Crise congolaise : la voie de sortie
Par Fweley Diangitukwa
L’Accord Politique de MM. Edem Kodjo et Vital Kamerhe n’a aucune valeur car il n’a ni base juridique, ni base populaire, du fait que le quorum de juges n’a pas été atteint conformément à l’article 90 de la Loi organique de cette institution qui dispose : « La Cour ne peut valablement siéger et délibérer qu’en présence de tous ses membres, sauf empêchement temporaire de deux d’entre eux au plus dûment constaté par les autres membres ». Or, seuls cinq juges ont siégé au lieu de sept au minimum. Le Congo est maintenant entré dans une impasse totale et le pouvoir actuel n’a plus que la force pour s’imposer car il vient d’épuiser toutes les voies juridiques. Le rapport de l’Accord Politique est donc bon pour les archives car les juristes et les politologues sérieux n’y accordent aucune importance. Une page vient d’être tournée. Tout le monde a maintenant découvert le but cynique poursuivi par ceux qui ont bénéficié de largesses du Trésor public par un per diem substantiel. Comme pour les Concertations nationales, le peuple a encore été floué.
Nous avons déjà dit que les principaux concernés ne sont pas signataires dudit Accord Politique, à savoir le chef de l’Etat et la Commission Electorale Nationale Indépendante. N’étant pas liés par leur signature, ils peuvent ou ne pas respecter le contenu de cet Accord et changer d’avis en annonçant, par exemple dans une année, l’impossibilité d’organiser les élections en avril 2018.
En prévoyant de nommer un Premier ministre issu de l’opposition, l’Accord Politique a subtilement mis fin à la Constitution actuelle et appelle à la rédaction d’une nouvelle Constitution. L’Accord Politique est un piège à dénouer rapidement. Ce document ne peut pas et doit pas rencontrer l’assentiment du peuple congolais qui n’a pas été associé au dialogue (principe d’inclusivité).
Les politologues et les sociologues (spécialistes de la sociologie politique) ne parlent plus de rationalité absolue qui a été abondamment critiquée mais de rationalité limitée. Or, dans le cas du présent Accord Politique, les deux niveaux de rationalité n’ont pas été atteints (se référer aux auteurs suivants pour en savoir plus : Herbert A. Simon, Cyert et March, Charles Linblom, Gigerenzer, etc.).
Il reste deux voies de sortie : une mauvaise et une bonne.
La mauvaise consiste à voir le pouvoir actuel recourir à la force pour imposer l’Accord Politique qui n’a ni base juridique ni base populaire et obtenir ce qu’il n’a pas obtenu par la voie légale mais, en recourant à ce mauvais choix, il va renforcer son impopularité et son rejet par le peuple congolais. La bonne voie consiste à organiser un autre dialogue – inclusif cette fois – qui regroupera les membres du Rassemblement de l’Opposition et la Mouvance présidentielle (ainsi que ses nouveaux adhérents présents à la Cité de l’OUA) et la Société civile.
Pour éviter une perte de temps, la direction du dialogue inclusif sera confiée à une Organisation qui maîtrise le dossier congolais et qui sera assistée par des représentants de trois ou quatre Organisations internationales. Elle aura pour tâche principale de faire respecter la Constitution actuelle (article 220) et la Résolution 2277 de l’ONU et de tracer la voie de l’avenir pour éviter l’anarchie actuelle voulue par le pouvoir sortant. L’Eglise catholique serait un bon choix. La durée du dialogue doit, dans un tel cas, être réduite à plus ou moins deux semaines. D’une façon ou d’une autre, les acteurs qui ont été la cause du conflit ne peuvent pas être une solution au problème, ceci revient à dire qu’ils ne peuvent pas diriger la période de transition qui devra être courte.
L’observation de la journée ville morte décrétée par le Rassemblement de l’Opposition, le mercredi 19 octobre 2016, massivement suivie sur l’ensemble du territoire national et respectée même par les acteurs de la Mouvance présidentielle, est la preuve irréfutable du rejet du régime actuel par le peuple (lire notre livre publié en 2015 et intitulé Les Congolais rejettent le régime de Kabila, sous la direction de Fweley Diangitukwa, éditions Monde Nouveau/Afrique Nouvelle).
Cette seconde voie est la seule et unique solution pour sortir le pays de l’impasse actuelle. Il n’est pas sûr que ceux qui cherchent à se maintenir au pouvoir par la force aient gain de cause car, tôt ou tard, ils seront emportés par le vent populaire qui vient. Dans l’histoire, les armes (violence) n’ont toujours pas eu raison sur le choix du peuple. Le Congo d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier et le nombre de morts, de femmes et d’hommes arrêtés et emprisonnés arbitrairement, a aidé le peuple à mûrir et à être plus exigeant, plus déterminé et plus revendicatif. Il veut l’alternance le 19 décembre 2016 et rien d’autre. Qu’on la lui donne conformément à l’article 220 de la Constitution. C’est l’unique voie de sortie qui garantit le retour à la paix.
Nous devons placer, à la tête de la République, des femmes et des hommes qui ont véritablement le sens de l’Etat, qui respectent scrupuleusement la Constitution et qui savent rendre compte aux citoyens. Pour que la paix revienne, il est nécessaire que ceux qui n’ont pas voulu organiser les élections assument leur responsabilité en quittant pacifiquement le pouvoir le 19 décembre 2016 pour sauver la République.
Fweley Diangitukwa
Le 20 octobre 2016