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Face à un régime sans foi ni cœur, l’Église devient le dernier recours du peuple congolais en détresse

5 Fév

Face à un régime sans foi ni cœur, l’Église devient le dernier recours du peuple congolais en détresse

Par Fweley Diangitukwa

http://www.fweley.wordpress.com

Le 5 février 2018

Après un temps d’attente et d’observation, l’Église catholique a subitement décidé de mettre fin à sa façon de concevoir ses relations avec le pouvoir en place sans mandat légal, en refusant publiquement ses intransigeances politiques de subordination du théologique au politique. Elle a rejoint en définitive les positions des partis politiques dans l’opposition ainsi que les positions de la société civile et de la majorité du peuple congolais, victimes non consentantes depuis longtemps d’un pouvoir ingrat, incompétent, irresponsable, égoïste, médiocre, barbare et ignoble. En sortant de son silence, l’Église catholique plaide désormais son indépendance, celle qui avait opposé jadis le cardinal Malula au tyran Mobutu qui prêchait maladroitement un retour à l’authenticité alors qu’il fallait prêcher à la place un recours à l’authenticité. Deux positions qui recoupent un clivage politique traditionnel entre la défense inconditionnelle de l’ouverture démocratique voulue par le peuple via l’alternance au sommet de l’État et le statu quo voulu par un régime qui s’impose sans aucune légitimité. Pour le premier camp, la politique doit nécessairement se définir dans le respect de la Constitution en se concrétisant dans une volonté déterminée du peuple, qui est le peuple témoignant, dans son fonctionnement même, de son refus de subordination à un régime sans légitimité ni légalité. Pour le second camp, celui du régime en place (PPRD, partis alliés et laudateurs), le pouvoir doit avant tout être une soumission aveugle à l’autorité, même si cette autorité est arrivée à la fin de son second et dernier mandat (article 220 de la Constitution) et même si cette même Constitution demande au peuple congolais de « faire échec à un individu ou un groupe d’individus qui exerce le pouvoir en violation des dispositions de la Constitution » (article 64), comme c’est exactement le cas depuis décembre 2016. À ce titre, la position du second camp contredit superbement les exigences des institutions républicaines que revêt un État démocratique.

Dans cette confrontation épique, le premier camp exige simplement de veiller à ce que les institutions de la République garantissent le libre exercice du pouvoir, dans le respect du droit, et n’en contredisent pas les valeurs fondamentales. Pour l’Église catholique donc et pour les partis politiques dans l’opposition, l’autorité publique en laquelle s’incarne la liberté collective se doit de respecter les lois de la République et se soumettre à la volonté du peuple qui refuse d’être gouverné par défi et par un individu sans mandat. À ce stade, l’émancipation populaire recommande l’éradication de tout facteur de soumission et de servitude.

Dans cet affrontement épique, M. « Joseph Kabila » demande à l’Église de « rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». En clair, il exige médiocrement que l’Église se soumette à son pouvoir, même s’il n’a plus de mandat légal. À dire vrai, M. « Joseph Kabila » est dans une confusion mentale totale. N’est-ce pas lui qui a toujours recouru au soutien des hommes de l’Église en leur demandant de célébrer son mariage avec Olive Lembe afin de prétendre à la nationalité congolaise par le mariage ? N’est-ce pas lui qui a désigné l’abbé Malu Malu à la tête de la CEI puis de la CENI en lui demandant de présider l’organisation de l’élection présidentielle de 2006 et au Pasteur Ngoyi Mulunda de présider l’organisation de l’élection présidentielle de 2011 ? N’est-ce pas encore lui qui a supplié l’Église catholique (CENCO) de le sauver du pétrin dans lequel l’a laissé le faux négociateur togolais au nom d’Edem Kodjo ? Maintenant que l’Église catholique lui a définitivement tourné le dos, il demande aux catholiques de s’occuper des affaires de l’Évangile (de Dieu) et de tenir César (c’est-à-dire lui) loin de leurs préoccupations du moment. Que nenni ! Avancer une telle exigence revient à ignorer le fondement même de l’Église, c’est-à-dire sa mission au sein de la société. Le problème au cœur de la société congolaise se présente autrement ou plutôt différemment. Malgré la séparation qui est advenue, depuis le XVe siècle, entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, les deux ordres n’ont jamais cessé de se côtoyer et parfois de se soutenir, raison pour laquelle en pleine impopularité, il y a deux ans, nous nous en souvenons, M. « Joseph Kabila », encore président de la RD Congo, est allé lui-même rencontrer le pape à Rome, librement et sans autorisation du peuple congolais. C’est encore lui qui a confié à l’Église catholique le mandat de négocier une année supplémentaire avec les partis politiques dans l’opposition, et c’est cette négociation qui a accouché les Accords de la St-Sylvestre que M. « Joseph Kabila » et son régime ont jeté par les fenêtres en se maintenant au pouvoir par défi. Donc, la confusion entre ce qu’il faut rendre à César et à Dieu – si confusion il y a – a été voulue par celui-là même qui exige que l’Eglise rende maintenant à César ce qui lui revient, c’est-à-dire la reconnaissance de son autorité, sauf que celui qui l’exige ainsi refuse de reconnaître qu’il a cessé de jouir, depuis décembre 2016, de cette autorité venue du peuple. L’ignorance tue, ne cessons-nous de rappeler.

S’il revient à l’Église catholique ou à l’Église protestante – sinon à l’Église tout court (qu’elle soit catholique, protestante, kimbanguiste ou musulmane, c’est pareil) – « de maintenir vivante l’âme des pouvoirs de droit divin », il revient également à cette même Église de protéger ses croyants contre les dérives du pouvoir. Et lorsqu’il n’y a plus de limites ni d’autorités dans la République capables d’arrêter les abus du pouvoir[1], l’Église devient le dernier recours qui, de ce fait, a le devoir de rappeler la morale chrétienne. Il faut croire que M. « Joseph Kabila » ne le sait pas.

