns et des autres. Il en résulte une coopération en dents de scie avec la Belgique, frileuse ou chancelante avec les autres Etats. Les relations entre le Congo et les partenaires étrangers n’ont jamais été  stables. Elles sont avantageuses aux pays occidentaux et désavantageuses pour les Congolais. En plus, elles changent suivant les humeurs des acteurs politiques et les problèmes à traiter. Il est temps de privilégier les relations entre pays africains afin de construire une Afrique nouvelle qui sera enviée par les anciennes puissances coloniales. Dans cette voie, et en imitant le développement des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), l’Angola et la RD Congo peuvent (et doivent) devenir des pays pionniers.

Aucun pays ne peut se suffire à lui-même. D’où la nécessité d’une coopération. Parce que, traditionnellement, la coopération est réfléchie et mise en place par ceux qui sont à la tête de l’Etat, il faut, de part et d’autre, en Angola, au le Congo-Brazza et en RD Congo, des autorités politiques qui partagent la même vision pour asseoir la souveraineté de nos Etats et accélérer le développement de nos pays.

Les domaines de coopération sont nombreux. En réalité, il est impossible de les évoquer tous ici. Dans un grand pays comme la RD Congo, qui possède un immense fleuve et un immense barrage hydroélectrique à Inga, l’État doit être amené à privilégier la distribution de l’énergie hydroélectrique pour accélérer l’industrialisation. En combinant la possession des ressources pétrolières et l’énergie hydroélectrique, les moyens de transport public seront rendus faciles en Angola, au Congo-Brazza et en RD Congo : trams et bus en ville, trains électriques en provinces. Dans ce domaine spécifique, la coopération est nécessaire.

 S’appuyer sur l’intégration régionale pour résoudre la question de l’immigration

 Il existe en RDC de nombreux Angolais et de nombreux Congolais du Congo-Brazza et vice-versa, il existe en Angola et au Congo-Brazza de nombreux Congolais de la RDC. Non seulement nos trois pays ont une histoire commune, un passé commun, mais en plus ceux qui traversent régulièrement les frontières connaissent à la fois les institutions de deux Congo et les institutions angolaises. Nous devons nous appuyer sur leur expérience et sur la solidarité pour renforcer la coopération trilatérale. Certains projets doivent être présentés et soutenus par ce bilais afin d’éviter certains conflits autour de la question migratoire, sans toutefois négliger certains dossiers importants qui seront examinés au niveau des Etats. Le partenariat basé sur le codéveloppement réduira l’émigration des Congolais vers l’Angola et vers le Congo-Brazza tout en renforçant la main-d’œuvre dont chaque pays pourrait avoir besoin. Dans ce domaine, le renforcement de le coopération est la voie à suivre.

Les deux Congo et l’Angola possèdent des ressources naturelles ainsi que des plantes médicinales qui profitent plus aux anciens pays colonisateurs et à d’autres pays étrangers qu’aux nationaux qui les exploitent pour le compte des pays capitalistes. Il est temps de penser à les protéger et à les transformer en produits finis afin d’augmenter leur plus-value qui sera répercutée sur le niveau de vie des nationaux. La transformation des ressources naturelles en produits finis ou semi-finis et des plantes médicinales en médicaments (génériques) permettra à nos citoyens d’avoir un pouvoir d’achat réel et à se soigner. Plusieurs projets seront examinés dans différents domaines comme l’agroalimentaire, la pêche, le conditionnement des produits frais, le transport, la formation (électricité et informatique en particulier), la création des pôles d’excellence dans certains domaines, etc. Des exemples concrets de coopération entre les entreprises angolaises et congolaises seront précisées dans un futur proche.

Notre but est d’œuvrer pour que la tête de l’Etat soit occupée par les femmes et les hommes congolais compétents, intègres, qui cultivent une autre vision des relations entre l’Angola et les deux Congo et qui sont surtout capables de changer le destin de nos pays respectifs dans le sens de la stabilité et d’une prospérité communément partagée.

 Que proposons-nous ?

Construire ensemble notre indépendance et notre souveraineté

 Les conflits de la mondialisation sont de deux ordres : une dominance économique d’une part et une dominance politique de l’autre. La dominance économique concerne les nations qui ont des ressources financières considérables et les nations qui n’en ont pas. Les premières peuvent investir le surplus dans les pays tiers et exploiter la main-d’œuvre dans les pays pauvres. Là où les pays pauvres souhaitent une exploitation nationale de leurs richesses, les pays riches mettent en place des structures d’exploitation globale qui ne tiennent plus compte des frontières nationales. L’appropriation des ressources appelle des conflits et des guerres perpétuelles. Le commerce du diamant, du bois d’œuvre, de l’or, du pétrole (Koweït, Irak, etc.), de la drogue, du coltan en ce qui concerne le conflit entre le Rwanda et la République « démocratique » du Congo, mais également la délimitation des zones de pêche et la gestion de l’eau entraînant la guerre de l’eau[2] sont quelques-uns de ces conflits de la mondialisation. Ainsi les forêts tropicales en Amérique latine, en Afrique et en Asie sont détruites, comme l’illustrent l’exploitation et l’approvisionnement en bois par les Japonais dans toute l’Asie du Sud-Est, de même la Thaïlande qui, tout en protégeant sa propre forêt exploite celle de son voisin le Cambodge, la déforestation de la forêt équatoriale africaine par les compagnies européennes ou encore celle de l’Amazonie par les compagnies nord-américaines. Les Africains sont dépossédés de leurs ressources naturelles et de leur bois sans qu’ils en profitent sérieusement car les prix sont fixés par les puissances étrangères. « Des révoltes d’esclaves aux innombrables jacqueries, les luttes entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas sont une des constantes de l’histoire humaine. Karl Marx en fait même le moteur de la transformation sociale. »[3] Si, depuis la petite République romaine qui avait soumis puis dominé tous ses voisins, toute l’Histoire de l’humanité est traversée par l’exploitation des peuples pauvres par les peuples riches, des États pauvres par des États riches, l’asservissement et la soumission des régions pauvres par des régions riches, cette exploitation et cette soumission sont devenues plus grandes et plus pernicieuses depuis la révolution industrielle qui, à partir du XVIIIe siècle, a radicalement changé le mode de pensée et les relations entre les nations et entre les continents. La mondialisation économique qui multiplie les flux contribue à la porosité des frontières. Il est temps pour nos pays de se réapproprier la maîtrise de notre histoire et de définir notre destin suivant nos attentes et non pas en fonction de celles des autres puissances qui ont toujours voulu dominer l’Afrique.