La Constitution de la RD Congo a voulu que l’exemple du pouvoir émane de la communauté des citoyens, c’est-à-dire du peuple, et, quand le peuple s’oppose, le pouvoir doit se soumettre. Or, nous sommes aux antipodes de cette réalité. C’est ce contexte qui donne un prodigieux retentissement à l’Église catholique et à l’Église protestante de sortir de la langue de bois et de dire au pouvoir (présentement sans légalité, sans légitimité et sans mandat) qu’il a outrepassé ses droits et qu’il est temps de revenir à la raison en évitant un bain de sang continuel et inutile. Tant que le pouvoir ne se soumettra pas aux lois de la République, l’Église se permettra de manifester publiquement sa vocation à moraliser l’espace public en fournissant la clé de voûte de l’ordre politique bafoué par ceux qui sont censés le respecter en premier lieu.

Si dans la hiérarchie des normes le pouvoir vient d’en haut ou du sommet (lire Kelsen), ce principe cesse d’être respecté lorsque le détenteur du pouvoir refuse de se soumettre à la Constitution. D’où l’origine de l’insoumission des peuples et des révolutions. Dans un tel contexte, le pouvoir vient d’en bas, il est une délégation du peuple et rien d’autre. Or, l’Église est une partie prenante de la société, elle est la représentante de sa conscience. Elle est ensuite le parti de la dénonciation sans concession des insuffisances et des mensonges des dirigeants dans une République des médiocres, des barbares, des impies qui violent sans remords les droits de l’homme.

Dans notre République, tout est devenu mensonge. Le ministre de l’information est devenu le ministre de la désinformation (un menteur public). Mensonge, lorsqu’on entend M. « Joseph Kabila » sans mandat électif depuis décembre 2016 déclarer publiquement : « Quand je vois ceux qui prétendent défendre la Constitution, je ne fais que m’éclater, c’est plus que rire. Ils défendent la Constitution aujourd’hui, une Constitution qu’ils avaient rejetée ». Tout le monde sait que le projet de cette Constitution avait été rédigé en Belgique et qu’il avait été âprement discuté à Sun City en Afrique du Sud entre les prétendants au pouvoir et les belligérants. M. « Joseph Kabila » ignore superbement que dans une République démocratique, les partis qui s’opposent à un projet de loi doivent l’accepter après son adoption au Parlement et au Sénat et sa publication dans le journal officiel. Par cette déclaration, M. « Joseph Kabila » a montré son ignorance crasse du fonctionnement d’un État de droit dans lequel il n’a jamais vécu. Son attaque frontale contre l’Église catholique est donc sans objet.

Mensonge, lorsque le régime prétend créer les conditions de stabilité, alors qu’il a installé partout la corruption, le pillage, l’enrichissement sans cause, l’impunité, l’emprisonnement et l’assassinat des innocents. Combien de Congolais sont déjà morts à cause de la tyrannie du régime Kabila ?

Mensonge grossier, lorsqu’il prétend que « les élections dans ce pays commencent à coûter plus cher que le développement », car les élections ont lieu une fois tous les 5 ans alors que le développement s’accomplit quotidiennement, 24 heures sur 24 et pendant 365 jours par an. « Joseph Kabila » mélange les pinceaux lorsqu’il ajoute bêtement : « Est-ce qu’il faut qu’on (État congolais) soit cité comme le pays le plus démocratique dans le monde ou bien c’est le développement qui compte ? ». Le disant ainsi, il fait la démonstration d’une ignorance crasse car les deux concepts (démocratie et développement) sont étroitement liés. Il n’y a pas durablement de développement sans démocratie ou, pour dire la même chose en d’autres termes, les pays développés sont les plus démocratiques ou encore inversement les pays réellement démocratiques sont les plus développés. Oui, médiocre, M. « Joseph Kabila » l’est et nous l’avons toujours dit sans nous cacher. Ceux qui ont rédigé son discours sont aussi médiocres que lui, car ils ignorent tous l’existence de nombreux livres sur le marché qui établissent la relation entre le développement et la démocratie et vice-versa.

Mensonge, lorsque M. « Joseph Kabila » prétend que ses amis (la précision est de taille) de la Monusco n’ont jamais réussi à éradiquer un seul groupe armé. Du reste, cette dernière lui a vertement répondu que « les relations entre l’État congolais et la Monusco sont devenues très mauvaises depuis la chute de M23 ». En termes clairs, les relations entre la Monusco et l’auteur de l’accusation sont se sont détériorées depuis qu’elle a défait le M23 sur lequel M. « Joseph Kabila » s’appuyait[2] pour déstabiliser l’Est du Congo. En plus, ô ignorance quand tu nous tiens solidement !, le rôle d’éradiquer un groupe de rebelles n’est pas une responsabilité de la Monusco mais bien celui de « Joseph Kabila » (FARDC) et de son gouvernement. Dans une République qui se respecte, c’est à lui-même qu’il aurait dû adresser le reproche qu’il a fait à la Monusco. Étant le premier commanditaire des violations des droits de l’homme à l’Est du Congo, et ne pouvant le reconnaître publiquement, il a préféré charger ses amis.