Les pays qui ont des ressources financières ne sont pas toujours ceux qui possèdent des ressources naturelles ou des matières premières et ces pays vivent un dilemme, ils savent qu’ils doivent investir dans les pays où se trouvent des ressources minières dont ils ont besoin, mais ils savent d’autre part que s’ils y investissent beaucoup, ils entraîneront un développement de ces pays qui, par leur enrichissement, finiraient par concurrencer les pays industrialisés, alors ceux-ci exploitent simplement les matières premières dans les pays du Tiers-Monde et s’arrangent à les transformer en produits finis dans leurs propres pays pour éviter le transfert de technologie, autrement ils élèvent de nouvelles barrières à travers les inventions technologiques et la détention des brevets qui assurent leur avance dans la compétition mondiale. Voilà pour quelle raison les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l’Italie, etc. refusent de raffiner sur place le pétrole africain (Nigeria, Gabon, Guinée équatoriale, Congo, Angola, etc.). Toutefois, dans le système actuel d’exploitation, « les peuples nigérian, angolais, congolais et autres, ne disposent même pas de l’énergie dont ils ont besoin alors qu’ils en exportent des volumes considérables ! »[4]. Certains pays, notamment les pays asiatiques, refusent de respecter les brevets et n’hésitent pas à copier sans gêne des produits dont ils ont besoin, mais qu’ils reçoivent en qualité rationalisée. Par la contrefaçon, c’est-à-dire la tricherie, non seulement ils s’enrichissent, mais en plus les mêmes produits de piratage sont vendus dans les pays industrialisés pour se procurer des devises. Cette politique fait naître des conflits entre les pays industrialisés et les nouveaux pays en développement. On a ainsi assisté à plusieurs batailles des copyrights entre les États-Unis et la Chine, les premiers mettant en cause la seconde pour la fabrication clandestine de disques compacts et de cassettes vidéos entraînant le non-paiement des droits d’auteurs. La politique de délocalisation est loin de résoudre le problème, car la délocalisation profite plus à l’entreprise qui délocalise qu’au pays qui reçoit cette délocalisation.

Quelle est notre politique économique face aux enjeux de la mondialisations des marchés ? Pour répondre à cette question, nous devons (pays africains) mener la réflexion ensemble et ériger des barrières qui protègent les intérêts de nos Etats.

 Mettre en place un programme de rapprochement

 Le programme de rapprochement peut se décliner et s’exprimer à travers une expression d’une forte union régionale entre l’Angola, la RDC, le Congo-Brazzaville, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Cameroun, par la coopération intense tous azimuts avec les pays bénéficiant d’un socle marin, par le partage des flottes (aérienne, maritime) avec ces pays côtiers afin de faciliter le commerce et le transport avec l’extérieur et par l’utilisation commune des réseaux interconnectés de communication. Dans cette voie, l’Angola et les deux RD Congo doivent être des pays pionniers.

L’Angola et les deux RD Congo n’ont pas le problème d’espaces comme au Rwanda et au Burundi. La densité démographique des pays se situant à l’Est de la RDC et l’ambition expansionniste du Rwanda n’incitent guère à opter pour un rapprochement avec ce pays, car il est de notoriété publique que le Rwanda a une tradition belliqueuse. Un argument de la sociologie démontre la véracité de ce propos. Pour contrôler les troupeaux, les pasteurs rwandais devaient être armés et en cas d’attaque des troupeaux, les pasteurs-guerriers devaient livrer bataille contre les voleurs. Par extrapolation, cette tendance à la violence s’est transformée en une culture intrinsèquement belliqueuse qui pousse de nombreux habitants rwandais à défendre leurs droits et leurs avantages par la violence. Cette observation d’ordre purement protecteur ne clôt cependant pas le débat autour de la question des guerres au Rwanda, car on retiendra que chaque incursion guerrière déclenchée par le Rwanda a été suivie d’une volonté de verser le surplus de sa population sur le territoire congolais. La stratégie militaire rwandaise, à l’instar de la politique israélienne dans les territoires occupés, est le paravent d’une stratégie géopolitique beaucoup plus réfléchie visant à réduire la densité de sa population congolaise au km2. Or, l’État congolais a incontestablement une culture de paix et ce pays a toujours tenté, à travers l’histoire, de maintenir des relations pacifiques avec ses voisins. Hormis l’incitation étrangère qui poussa l’armée de Mobutu à aligner des troupes dans les pays étrangers, jamais le Congo n’a attaqué ses voisins.

 On ne peut construire qu’à côté des gens avec lesquels l’entente est possible

 La proximité des capitales dans l’Ouest du continent est un argument qui justifie le choix du socle marin. En optant pour ce dernier choix, la RDC aura non seulement des partenaires fiables, mais elle plantera plus solidement des piliers qui les maintiendront en équilibre. Ce qui précède revient à dire que la relance de l’Union économique et douanière de l’Afrique centrale transformée en 1976 en « Communauté économique des pays des Grands Lacs »[5] (CEPGL), peu viable et peu fiable, dont les économies et le système politique basé dans certains pays sur la gestion de l’espace politique par une ethnie qui exclut l’autre pendant son règne, est difficile à soutenir parce qu’il n’y a plus d’arguments convaincants qui justifient cette relance.

Il semble que la RDC n’a pas encore tiré la leçon de l’invasion rwandaise de 1998. Tout en violant l’intégrité du territoire congolais, les rebelles rwandais ont traversé orgueilleusement et sans scrupules tout le territoire d’Est à l’Ouest et ont occupé la base militaire de Kitona avant d’entamer leur progression vers Kinshasa. Sans l’intervention de l’Angola, les soldats rwandais auraient marché sur Kinshasa, prendre le pouvoir et se mettre à gouverner le Congo en s’appuyant sur des Congolais sans morale. Ce que la RDC vit aujourd’hui n’est pas loin de ce scénario, car le Rwanda gouverne encore la RDC par personnes interposées.