Mensonge, lorsqu’il prétend lutter pour l’union nationale, alors qu’il a installé partout la désunion, la discorde et la mort (Ituri, Bunia, Butembo, Kasaï, Kongo central, Kinshasa, etc.). Par rapport à ces atrocités criantes, l’Église devient justement, enfin, le dernier recours. Elle est le parti qui se donne authentiquement les moyens de hausser le ton pour défendre la cause du peuple sans arme afin qu’il impose, par des marches pacifiques, le respect des normes aux dirigeants qui ont tous perdu le sens de la raison et du droit que certains parmi eux enseignent aux futurs juristes[3]. De ce fait, elle, l’Église, doit être conséquente jusqu’au bout [j’ai plutôt voulu écrire jusqu’à la victoire], s’agissant de contraindre les autorités sans mandat depuis décembre 2016 à abandonner leur prétention de se maintenir coûte que coûte au pouvoir et à quitter définitivement ledit pouvoir [que les partis sans armes dans l’opposition échouent lamentablement à obtenir], car si l’Église s’arrête à mi-chemin, c’est tout l’édifice Congo qui s’écroulera. L’enjeu entamé est donc de taille. Sans doute cette mission de sauver la démocratie en péril – et donc de sauver la République en danger – reprise en filigrane dans les prêches du cardinal Monsengwo et du révérend François David Ekofo, Recteur de l’Université protestante, est l’accomplissement le plus mobilisateur depuis l’installation maffieuse de M. « Joseph Kabila » à la tête de notre pays en 2001. Cette nouvelle idéocratie venue de l’Église n’est autre chose qu’un appel ultime à la prise du pouvoir par des Congolais conscients et responsables qui ont un réel projet pour le Congo, loin de l’enrichissement rapide et illicite qui a longuement préoccupé les dirigeants sortants. Pour sauver la République, nous avons tous l’obligation de mettre absolument fin au conglomérat d’aventuriers venus de l’AFDL, du RCD-Goma et de CPP mais aussi aux laudateurs qui font le lit de la tyrannie.

« Joseph Kabila » a toujours tordu le cou à la Vérité. Il ne mérite pas qu’on lui fasse confiance, quelle que soit la circonstance. Tenez : en 2006, il a déclaré : « La Constitution, c’est sacré… J’ai donné ma parole d’honneur en promulguant cette Constitution, je n’y toucherai donc pas. Le pouvoir use. Il faut s’arrêter »[4]. Combien de fois a-t-il révisé la Constitution, passant de deux tours à un seul tour pour ne citer que cet exemple ? S’était-il arrêté comme il l’avait promis ? Il a promis au pape à Rome qu’il organiserait les élections la fin de 2017, l’a-t-il fait ? S’il ment le Saint-Père, qui d’autre peut-il encore respecter sur terre ? M. « Joseph Kabila » est un menteur invétéré qui doit être mis hors d’état de nuire. Il s’est enrichi rapidement et illicitement en mentant tout le temps et à tout moment. Aucune négociation n’est désormais permise avec lui.

« Que les médiocres dégagent » doit devenir notre credo politique et révolutionnaire, lequel est destiné à se faire pouvoir, pouvoir lui-même appelé à fusionner avec le peuple dans une gouvernance participative qui fera naître une pleine conjonction consciente du peuple entier avec lui-même pour un renouveau démocratique. Ce dessein de faire dégager les médiocres pour que les plus compétents viennent repose entièrement sur ce que le peuple se propose de détruire définitivement, à savoir la médiocrité et le mensonge au sommet de l’État. Ce message, qui sert de repoussoir, est ce qui fournit le levier aux plus démocrates des Congolais. Que les meilleurs gagnent, dirons-nous en guise de requiem pour les millions de morts que la médiocrité a envoyés précocement dans l’au-delà. Requiem aeternam dona eis [donne-leur le repos éternel]. Le tour des bourreaux viendra aussi un jour, car la roue de l’histoire ne peut pas s’arrêter de tourner. À chacun son tour. Demain, les Congolais reconstruiront un autre pays. Oui, pour sûr, le Congo renaîtra.

Fweley Diangitukwa

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[1] Malgré le nombre de morts à chaque marche pacifique, la Cour de justice ne s’est jamais prononcée parce qu’elle est complètement inféodée à ce régime sans mandat. Elle ne peut pas poursuivre judiciairement les organisateurs des troubles et les assassins des Congolais ni les condamner parce qu’elle est étroitement complice.

[2] En y injectant des soldats rwandais qu’il a régulièrement intégrés dans l’Etat-major des FARDC afin de lui ôter toute efficacité combattante. Selon la Monusco, les opérations dans l’Est du Congo seraient sans doute moins compliquées s’il n’existait pas de liens entre les groupes rebelles et certains officiers de l’armée congolaise. Si « Joseph Kabila » était sérieux, il se serait donné la mort après cette grave accusation car l’État-major et la Cour pénale l’aurait automatiquement mis en poursuite pour haute trahison, du fait que la Monusco a officiellement déclaré sa complicité avec les ennemis du Congo. C’est la preuve que l’État n’existe plus au Congo.

[3] Dans le régime qui vient, tous ceux qui ont pactisé avec la tyrannie sous le régime du maréchal Mobutu et sous le régime de « Joseph Kabila » doivent être mis hors d’état de nuire après un jugement en bonne et due forme, en les interdisant d’exercer toute fonction étatique, et à tous les niveaux (du sommet de l’État jusqu’aux fonctions de bourgmestre) pendant 20 à 30 ans afin qu’ils n’empoisonnent pas la bonne marche des affaires de l’État. Quant aux juristes du PPRD qui enseignent le droit à l’université, ils doivent être interdits d’enseigner le droit (dans les universités publiques comme dans les universités privées) sur toute l’étendue de la République jusqu’à la fin de leur vie pour épargner la jeunesse de leur manière erronée d’interpréter les textes de droit en faveur de la tyrannie. Les laudateurs doivent subir le même sort pour leur complicité avec la tyrannie. Il faut mettre définitivement fin à la révolution-pardon maladroitement initiée par Laurent-Désiré Kabila.

[4] François Soudan, « RDC : Joseph Kabila, cartes sur tables », in http//www.jeuneafrique.com

Les propos de Riccardo Petrella sur les guerres occidentales dans les pays pauvres

13 Déc

L’Italien Riccardo Petrella, professeur à l’Université de Louvain, a déclaré ce qui suit pour expliquer les guerres occidentales dans les pays pauvres :

« Nous (Occidentaux), on est riches parce que nous sommes en train d’appauvrir l’Afrique de nouveau, l’Amérique latine et l’Asie. Nous sommes, nous, responsables de ces millions de morts […] Les Guerres qu’on est en train de faire, c’est quoi ? Ce n’est pas parce qu’ils nous ont attaqués ? Qui ? Quand Sarkozy a bombardé la Libye, aucun Libyen n’avait attaqué la France. Quand les Américains ont bombardé Bagdad ou l’Irak, parce que c’était l’ennemi du mal. Et tous ces millions qui sont morts et tous ces millions de réfugiés syriens, irakiens, etc. ! Est-ce que ce sont eux qui l’ont voulu ? Et nous (Européens), on a le courage de dire : « je veux t’aider pour rester chez toi » alors qu’on leur a créé des conditions pour qu’ils fuient (leur pays) et nous on va dire : je donne six milliards à la Turquie, deux milliards aux Libyens pour pouvoir retenir les gens qui viennent d’Afrique où on est en train d’alimenter les guerres. Mais il faut arrêter de raconter des balivernes ici. Il faut arrêter. Et nous sommes en train de créer la guerre […] La guerre ne se fait plus parce qu’on tue l’ennemi. La guerre est devenue, grâce à la technologisation – elle l’était aussi avant – elle est devenue l’activité économique la plus rentable après l’industrie pharmaceutique et l’industrie informatique. On fait la guerre parce que c’est rentable. Et si nous ne changeons pas nos dirigeants […] on fera la guerre […] D’ici quelques années, si vous éliminez la guerre, le PIB mondial chutera, d’après le système dominant. Il ne chutera pas si on est dans un autre système. Au contraire, la disparition de la guerre sera une source de richesse. C’est pour cela que les dominants, à l’heure actuelle, ne veulent pas réduire les armements et les occasions de guerre parce que […] imaginer la France sans la guerre, que serait l’économie de ce pays, imaginer les États-Unis sans la guerre, ce serait un pays pauvre. Donc, aujourd’hui, on est dans une phase où l’on fait la guerre, parce que c’est rentable et vous n’aurait aucun dirigeant actuel du monde qui arrêtera la guerre parce qu’il sera crucifié, parce qu’il sera lapidé du fait qu’il va contre la logique [générale]. La guerre fait augmenter le PIB mondial, la guerre permet la croissance économique (des pays riches). Et on suppose que si on fait la guerre (aux pays pauvres), on augmente la création d’emplois chez nous (en Occident) »[1].

Toutes les guerres que les grandes puissances mènent contre les pays d’Asie et d’Afrique répondent à la même logique d’enrichissement économique rapide et illicite. Là où les pays occidentaux ne peuvent pas eux-mêmes mener directement la guerre pour ne pas perdre leurs propres soldats, ils passent par leurs affidés, comme dans le cas du Congo-Kinshasa où la mission de piller les ressources naturelles a été confiée aux mercenaires rwandais Paul Kagame et ougandais Museveni. Le monde entier sait que les Africains des Grands Lacs entre-tuent à l’Est de la RDC pour défendre les intérêts des grandes puissances et des firmes multinationales impliquées dans le pillage de ce pays mais rien n’est fait pour arrêter cette sale guerre. Même  les Nations unies défendent les intérêts des Occidentaux contre ceux des Congolais. D’une année à l’autre, les atrocités et le nombre de victimes augmentent. Depuis décembre 2016, la RDC est dirigé par un chef d’Etat sans légalité et sans légitimité parce que celui-ci est arrivé à la fin de son mandat, Malgré cela, toutes les Organisations internationales ferment les yeux pour ne pas déplaire aux puissances occidentales qui pillent la RDC.

[1] L’intégralité de cette interview se trouve sur le site « pour écrire la liberté » : https://www.pour.press/trois-questions-a-riccardo-petrella/

Les Nations unies sont incapables d’assurer la paix du monde

10 Déc

Les Nations unies sont incapables d’assurer la paix du monde

par Fweley Diangitukwa (extrait d’un livre à paraître en 2018)

Les Américains et les Britanniques ne doivent pas être fiers de ce qu’ils ont fait en Irak même s’ils ont réussi à tuer Saddam Hussein par pendaison publique, de la même façon, les Français ne doivent pas être fiers de ce qu’ils ont fait en Côte d’Ivoire même s’ils ont réussi à envoyer Laurent Gbagbo à la CPI et de ce qu’ils ont fait en Libye même s’ils ont réussi à humilier et à tuer Kadhafi. La guerre n’a jamais été une solution. Elle ne l’est pas et elle ne le sera jamais.

Quelle est donc la bonne solution pour sortir le monde de la guerre perpétuelle ? Pour répondre à cette question, il faut d’abord se demander : quel a été le rôle de l’ONU dans l’éclatement de l’ex-Yougoslavie ? Au Kosovo, la transformation de la province en protectorat de l’ONU, dépendant du financement international, constitue-t-elle vraiment un modèle de règlement pour les tensions interethniques qui peut être transféré ailleurs ?