Les raisons évoquées ci-dessus sont suffisantes pour rapprocher davantage la RD Congo de l’Angola et du Congo-Brazza. En effet, dans la répartition des pays africains, la République démocratique du Congo appartient à la configuration des pays de l’Afrique centrale (Cameroun, Centrafrique, Guinée équatoriale, Sào Tomé et Príncipe, Gabon, Congo-Brazzaville et Angola) tandis que le Burundi et le Rwanda appartiennent à la configuration des pays de l’Afrique de l’Est. En plus, la fracture au milieu des pays des Grands Lacs ne date pas d’aujourd’hui, elle existait déjà à l’époque des grandes migrations africaines comme l’affirment les historiens spécialistes de cette époque[6]. Maintenant que cette communauté, créée en 1976 entre le Zaïre, le Rwanda et le Burundi, est frappée de plein fouet par le bouleversement géopolitique dans la région des Grands Lacs, la RDC doit tout simplement s’en détourner et nouer un nouvel accord avec l’Angola, le Congo-Brazzaville, le Gabon, la Guinée Equatoriale, Sào Tomé et Príncipe et le Cameroun. Ce regroupement-ci sera économique et il pourrait être appelé « Communauté économique des pays côtiers de l’Afrique centrale » (CEPCAC). Une telle communauté serait plus bénéfique, car les populations partagent depuis des siècles une même sous-culture et ces pays sont habités par des peuples ayant la même origine proto-bantu dont le bassin se situait jadis au Cameroun ; ils partagent le même goût musical et les mêmes intérêts pour l’océan, aussi la même passion pour le sens des affaires (business comme les Anglais disent), aussi une absence des conflits passionnels entre les ethnies vivant sur le même territoire national. Une étude linguistique montre une ressemblance sémantique dans le vocabulaire entre les deux Congo, l’Angola, et le N’G(ab)on. On retrouve pratiquement la succession des mêmes lettres et des mêmes consonances dans les langues bantu, par exemple « n-g-o » – la même résonance linguistique dans les langues parlées par les populations locales –, on trouve des noms comme Pambu ou Pambou en Angola, à Cabinda, au Mayombe (RDC), au Congo-Brazzaville et au Gabon. On trouve les Bakongo et les Bateke dans toutes les régions côtières de ces pays. Les attachements culturels et linguistiques qui rapprochent les populations sont des atouts indéniables pour la construction de l’intégration régionale qui pourrait s’inspirer du modèle de l’Union douanière de l’Afrique australe (SACU). Comme pour l’ALENA et l’Union européenne qui sont des communautés relativement homogènes, les pays situés en Afrique centrale ont dans leur ensemble plus de caractéristiques communes, plus de ressemblances culturelles, plus de rapprochements dans leurs configurations ethniques et religieuses et, comme on a l’habitude de le dire, « ce qui se ressemble, s’assemble ». Les langues parlées en Afrique centrale sont des langues bantu. Sur le plan économique, tous ces pays possèdent diverses richesses : terres fertiles, bois, plantes médicinales, faune, flore, etc. Ils sont tous producteurs de pétrole et sont traversés par la forêt équatoriale. Ils ont des ressources minières immenses et d’importantes ressources en eau douce. Le fleuve du Congo recèle à lui seul presque 30 % des ressources en eau douce de l’Afrique. Les pays de l’Afrique centrale ont une vocation agricole. L’exploitation et la gestion de toutes ces ressources doivent être le point d’ancrage d’une intégration régionale réussie. En plus, les peuples des côtes atlantiques vivent dans une harmonie parfaite, de l’Angola au Cameroun ; de la même façon, les peuples riverains du fleuve Congo s’entendent comme des oiseaux de même plumage. Si tous ces avantages sont mis ensemble, ils deviendront très rapidement l’ensemble régional le plus prospère du continent africain. Les armées intégrées dans cette communauté d’intérêt garantiront la sécurité et lutteront contre toute tentative d’invasion ou d’exploitation, elles se mettront au service des économies nationales. C’est la seule voie qui donnerait une autonomie réelle et un dynamisme dans le développement politique et économique de la région.

Dans ce nouveau regroupement, l’accord de libre-échange sera la première étape et, à la longue, d’autres volets pourront être expérimentés. Peut-être qu’avec les décennies et la volonté de coopérer davantage et de vivre ensemble naîtra une forme de fédération d’intérêts réciproques, les États-Unis d’Afrique centrale en quelque sorte. Ne faudrait-il pas d’abord consolider les groupes régionaux avant de créer les États-Unis d’Afrique ? L’Afrique doit avoir l’ambition de ses pensées et le courage de bousculer les frontières léguées par l’histoire coloniale. Dans cette perspective, l’Angola et les  deux Congo doivent jouer un rôle des pays pionniers.

 La naissance d’une pensée géopolitique rationnelle et conséquente doit commencer par la recherche d’un large socle marin

 Il est largement admis que « seules de grandes unités sous-régionales et régionales peuvent construire des contrepoids aux effets de la domination extérieure »[7]. Une telle construction est possible si elle est accompagnée d’une réelle volonté politique et si les États concernés par ce projet s’unissent et invitent leurs nationaux à participer à ce rêve commun qui permettra de mieux lutter contre les abus du pouvoir et les ingérences étrangères négatives sur les économies nationales. Mais un tel projet nécessite préalablement une intégration nationale, car celle-ci facilitera l’intégration régionale. L’association de libre-échange ou zone de libre-échange est généralement la première étape du processus d’intégration, tandis que l’intégration politique totale est l’ultime stade de l’intégration. A ce niveau, les pays membres harmonisent l’ensemble de leurs politiques économiques et ils forment un bloc indissociable face au reste du monde. L’intégration régionale qui souscrit à la politique de libre-échange est un réel vecteur de la croissance économique et du développement parce qu’elle élargit la dimension du marché et parce qu’elle stimule les économies nationales.

Les pays côtiers de l’Afrique centrale doivent réfléchir ensemble au paysage d’un réseau de chemins de fer interconnectés, en commençant par l’harmonisation des politiques nationales de transport et de communication afin d’avoir dans le futur un réseau intégré à partir duquel seront établies des liaisons nouvelles. Ces pays ont des atouts dans ce domaine : ce sont des pays qui peuvent être tous reliés depuis les côtes, ils ont des ports importants[8] : Port Gentil au Gabon, Pointe-Noire au Congo-Brazzaville, Banguela et Lobito en Angola, Moanda (à construire pour la RD Congo). Il est important de savoir qu’en Afrique australe, « l’interconnexion fin 1995 des réseaux sud-africain et Zimbabwe fut la première étape d’un projet d’intégration des réseaux du Nord (Congo, Zambie) et du Sud (Botswana, Namibie) »[9].