Tzvetan Todorov écrit : « De nombreux Afghans hier, Irakiens aujourd’hui, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, ont souhaité une intervention étrangère pour chasser les détenteurs détestés du pouvoir. Mais étaient-ils prêts à assumer toutes les conséquences de leur geste ? Imaginons-les devenus, demain, les dirigeants d’un nouveau gouvernement : accepteront-ils que le destin de leur pays soit décidé ailleurs que chez eux ? Que les puissances étrangères les déposent quand leur politique cesse de leur plaire ? Autrement dit, sont-ils prêts à se soumettre demain à une règle qui les lèse – cette même règle qui, aujourd’hui, tourne à leur avantage ?[1] » Le même Tzvetan Todorov précise :

« Nombreux sont les massacres que l’ONU n’a pas su ou voulu empêcher : génocides au Cambodge et au Rwanda [aussi en RD Congo, c’est nous qui ajoutons], tueries massives au Soudan et en Éthiopie, guerres civiles en Angola et en Sierra Leone […] Les raisons ponctuelles sont diverses, mais leur origine est commune : l’inefficacité d’une organisation qui ne dispose pas d’une force propre, mais doit emprunter celle des pays particuliers. À quoi s’ajoute la lourdeur inévitable d’une machine bureaucratique lointaine et les divergences d’intérêts des pays membres, toujours prêts à lui mettre des bâtons dans les roues[2]. »

Dans beaucoup de situations, les Nations unies se soumettent aux décisions des États-Unis et, en le faisant, elles montrent son degré de servilité. Et lorsqu’il arrive que les Nations unies expriment leur indépendance, les États-Unis quittent tout simplement l’Organisation qui les dérange, comme ils viennent de le faire en ce mois d’octobre 2017 en quittant l’UNESCO[3]. Élève fidèle, Israël a suivi la décision américaine en quittant aussi l’UNESCO. Ceci montre clairement que les Nations unies ne sont pas indépendantes mais dépendantes des grandes puissances qui financent son fonctionnement. Sur ce sujet le journal français Le Figaro a écrit le 12 octobre 2017 : « Washington accuse l’institution d’être anti-israélienne. Les États-Unis ont annoncé jeudi leur retrait de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco).‘Cette décision n’a pas été prise à la légère, et reflète les inquiétudes des États-Unis concernant l’accumulation des arriérés à l’Unesco, la nécessité d’une réforme en profondeur de l’organisation, et ses partis pris anti-israéliens persistants’, a précisé le département d’État dans son communiqué. Washington avait déjà suspendu sa participation financière en 2011 après l’admission de la Palestine comme État membre. Cette nouvelle décision de retrait ne sera effective qu’au 31 décembre 2018. Washington avait déjà quitté l’Unesco entre 1984 et 2003[4]. » En guise de réponse à la démission des États-Unis de l’agence onusienne, la directrice générale de l’organisation, Irina Bokova, a regretté profondément la décision des États-Unis. Elle a dit : « L’universalité est essentielle à la mission de l’Unesco pour construire la paix et la sécurité internationales face à la haine et à la violence, par la défense des droits de l’homme et de la dignité humaine ». Elle a ajouté dans un communiqué : « C’est une perte pour la famille des Nations unies. C’est une perte pour le multilatéralisme »[5].

Le gouvernement américain garde les prisonniers politiques non pas dans les prisons de leur pays en Afghanistan ni dans des prisons américaines mais en dehors des États-Unis, à la base militaire de Guantánamo à Cuba où le respect des droits de l’homme n’ont pas la cote. Dans cette prison, selon le New York Times du 12 mars 2003, les prisonniers subissent « la privation de sommeil et de lumière, la suspension temporaire de nourriture, d’eau et de soins médicaux ». Un traitement qui n’est pas loin de la torture puisque les techniques habituelles de « pression » incluent le fait de « couvrir la tête des suspects avec des capuchons noirs pendant des heures, sans interruption, les forcer de rester debout ou agenouillés dans des positions inconfortables par grosse chaleur ou gros froid ». Un pays qui défend la démocratie doit-il agir ainsi même si le but de ces atrocités est « d’extorquer des aveux pour empêcher des attentats à venir »[6].

Il reste à réfléchir sur l’exercice du pouvoir au niveau international. À propos, Tzvetan Todorov dit : « Le pouvoir est l’expression légale de la volonté populaire. »[7] Déjà, au XVIIIe siècle, Montesquieu avait dit : « Tout pouvoir sans bornes ne saurait être légitime. » (Lettres persanes, lettre 104).

La grande rupture dans les relations internationales a commencé avec la guerre en Afghanistan et en Irak car les grandes puissances, en l’occurrence les États-Unis et la Grande-Bretagne, ont refusé de se soumettre au droit international. Tzvetan Todorov précise :

« Au moment de déclencher la guerre contre l’Irak, les États-Unis ont traité les conventions internationales avec beaucoup de désinvolture. Il faut dire que leurs intentions avaient été clairement formulées dans The National Security. On pouvait y lire en effet : ‘Bien que les États-Unis soient prêts à déployer tous les efforts pour obtenir le soutien de la communauté internationale, nous n’hésiterons pas à agir seuls, si nécessaire’. Autrement dit : la légitimité accordée par l’ONU est un camouflage – souhaitable mais non nécessaire – de la force. L’effet négatif de telles déclarations est difficile à mesurer[8]. »

La position américaine voulait tout simplement dire que le droit international est fait pour les pays faibles qui ont l’obligation de l’observer en y obéissant tandis que les grandes puissances peuvent le transgresser allègrement pour satisfaire leurs ambitions et elles agissent ainsi sans subir la moindre conséquence négative. Dans toutes les situations de guerre, l’ONU a toujours été soumise à la volonté des grandes puissances. La preuve réside dans le fait qu’aucune puissance n’a jusqu’à présent été poursuivie par les Nations unies, parce que celles qui transgressent le droit international sont membres du Conseil de sécurité. Comme les États-Unis sont le pays le plus puissant du monde, ils méprisent les autres et font souvent ce qu’ils veulent. Il faut donc penser qu’un monde unipolaire est beaucoup plus dangereux qu’un monde bipolaire[9] et un monde bipolaire est préférable à un monde multipolaire où les différents États puissants sont condamnés à une confrontation permanente pour occuper la meilleure position par rapport aux autres[10]. L’équilibre des forces entre deux superpuissances n’est-elle pas finalement préférable pour la paix du monde ? La montée de la Chine qui a la tradition de ne pas mener de guerres de conquête et de guerres préventives ni à exporter sa foi religieuse augure un avenir où l’exercice du pouvoir au niveau international sera certainement autolimité par l’équilibre des forces en présence.