Tous les pays côtiers de l’Afrique centrale seront reliés par des routes qui longeront les lignes de chemins de fer et un réseau routier reliant le port et l’intérieur de chaque pays. En République démocratique du Congo, une ligne de chemin de fer à double voie reliant Lubumbashi au port de Lobito en Angola et une autre à Muanda en passant par Kolwezi, Kikwit, Kinshasa et Matadi, constitueront non seulement un couloir d’écoulement des produits agricoles et miniers vers l’Océan [la principale fonction des chemins de fer est d’assurer la relation entre les zones de production et les ports d’exportation] mais en plus elles faciliteront le déplacement des personnes, car le brassage des populations stimule l’économie et encourage l’innovation.

Le développement du transport par l’amélioration des voies des communications entraîne une baisse du coût des transports et des prix des marchandises, mais il favorise aussi l’internationalisation des firmes, la diffusion de l’informatique qui, aujourd’hui, est l’unique moyen qui autorise l’échange d’informations en temps réel, d’un bout à l’autre de la planète[10].

 Garantir l’intégration régionale par l’intégration énergétique

 Grâce au barrage d’Inga, il est possible de construire des centres d’excellence – des centres de recherche autour de ce site et tout le long de la côte atlantique, allant de l’Afrique du Sud jusqu’au Cameroun. Le projet existe, il suffit de le réaliser : « Une ligne Aries-Kokerboom (Windhoek), de 900 kilomètres et 400 kilomètres, reliant l’Afrique du Sud à la Namibie, forme un tronçon essentiel de la future voie de transmission pour le transit de l’électricité produite à Grand Inga (République démocratique du Congo) vers l’Afrique du Sud le long du couloir occidental du réseau d’interconnexion (République démocratique du Congo-Angola-Namibie-Afrique du Sud) »[11]. Les capacités du barrage d’Inga demeurent sous-exploitées alors que ses ressources énergétiques optimales sont capables de garantir un approvisionnement suffisant à tous les pays de la région. Malgré les potentialités considérables du barrage d’Inga, « la part de l’Afrique dans la consommation mondiale d’énergie commerciale n’est que d’environ 3 % »[12]. Les populations des pays de l’Afrique centrale utilisent encore la biomasse (feu de bois, charbon) pour leur cuisson dans une région qui devrait connaître un surplus de production d’électricité. L’usage de la biomasse contribue à la destruction de la forêt environnante. La distribution régulière de l’électricité est l’unique moyen de freiner la destruction de la nature. Il est urgent d’attirer l’attention des populations sur les méfaits de l’usage de la biomasse par le biais des séminaires et des ateliers. La négligence des autorités en matière de distribution fait de l’Afrique « le premier consommateur au monde d’énergie de biomasse, cette dernière représentant pratiquement 90 % de la consommation énergétique finale de l’Afrique subsaharienne (à l’exception de l’Afrique du Sud »[13] alors que la consommation de la biomasse n’est que de 5 % en Afrique du Nord.

En accord avec l’Angola et le Congo-Brazza, qui sont des producteurs pétroliers significatifs, en insistant sur les affinités culturelles avec la RDC, pays voisin situé entre les deux autres, il faut construire nos propres raffineries pétrolières afin d’approvisionner les pays de la région en produits pétroliers raffinés dans la région. Le raffinage du pétrole angolais, congolais, gabonais, guinéen équatorien est encore assuré en Europe et aux États-Unis par des compagnies pétrolières occidentales qui profitent plus des retombées financières au détriment des populations locales. En mettant leurs efforts ensemble, les pays de la CEPCAC doivent s’organiser pour le raffiner localement et le commercialiser en tant que produit fini.

L’intégration énergétique facilitera la construction d’oléoducs et de gazoducs. Un tel projet peut recevoir, comme dans le cas de l’Afrique de l’Ouest, un financement de la Banque mondiale s’il est bien présenté. C’est par la cohérence et l’originalité que les Africains échapperont à la domination économique des pays développés et c’est par les mêmes moyens qu’ils éviteront l’exploitation de leurs ressources naturelles et humaines par les pays développés. L’électrification de l’ensemble des pays permettra à environ 70 %, voire plus, de la population africaine qui vit dans des zones rurales, à être reliée aux centres politiques et économiques par les réseaux modernes de communication (téléphone fixe et portable, Internet, télévision, etc.). Ces populations pourront ainsi s’informer et se former. Mais pour réaliser un tel projet, il faut qu’il y ait de la volonté politique et une réelle incitation à investir dans les zones arriérées. L’électrification progressive permettra l’industrialisation progressive et la transformation des matières premières en produits finis et la commercialisation de ces produits finis permettra à son tour le développement économique du pays. Ce circuit ressemble à ce que l’économiste Paul Prebisch qualifiait de « politiques de substitutions d’importations ». Les pierres qui existent en quantité incommensurable dans quelques-uns de ces pays seront utilisées pour la construction des chemins de fer et pour bitumer les routes carrossables. L’Afrique doit arriver à fabriquer ses propres produits afin de se développer et de participer davantage au commerce mondial.

Jusqu’à présent l’Angola et les deux Congo ont élaboré chacun sa propre stratégie de développement pour assurer ses approvisionnements et importations ; il faut sortir de cette stratégie et investir en commun dans la construction des réseaux du futur et dans la production et la distribution de l’énergie. Il faut électrifier les pays pour faciliter l’extension des infrastructures de communication qui sont jusqu’à présent inexistantes en dehors de grandes agglomérations. Dans certains pays, le nombre de lignes de téléphones fixes ne dépasse pas le 1 % de la population à l’intérieur du pays. La stagnation et/ou le recul des connexions du téléphone fixe pose un problème pour les connexions par Internet et pour l’expédition et la réception d’une télécopie (fax). Devant l’incapacité de l’État, la solution reste dans la privatisation des PTT (l’écrivain camerounais, René Philombé, a qualifié les PTT par l’expression Perds Ton Temps) qui demeurent un monopole de l’État incapable de rendre des services aux clients ou dans l’ouverture des PTT aux investissements transfrontaliers.