On sait que le droit international n’a pas la même efficacité ni le même respect que le droit national mais, comme le disait Monsieur Villepin, le 27 mars 2003, devant l’Institut international d’études stratégiques à Londres, les « normes collectives doivent viser à contenir l’emploi de la force [car] seul le consensus et le respect du droit donnent à la force la légitimité nécessaire [oui] la force doit être mise au service du droit ».

Le même Villepin déclara, le 13 mai 2003, au journal Le Monde : « Le rôle de l’ONU est plus que jamais irremplaçable [car] les Nations unies incarnent une conscience universelle au-dessus des États » avant d’ajouter : l’ONU doit conduire « vers la constitution d’une démocratie mondiale ». Pour y parvenir, les États du monde doivent s’employer à bannir le recours à la force en le remplaçant par le recours constant au droit. L’anarchie règne dans les relations internationales parce que les Nations unies n’ont pas une force armée (neutre) supérieure aux forces armées des États membres à laquelle ils doivent se soumettre. L’anarchie règne dans les relations internationales parce que le droit international est inférieur à la puissance militaire des grandes puissances. Pour parvenir à la paix universelle qui serait supérieure à la paix des peuples, la force doit être jugulée par le droit et les pays membres doivent parvenir à abolir le « droit de veto » attribué aux cinq membres permanents parce qu’il donne des privilèges aux uns et n’en donne pas aux autres[11].

Maintenant qu’il est prouvé que les Nations unies sont incapables d’assurer la paix du monde, que doit-on faire ?

Certes, en cas de guerre d’une grande ampleur, il faut favoriser le recours à une force diplomatique, mais cette force doit agir sous l’égide des Nations unies, c’est-à-dire qu’elle doit être une force multilatérale. C’est la communauté internationale dans son ensemble qui doit être mobilisée et intervenir, pas uniquement les pays membres de l’OTAN avec le soutien d’Israël. Au final, il faut créer une armée plus puissante que les armées nationales qui agira, en cas de conflit armé, sous le contrôle des Nations unies. En plus, tout État qui violera le droit international et une résolution des Nations unies sera exclu de toutes les Organisations de l’ONU. De ce fait, un tel État ne pourra plus commercer avec les autres pays du fait de son exclusion de l’OMC. C’est en se liguant contre les États belliqueux que la paix mondiale reviendra.

Pour mettre fin au terrorisme international sous toutes ses formes et pour assurer la paix universelle, il est indispensable d’agir sur différents plans, notamment juridique, politique, militaire et économique. Mais, pour cela, il faut d’abord abolir l’actuel Conseil de Sécurité (y compris le droit de veto réservé uniquement aux seuls cinq États victorieux de la Seconde Guerre mondiale) et le remplacer par le Conseil de Sécurité de tous les États membres.

[1]Tzvetan Todorov, Le nouveau désordre mondial. Réflexions d’un Européen, Paris, éditions Robert Laffont, 2003, p. 44.

[2] Ibid., pp. 67-68.

[3] Il est important de rappeler que les États-Unis ne se soumettent jamais aux exigences que leurs adressent les Commissions internationales (mêmes si elles ont été créées par l’ONU) lorsqu’elles sont contraires à leur objectif.

[4] http://www.lefigaro.fr/international/2017/10/12/01003-20171012ARTFIG00211-les-etats-unis-se-retirent-de-l-unesco.php

[5] Ibid.

[6] Tzvetan Todorov, Le nouveau désordre mondial, op. cit., p. 50.

[7] Ibid., p. 57.

[8] Ibid., p. 58.

[9] États-Unis–Chine ou États-Unis–Russie.

[10] Cette liste reproduit les pays les plus armés dans le monde : https://www.facebook.com/1801051863514533/videos/2044803142472736/

[11] Avec le « droit de veto », l’injustice a été institutionnalisée au niveau international car les cinq membres permanents du Conseil de sécurité sont non seulement exempts des obligations pesant sur les autres mais en plus ils peuvent imposer leur veto sur toute résolution les concernant. Ceci revient à dire que la justice au niveau international n’existe pas.

Dix questions au professeur Fweley Diangitukwa par Freddy Mulongo

13 Oct

Réponses de Fweley Diangitukwa (politiste et professeur des universités) aux dix questions posées par le journaliste Freddy Mulongo

de Radio FM International

Publication (1ère Partie avec photos et illustrations)

http://www.reveil-fm.com/index.php/reveil-fm.com2017/10/10/6197-10-question-a-fweley-diangituka-professeur-chercheur-et-ecrivain

Publication (2ème Partie avec photos et illustrations )

http://www.reveil-fm.com/index.php/reveil-fm.com2017/10/12/6203-10-questions-a-fweley-diangitukwa-professeur-chercheur-et-ecrivain-suite-et-fin

 

Texte sans photo et sans illustration

 

  1. Quelle est votre analyse sur ce qui s’est passé à la 72e Assemblée Générale des Nations unies à New York ? Alias Joseph Kabila a prononcé son discours dans une salle vide, pendant que les Congolais scandent dehors « Kabila must go ». Est- ce que c’est le début de la fin ou plutôt la descente aux enfers ?