 Mettre en place une politique de sécurité maritime régionale

 Pendant que le reste du monde s’organise, l’Afrique centrale reste dans l’expectative. En tout cas, elle ne fait pas grand chose pour la sécurité maritime régionale. Mais il n’est pas encore trop tard pour mettre sur pied des patrouilles maritimes conjointes et un dispositif de lutte régionale contre la piraterie. Le volet pétrolier est très préoccupant dans ce domaine. Des pays qui ont une large frontière naturelle avec l’océan Atlantique, comme l’Angola, le Congo-Brazzaville, le Gabon, le Cameroun, doivent jouer un rôle important en investissant davantage de ressources financières et humaines dans la formation des Garde-côtes et dans la sécurité maritime au niveau régional et ils le feront dans leur propre intérêt en tant que nations côtières. Il existe des obstacles à aplanir parmi lesquels la mise en place d’un cadre solide de coopération, le manque de savoir-faire, l’absence de fonds et d’équipements. L’absence de coopération entre les pays de l’Afrique centrale permet une exploitation éhontée des richesses naturelles des pays de cette région, en particulier le pétrole et le gaz naturel. On a beaucoup parlé du pétrole koweïtien et irakien pillé par des compagnies étrangères, du coltan volé en RD Congo par le Rwanda et l’Ouganda avec la complicité des États étrangers et des firmes transnationales[14]. Il est temps que les pays africains imposent leurs droits et leurs intérêts au reste du monde afin de garantir leur développement.

A part quelques coups de colère du président Omar Bongo contre la compagnie pétrolière ELF-Aquitaine[15] qui exploite à vil prix le pétrole gabonais, la presse africaine et la presse étrangère parlent très peu du pétrole africain devenu une propriété privée des compagnies étrangères. Une meilleure gestion de la dominante pétrolière peut structurer la région côtière de la même façon que la dominante minière de l’économie a structuré le territoire de l’Afrique australe. Si les pays de l’Afrique centrale désirent jouer un rôle moteur pour protéger leurs richesses et leur pétrole, il est important qu’ils travaillent ensemble en commençant par former les Garde-côtes qui s’occuperont de la sécurité maritime en empêchant les actes de piraterie en mer. En Afrique centrale, les problèmes sont nombreux en ce qui concerne la sécurité maritime, mais le plus urgent est sans doute l’absence de cadres compétents. Les Garde-côtes devront travailler avec les services de renseignement de chaque pays en matière de collecte et d’échange d’informations. La formation des Garde-côtes est indispensable pour la sécurité des eaux et des richesses de la région.

L’amélioration des liens entre les pays côtiers de l’Afrique centrale passe par la création d’une école africaine des Garde-côtes. Des étudiants en provenance des pays membres viendraient se former et partager ensemble le souci sécuritaire de la région. En mettant en avant l’idée de s’appuyer sur un réseau régional des Garde-côtes, les pays de l’Afrique centrale tireront des profits économiques énormes par la réduction des actes de piraterie en mer et sur les côtes. La formation des Garde-côtes sera une première étape qui permettra dans le futur de surveiller et de défendre les itinéraires de navigation passant par la région. Il est de notoriété publique que les routes maritimes sont vitales pour l’économie de chaque nation. En mettant leurs efforts ensemble, les pays de l’Afrique centrale pourront songer à créer une industrie commune du transport maritime dont les États membres seront les actionnaires. Si l’Afrique n’a pas de marine de guerre, elle peut au moins se doter d’une marine marchande qui sera protégée par les Garde-côtes de la région. Les richesses marines et sous-marines ne seront mieux protégées que si elles sont surveillées en permanence.

A l’heure où les pays ploutocratiques du monde définissent, dans le cadre de la mondialisation, les lignes maîtresses de ce que seront les grandes orientations de l’économie de demain, l’Afrique doit miser sur la formation de ses propres cadres en matière de sécurité afin de réduire l’entrée frauduleuse des armes qui sont à l’origine des conflits et des guerres et qui retardent le décollage économique de la région.

 Créer une armée régionale à l’image de l’OTAN pour protéger les intérêts de la région

 Sur la base de l’expérience de l’armée angolaise, avant et après la chute du maréchal Mobutu, qui a pénétré au Zaïre pour étouffer les rebelles de l’UNITA puis au Congo-Brazaville pour étouffer les rebelles du FLEC, il devient possible de construire une armée régionale en Afrique centrale. Les conflits politiques ont permis, dans ces deux pays, de recevoir l’armée angolaise qui a précocement donné une allure de ce que pourrait être l’armée régionale de demain et le rôle qu’une telle armée aura à assurer : sécuriser le régime politique entre les mains des civils, défendre la région et les pays membres contre toute invasion et toute forme d’exploitation, lutter contre la prolifération des armes légères à l’origine des conflits dans la région ; avec la police, l’armée régionale assurera la libre-circulation des marchandises et des personnes car elle augmentera le sentiment d’appartenir à une communauté, ensuite la libre-circulation des personnes accélérera la circulation des connaissances. Si ceci est bien compris, les sept pays (Angola, RD Congo, Congo-Brazzaville, Gabon, Guinée équatoriale, Sào Tomé et Príncipe, Cameroun) qui mettent les sept armées nationales au service de la sécurité régionale, si ces armées coordonnent leurs actions et leurs tâches, si elles fonctionnent avec un budget important, il est facile d’imaginer les bénéfices que feront les pays de l’Afrique centrale en réunissant plus de 100 millions d’habitants. S’ils ont une flotte maritime et aérienne commune, une armée commune défendant les intérêts de la région, des programmes de recherche communs, les mêmes Garde-côtes pour toute la région, une politique étrangère commune, un échange d’informations en matière de renseignement et de sécurité, une seule diplomatie pour représenter les pays côtiers de l’Afrique centrale – comme les États-Unis pour les négociations commerciales –, s’ils paient une cotisation unique auprès des organisations internationales, les bénéfices seront encore plus énormes. Les économies de ces pays seront substantielles et le développement de la région foudroyant ? Dans cette voie, l’Angola, le Congo-Brazza et la RD Congo doivent jouer le rôle de pays pionniers.