La 72e Assemblée Générale des Nations unies à New York a été un échec cuisant du régime actuel, car l’ex-président de la RD Congo a prononcé son allocution devant une salle vide. Ce mauvais présage est non seulement le début de la fin mais aussi la descente aux enfers des gouvernants actuels. C’est le résultat de l’amateurisme et du manque de respect de la Constitution. Les autorités, en particulier l’ex-président Joseph Kabila illégal et illégitime, sans mandat depuis le 20 décembre 2016, en accord avec les services de renseignement et les diplomates du ministère des Affaires étrangères ont voulu jouer au malin. Se sachant sans mandat électif, Joseph Kabila a organisé l’insécurité dans le grand Kasaï pour justifier sa présence au pouvoir et se rendre ainsi indispensable. Après un long pourrissement de la situation, dans l’intention de se rendre crédible et fréquentable avant son allocution aux Nations unies, il s’est d’abord rendu dans le Kasaï pour, soit disant, « pacifier » les membres de Kamuina Nsapu dans leurs relations avec les forces armées congolaises. Entre-temps, il a envoyé une délégation à New York pour préparer son arrivée et vendre son image en faisant croire que : « l’actuel président du Congo est la seule autorité capable de résoudre les massacres dans le Kasaï » et « il doit rester au pouvoir pour éviter l’écroulement du Congo ». Fort de cette stratégie, M. Kabila s’est rendu à New York en perdant de vue que l’Assemblée Générale fonctionne sur la base du droit international, même si au-delà, c’est l’anarchie qui règne dans les relations internationales. La communauté internationale a publiquement manifesté son profond désaccord avec le président par défi de notre pays, il appartient maintenant au peuple congolais d’exiger le départ immédiat de cet président sans mandat, sans légalité et sans légitimité.

Aux Nations unies, à New York, les membres de l’Assemblée Générale ont vu en la personne de Joseph Kabila un président illégal et le responsable direct de l’assassinat barbare de Madame Zaida Catalan et de Monsieur Michaël Sharp, tous deux enquêteurs de l’ONU envoyés en RDC pour faire la lumière sur les massacres dans le Kasaï. Pour l’Assemblée Générale, Joseph Kabila est responsable parce qu’il a refusé – par la voix de ses ministres de la Justice et des Affaires étrangères – qu’une enquête sérieuse soit menée par des experts des Nations unies. À ces deux principales raisons, il faut rappeler le Rapport Mapping très accablant pour le régime parce qu’il y est décrit les massacres qui ont été commis tout au long du régime actuel. Très attentifs à ce qui se passe en RDC, les représentants des Nations réunis à New York ont simplement séché l’allocution de M. Kabila (à cause de son illégalité et de son illégitimité depuis décembre 2016) comme des étudiants qui sèchent un cours pour protester contre un professeur qu’ils jugent incompétent.

Les images qui ont été diffusées à cette occasion ont complètement détruit l’image de notre pays. Les diplomatiques de la RD Congo, envoyés à New York pour préparer l’arrivée de leur chef, ont habillé des clochards, des chômeurs et des étudiants ouest-africains de l’effigie de Kabila parce que les Congolais ont refusé de souiller l’honneur de leur pays en portant des vareuses avec l’effigie de Kabila. C’était très honteux de constater que ceux qu’ils ont habillés en Congolais étaient incapables de prononcer un seul mot dans une des langues parlées dans notre pays De nombreux Congolais qui se sont rendus devant le siège des Nations unies scandaient leur mécontentement (« Kabila must go ») et rappelaient les crimes commis par le régime actuel. Le comble de cette humiliation publique est arrivé au moment de l’allocution de M. Kabila devant une salle vide, désertée par les diplomates. Il n’y avait que la présence d’à peine quelques officiels congolais. Notre pays ne le méritait pas mais c’était, hélas, nécessaire pour que Kabila et son équipe se rendent compte à quel point ils sont vomis par la communauté internationale. Même les diplomates africains n’ont pas été solidaires avec le président par défi de la RD Congo.

Un tel degré de boycott est une preuve irréfutable de la fin de ce régime tyrannique, sadique, satanique et responsable de plus de 10 millions (certaines sources parlent de 14 millions) de morts dans notre pays. C’est horrible. Il appartient maintenant au peuple congolais de montrer la porte de sortie à ce régime illégal et illégitime. La situation que nous vivons en est une première depuis notre indépendance. Comment comprendre et explique que les universitaires qui sont autour de Kabila sont incapables de respecter la Constitution sinon de démissionner pour manifester leur désaccord ?

  1. Les machines numériques pour une hypothétique élection sans publication du calendrier électoral, est-ce que cela est possible ? Corneille Nangaa et la CENI ont-ils la confiance des Congolais ? Aurons-nous l’élection présidentielle fin 2017 ?

Je vis en Suisse depuis plus trois décennies. C’est le pays de Rousseau et de Calvin. En plus, il est le siège des Nations unies mais la Suisse qui pratique les valeurs démocratiques avec rigueur a toujours refusé de recourir au vote électronique à cause de l’incertitude qu’un tel vote entraîne. La Suisse réunit tous les atouts en matière d’infrastructures routières, de communication et de moyens informatiques (ce pays possède deux des plus prestigieuses universités polytechniques au monde (Zürich et Lausanne) mais la Suisse refuse de recourir au vote électronique. Ce type de vote est toujours à l’essai et il sera progressivement introduit à partir de 2019 (lire le contenu de ce lien :

https://www.egovernment.ch/fr/umsetzung/schwerpunktplan/vote-electronique/).