Dans les pays occidentaux, les armées ont compris depuis longtemps qu’elles ne doivent plus se combattre car, en le faisant, elles dresseraient les États les uns contre les autres. Alors, elles perfectionnent leurs armements tout en restant vigilantes puisqu’une folie humaine est toujours possible. Pour s’enrichir, ces armées-là ont compris qu’elles doivent inventer, innover et vendre leur technologie. Une partie de leur technologie est vendue en Afrique. Hélas, c’est toujours une technologie dépassée, démodée dans le Nord que les pays d’Afrique se procurent, rendant par-là impossible toute idée de victoire en cas de guerre entre le Nord et le Sud. Or, nous sommes dans une phase de guerre économique et technologique depuis que les pays du Tiers-Monde ont réclamé ouvertement leur indépendance. Les Africains oublient souvent cette réalité. C’est pourquoi, les pays du Sud doivent rechercher leur autonomie et celle-ci ne peut venir que d’une organisation militaire (c’est-à-dire dans cette capacité de riposter contre toute attaque d’où qu’elle vienne) dans la mesure où les pays du Nord ont déjà visiblement choisi la force comme unique et dernier moyen d’imposer leur droit et leur domination sur le monde. Pour parvenir à la matérialisation de leur dessein, ils mènent la guerre partout et contre toute personne ou tout groupe organisé qui peut leur résister. L’Afrique n’a pas, à ce stade, la capacité de riposter. Sans faire appel à une puissance occidentale ou sans armes occidentales, aucune guerre ne peut être gagnée en Afrique. Triste constat ! Dans un tel contexte, la souveraineté des États d’Afrique ne sera affirmée que lorsque les pays seront unis et forts, que lorsqu’ils coopéreront et mèneront ensemble la lutte de leur reconnaissance sur la scène internationale. C’est en étant véritablement unis que les pays africains auront les moyens matériels de légitimer juridiquement et militairement leur résistance aux interventions insidieuses des pays les plus forts qui ont toujours exploité le continent africain grâce à leur capital, accumulé pendant la période coloniale et pendant les Trente Glorieuses, et grâce aussi à leur avance technologique. N’est-ce pas qu’on n’est jamais plus fort en étant seul ? Les puissances européennes ont si bien compris cela qu’elles ont décidé de s’unir afin que, face aux adversaires, elles appliquent la maxime suivante : « montrer sa force pour ne pas avoir à s’en servir » qui peut se traduire aussi dans le jargon moderne par « crédibiliser la dissuasion », mais surtout afin de devenir invincibles et un partenaire incontournable des États-Unis d’Amérique.

Pour construire l’unité, les armées des puissances occidentales coopèrent, mais elles travaillent dans l’idée de diviser les armées des pays du Tiers-Monde afin de ne pas avoir à les confronter tôt ou tard. C’est dans ce sens que les grandes puissances occidentales établissaient des bases militaires sur le continent ou qu’ils y envoient maintenant des experts militaires et civils sous l’étiquette de coopérants « humanitaires », c’est aussi dans ce sens qu’ils surveillent tous les moyens de communications et toutes les routes maritimes ou commerciales. En revanche, ils refusent que des militaires africains pénètrent à l’intérieur de leurs armées et qu’ils soient présents dans les différents points stratégiques du globe. Combien d’experts militaires africains compte-t-on dans les armées occidentales ? Combien de bateaux militaires africains sillonnent-ils les eaux internationales ? Questions taboues ? Il est temps que les Africains prennent conscience de l’évolution du monde en leur défaveur et qu’ils trouvent des réponses qui rétabliront les rapports de force en leur faveur. Cela doit passer par la mise en commun de nos moyens militaires. Dans cette voie, l’Angola, le Congo-Brazza et la RD Congo sont appelés à donner l’exemple afin que les autres Etats imitent et suivent. Ces trois pays peuvent créer le premier noyau de ce que sera les futurs Etats-Unis d’Afrique centrale.

 L’Afrique centrale dans une nouvelle configuration géopolitique : intensifier les échanges économiques

 Le système industriel taylorien-fordiste mis en place par les industries des pays riches « s’étend depuis les années 1970 à l’échelle de la planète : au nord, les fonctions de conception du produit ; au sud, les fonctions de fabrication technique. Les délocalisations manufacturières de la production dans les pays à bas salaires et leur corollaire, la tertiairisation de la main-d’œuvre occidentale, obéissent à cette logique, en termes d’avantages comparatifs (main-d’œuvre abondante, peu syndiquée, absence de protection sociale et de droit du travail). Ainsi, la société américaine de vêtements et de chaussures de sport Nike réalise-t-elle 99 % de sa production en Asie (chez des gens qui sont incapables de s’acheter les chaussures qu’ils fabriquent) sur près de 40 sites, notamment en Chine, en Indonésie et en Thaïlande. En revanche, les fonctions de développement, de marketing et de recherche sont basées aux États-Unis et aux Pays-Bas »[16].

En Afrique, plus de cinquante et un ans après les premières indépendances, les échanges économiques entre pays restent médiocres, car le commerce est essentiellement orienté vers les pays du Nord, notamment vers l’Union européenne et vers les États-Unis d’Amérique. Chaque ancienne colonie a tendance à coopérer plus avec l’ancienne métropole qu’avec le pays d’à côté. La Gambie, par exemple, développe plus de relations commerciales avec la lointaine Grande-Bretagne qu’avec son voisin, le Sénégal. Il en est de même de la Guinée équatoriale, du Gabon, et plusieurs autres exemples peuvent être cités. Tout en poursuivant le commerce à longue distance, il convient d’intensifier le commerce intra-africain. La mise à contribution du secteur privé dans l’agenda d’intégration est le moyen le plus court d’y parvenir, car c’est par l’intégration régionale que les pays parviendront à démanteler les frontières héritées de la colonisation qui ont séparé les communautés d’une même souche dans deux voire trois pays et qui sont souvent la cause de nombreux conflits entre États (voir le cas des Bakongo en Angola, RD Congo, Congo-Brazzaville, Gabon, les Bateke et des Pygmées en RD Congo, au Congo-Brazza et au Gabon, les Bangala en RD Congo et au Congo-Brazza, etc.).

Les pays situés en Afrique centrale doivent adopter une vision tournée vers un avenir commun afin d’éviter un commerce à longue distance et une position économique de dépendance et de soumission. Si les pays européens font entre eux près de 68 % de leurs échanges internationaux, les pays africains s’inscrivent encore dans la logique coloniale de relations privilégiées avec chaque ancienne métropole. Besoin du dollar et de l’euro oblige ! Mais ce commerce-là est souvent fait au détriment des attentes des citoyens. Les pays africains qui négligent le commerce avec leurs voisins ou qui ne l’intensifient pas doivent sortir des relations prétendument « privilégiées » qu’ils entretiennent avec les anciennes métropoles car ce sont souvent des relations d’asservissement dans lesquelles les uns jouent le rôle de maître ou de donneur de leçons et les autres celui d’esclave ou d’élève docile. Une reproduction en miniature, sous un biais stratégique, de l’époque coloniale. Il faut que les pays d’Afrique se mettent librement à commercer avec tous les pays du monde entier comme le font du reste les anciennes métropoles elles-mêmes. Seul le profit et l’intérêt national doivent guider leurs décisions. Si les responsabilités de la colonisation sont indéniables, il faut maintenant prouver que les États africains indépendants peuvent construire librement leurs nations et leurs économies.

L’Afrique est entrée dans le XXIe siècle en étant faible. Il est temps de fermer définitivement la page du passé colonial et du néo-colonialisme. Il faut un nouveau discours, un autre discours, plus économique, plus technologique, plus managérial. Pour l’Angola et les deux RD Congo, une vision d’un avenir commun est particulièrement importante pour accélérer la croissance économique régionale, pacifier les pays, stabiliser les régimes politiques et pour construire la démocratie.

Tous les principaux indicateurs socio-économiques de ces trois pays sont quasiment identiques : forte variété des produits agricoles bénéficiant partout des conditions atmosphériques favorables, forte pluviosité, tous ces pays sont producteurs et exportateurs de plusieurs matières primaires de première importance pour la communauté internationale mais nos pays sont faibles face aux puissances étrangères et aux institutions internationales de Bretton Woods qui ont été créées par les grandes puissances pour protéger leurs propres intérêts.

Il est nécessaire de créer nos propres institutions et des marchés régionaux plus intégrés et plus dynamiques afin de mieux lutter contre l’exiguïté des marchés intérieurs et contre la faiblesse de l’économie dans chaque nation. Nos Etats doivent comprendre que l’intégration régionale permet une coopération économique plus large. Les régions et leur consolidation sont les piliers de l’intégration continentale et du développement de l’Afrique de demain.

Nos pays doivent innover en diversifiant les produits de base d’exportation, innover en transformant les matières premières en produits finis, d’abord pour répondre à la demande des marchés locaux et ensuite à la demande des marchés internationaux. Il faut, parallèlement au souci d’innovation, fournir à la jeunesse des formations ouvertes aux nouvelles technologies. La mise en commun des politiques micro et macroéconomiques suivie d’une coordination mettra les pays membres en situation de négocier des contrats avec les multinationales qui cesseront ainsi d’utiliser les pays d’Afrique comme base d’exportation et d’écoulement de leurs produits bas de gamme. Donc, la mise en commun des efforts, la réduction des frais par la construction d’une armée régionale commune, la réduction des frais par la création d’une seule compagnie d’aviation, d’une seule flotte maritime, la réduction des frais par une diplomatie commune et une représentation commune auprès des organisations internationales compenseront les droits de douane (manque à gagner) sur lesquels les pays africains comptent beaucoup. Nos pays n’ont pas à craindre une perte de leur souveraineté[17] et la maîtrise de la formulation des politiques intérieures car les accords de coopération prévoiront cela et éviteront de telles pertes.

C’est en étant économiquement unis et forts que nos trois pays pourront se permettre de signer de vrais accords qui nous octroient des avantages réels. Ce rapprochement ne commencera que lorsqu’il y aura à la tête de nos Etats des dirigeants qui partagent la même vision de l’avenir, qui mettront en place une série de conférences pour sensibiliser l’opinion publique régionale, une équipe de travail chargée d’élaborer les modalités de fonctionnement et de la coopération entre les pays sur la base des relations qu’ils entretiennent déjà et du rapprochement culturel existant, par la création dans chaque pays d’un ministère chargé de l’intégration régionale, par l’élaboration d’un programme et d’un cadre institutionnel pour stimuler la coopération régionale et par la définition des domaines d’intérêt économique communs.

Grâce à la paix retrouvée et à l’harmonisation des politiques publiques, nos pays pourront attirer davantage d’investissements directs étrangers en se faisant plus attrayants pour les investisseurs extérieurs comme le fait déjà la CAE[18]. Seule une intégration régionale conséquente et cohérente pourra mieux pacifier la région, favoriser la cohésion sociale, éviter les conflits politiques et éveiller les agents économiques qui, par la recherche du profit, stimuleront les commerçants, les innovateurs et les inventeurs nationaux. Nous ne voyons pas aucune autre solution plus stimulante et plus efficace que celle-ci pour développer nos pays et les sortir rapidement du sous-développement.

Nos pays gagneraient énormément en se spécialisant dans les produits dont la nature les a dotés : matières premières, produits agricoles, plantes médicinales, hydrocarbures, tourisme, flore et faune, etc. Si nos pays développent leurs ressources naturelles, s’ils développent les produits agroindustriels et l’alimentation, s’ils développent leur médecine traditionnelle en redécouvrant et en réétudiant les différentes plantes médicinales, s’ils mobilisent les ressources humaines disponibles, il n’y a aucun doute qu’ils connaîtront un développement foudroyant.

Pour démarrer cette intégration des pays situés à l’ouest de l’Afrique centrale et aller ensuite de l’avant, il faudrait que les pays les plus grands et les plus riches en ressources naturelles – en l’occurrence la RDC[19], le Congo-Brazza et l’Angola – donnent le ton afin d’éviter que tous les pays demeurent des spectateurs de cette idée constructive. Chaque pays doit être prêt à faire des concessions à l’image de l’Allemagne qui a sacrifié son précieux deutsche mark sur l’autel de l’intégration européenne.

Conclusion

 L’Angola et les deux Congo possèdent des richesses immenses et ces pays n’ont pas le droit d’être pauvres. Après la comptabilité de tous les avantages que possède ces pays, il faut passer à l’action en les modernisant à partir des potentialités disponibles, en cultivant le riz, le manioc, le maïs, le soya, la banane, etc. le long du bassin congolais afin d’assurer l’autosuffisance alimentaire, en mécanisant l’agriculture, en distribuant des semences qui augmentent la productivité, en augmentant l’élevage au km2, en transformant les matières premières en produits finis, c’est-à-dire manufacturés, en modernisant les réseaux (routes, chemin de fer, voies aériennes) qui facilitent l’évacuation des produits vivriers et leur commercialisation afin de lutter contre les pénuries alimentaires en ville qui coïncident souvent avec le surplus agricole en province. Pour répondre aux besoins de la population en alimentation, il faut faire disparaître progressivement toutes les barrières afin de faciliter la circulation des produits agricoles et de les acheminer vers les nécessiteux.

L’intégration créera des compagnies minières régionales plus grandes et plus prospères. Ces compagnies régionales pourront ensuite créer une bourse des produits des pays côtiers de l’Afrique centrale sur le modèle de la Bourse de Johannesburg. L’industrialisation doit être encouragée, car elle permet de vendre des produits avec un label de qualité. Il est de notoriété publique que la plupart de pays situés au Sud du Sahara (à l’exception de l’Afrique du Sud) ont une capacité de production industrielle très faible. Comparativement aux pays de la SADC, de l’UMA et de l’UEMOA, les pays de l’Afrique centrale (CEEAC) et de la CAE connaissent en moyenne la part de l’industrie la plus basse dans le PIB (en %). Les nouvelles industries de nos deux pays ont intérêt de se regrouper dans des associations régionales pour mieux se protéger et se défendre contre la concurrence féroce des produits en provenance d’autres marchés, contre le dumping qui peut porter préjudice aux industries régionales naissantes.

Les avantages cités plus haut ne doivent-ils pas être à l’origine d’un empressement réel à créer une coopération avantageuse entre l’Angola et les deux Congo ? A l’intérieur du nouveau marché, la libre-circulation des marchandises entre nos trois pays s’accompagnera de la libre-circulation des facteurs de production, notamment du capital financier et des biens d’équipement (transfert de technologie par exemple). C’est en créant des emplois qui sont le moteur du développement et en formant la jeunesse aux nouvelles technologies que nos pays rendront leurs marchés solvables.

La réussite d’une telle ambition nécessite de voir à la tête de la RD, de l’Angola et du Congo-Brazza Congo des autorités politiques qui partagent la même vision de l’avenir. Cela est nécessaire pour sortir les trois pays d’Afrique équatoriale des contraintes de l’Etat importé tel qu’il a été décrit par Bertrand Badie. Les trois pays formeront le premier noyau des Etats-Unis d’Arique centrale. Les autres nations de la région viendront se greffer à ce premier noyau. C’est par ce moyen que les trois Etats résisteront contre les convoitises des Etats puissants qui pillent impunément les ressources naturelles des Etats faibles.

Les idées développées dans cet article se trouvent dans trois ouvrages de Fweley Diangitukwa, à savoir :

–         Géopolitique, intégration régionale et mondialisation, Paris, L’Harmattan, 2005 ;

–         La thèse du complot contre l’Afrique. Pourquoi l’Afrique ne se développe pas, Paris, L’Harmattan, 2010 ;

–         Stratégies pour la conquête, l’exercice et la conservation du pouvoir, Saint-Légier (Suisse), éd. Monde Nouveau/Afrique Nouvelle, avril 2011.


[1] Les Bakongo paient lourdement leur opposition au régime de Joseph Kabila.

[2] Hérodote, Revue de géographie et de géopolitique, « Géopolitique de l’eau », 3e trimestre 2001, no 102 (pp. 113-136) et Jacques Bethemont, Les grands fleuves, Armand Colin, 1999. Dans ce dernier livre, la question de la guerre de l’eau est développée à partir du chapitre 5, pp. 179-ss.

[3] Philippe Moreau Defarges, La mondialisation, Paris, PUF, 4e édition, 2002, p. 64.

[4] Collectif (sous la direction de Pascal Boniface), Les défis de l’Afrique, Paris, Dalloz, 2006, p. 196.

[5] L’armée congolaise est faible et divisée en tendances clientélistes et elle compte des effectifs pléthoriques et fictifs. La question à se poser est de savoir ce que le Congo qui n’a jamais réussi à bouter le Rwanda complètement hors de son territoire a à gagner avec la CEPGL dans un contexte d’incapacité et de dépendance de l’armée congolaise et ce que la RDC peut gagner en relançant cette communauté. Des voix sont montées au créneau pour dire que la CEPGL serait un espace qui garantirait la paix entre les pays membres. Il faut être naïf pour y croire, car il s’agit là d’un argument puéril difficile à soutenir par tout esprit lucide. Si la CEPGL n’a pas garanti la paix depuis sa création, il est utopique de croire qu’elle la garantirait en relançant cette organisation régionale. Dans les relations internationales, les pays nouent des alliances en fonction de leurs propres intérêts.

[6] Pour plus de détails sur les migrations africaines à l’intérieur du continent, avant et après 1350, lire Colin McEvedy, The Penguin Atlas of African history, Allen Lane, London, 1980.

[7] Pierre-François Gonidec, Les systèmes politiques africains, 3e édition, Paris, L.G.D.J., 1997, p. 97.

[8] Pour rapprocher la gestion et le fonctionnement de ces ports, il serait souhaitable d’adopter l’usage de documents communs pour toutes les transactions en douane et aux frontières, ainsi que le recours d’un guichet unique pour réduire les opérations et la durée de démarches au port.

[9] Jacques Ténier, Intégration régionale et mondialisation, La documentation française, no 70-71, Mai-juin 2003, p. 117.

[10] Jean-Claude Drouin, Les vrais maîtres de l’économie, Petit encyclopédie Larousse, 2004, p. 18.

[11] Commission économique pour l’Afrique, État de l’intégration régionale en Afrique, Une étude de la CEA, Addis-Abeba, 2004, pp. 174-175.

[12] Ibid., p. 172.

[13] Ibid., p. 173.

[14] Lire le Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo. Documents produits par des experts des Nations Unies.

[15] Affaire ELF, Omar Bongo : « Ma vérité », in Jeune Afrique. L’intelligent, no 2208, 43e année, du 4 au 10 mai 2003.

[16] Jean-Claude Drouin, Les vrais maîtres de l’économie, op. cit., p, 20. La précision entre parenthèses est de moi.

[17] Beaucoup de pays africains n’ont de souveraineté que de nom car celle-ci est constamment bradée et violée par les grandes puissances et, dans le cadre de la mondialisation, par les grandes entreprises transnationales. En réalité, que reste-t-il de la souveraineté des États africains ?

[18] Pour la CAE, lire la Revue Coopération Sud, 2003, PNUD, p. 65.

[19] La RD Congo et le Nigeria sont les deux pays aux dimensions régionales qui ne semblent guère privilégier l’intégration régionale. Il s’agit là d’une erreur grave, car des pays comme les États-Unis, l’Afrique du Sud, la Russie, la France, l’Allemagne sont devenus des moteurs de l’intégration régionale.