« Le vote non dématérialisé est une solution éprouvée depuis des siècles, et truquer une élection, sans que ce soit le fait du pouvoir en place, est très compliqué à mettre en œuvre. Or, pour l’instant, aucune garantie suffisante ne peut être apportée pour le vote numérique. » (in https://www.geekactu.fr/2016/11/vote-electronique-dangereux/).

Que peut-on penser de la RD Congo où tous les avantages de la Suisse sont absents et où la panne d’électricité est une réalité permanente mais qui choisit de recourir au vote électronique ?

Avant de choisir le vote électronique, le régime actuel a d’abord lancé l’idée d’un scrutin indirect que nous avons détruite en avançant des arguments solides, en démontrant qu’une telle élection est organisée dans des pays fédéraux alors que le scrutin direct est indispensable dans des pays unitaires, car le chef de l’État doit absolument avoir une assise populaire sur toute l’étendue de la République pour éviter sa contestation. Il est écrit dans le livre de Guillaume BERNARD, paru aux éditions Studyrama et intitulé : Droit constitutionnel et institutions politiques, au chapitre IV intitulé « Les principaux régimes étrangers occidentaux », à la page 248 :

« Des légitimités politiques en fonction de la forme de l’État.

  1. Un scrutin direct pour un État unitaire
  2. Un scrutin indirect pour un État fédéral. »

En général, le scrutin direct est lié au fonctionnement d’un État unitaire car le chef de l’État doit être élu au suffrage universel direct par l’ensemble du peuple pour créer sa majorité et obtenir la popularité que le suffrage universel direct lui confère. Le scrutin indirect est lié à la forme d’un État fédéral dans lequel il y a un Gouverneur à la tête de chaque État fédéré. Les grands électeurs des partis politiques dans chaque État élisent le chef d’État au scrutin indirect. Celui-ci représente les États fédérés dans la politique étrangère de son pays. Ce détail est capital car il détermine le reste de la réflexion sur les modes de scrutin et sur leur déroulement. En effet, il y a plus d’inconvénients dans le scrutin indirect que d’avantages pour l’élection d’un chef d’État. Lire : https://fweley.wordpress.com/wp-admin/post.php?post=1585&action=edit

N’ayant pas trouvé des arguments solides à opposer aux nôtres, le régime de Kabila y a renoncé pour privilégier le vote électronique qui facilite les fraudes, car il suffit d’introduire un simple petit logiciel dans le serveur pour que le candidat préalablement choisi soit déclaré élu, non par le peuple mais par la machine. Les résultats seront présentés au peuple comme étant les résultats effectifs de leur choix. Les éléments contenus dans cette vidéo (https://www.youtube.com/watch?v=K_4r–K3biA) expliquent les raisons pour lesquelles ce type de vote n’est pas recommandable aux pays africains et surtout pas en RD Congo qui a déjà connu deux fraudes électorales en 2006 et 2011.

Monsieur Corneille Nangaa est au service du pouvoir, il n’y a aucun doute à cela. Vous voulez une preuve ? Il n’a pas convoqué le corps électoral en date du 01 octobre 2017, conformément à l’article 73 de notre Constitution qui stipule que « le scrutin pour l’élection du Président de la République est convoqué par la Commission électorale nationale indépendante, quatre-vingt-dix jours avant l’expiration du mandat du Président en exercice ». Dans ces conditions, les Congolais ne peuvent pas avoir confiance en la personne de M. Nangaa. Seuls ceux qui sont derrière le régime de M. Joseph Kabila, qui est sans mandat, les soutiennent encore par intérêt pour protéger leurs avantages mais ils savent en âme et conscience que le pays est dans une mauvaise direction, car la Constitution est régulièrement bafouée et la corruption règne en maîtresse.

Sommes-nous prêts à confier l’avenir de notre pays à une machine ? Qu’arriverait-il si, après avoir dépensé beaucoup d’argent public et demandé aux électeurs de se déplacer pour participer au vote, un virus contamine les machines informatiques le jour précédant le vote ou s’il y a une longue panne d’électricité ? Si nous sommes sérieux, nous devons trembler devant le risque d’utiliser un tel système de vote.

Nous pensons que le vote électronique est un canular qui sert à gagner du temps en retardant davantage l’organisation de l’élection présidentielle.

  1. D’après vous, quelles sont les vraies raisons de l’invalidation des passeports semi-biométriques ?

Quels que soient les arguments que l’État congolais et en particulier le ministère des Affaires étrangères pourront avancer, la question du passeport biométrique relève d’une arnaque organisée. Si le passeport congolais est parmi les plus chers au monde, le Gouvernement vient d’opérer une nouvelle escroquerie en changeant le passeport semi-biométrique en passeport biométrique. Ce problème soulève une question de responsabilité. Pour émettre un document officiel, un État ou une entreprise prend toutes les précautions pour éviter des poursuites judiciaires. Donc, si l’État congolais n’a pas pris toutes les précautions, il est fautif et il doit dédommager les bénéficiaires en remplaçant gratuitement leurs passeports actuels par de nouveaux passeports biométriques. Voilà comment devrait fonctionner notre État s’il respectait ses citoyens. Doit-on penser que le Gouvernement était malintentionné en faisant circuler des passeports ne correspondant pas aux normes internationales avec l’intention d’interdire leur utilisation après quelques années plus tard et de vendre ainsi plus facilement les passeports biométriques ? On sait qu’aujourd’hui, tous les pays n’utilisent pas ce genre de passeport, pourquoi devient-il obligatoire à trois mois de fin du régime actuel ? « Il n’existe aucune spécification de l’OACI qui concerne le passeport semi-biométrique congolais. Le critère majeur au niveau de l’espace international, c’est la lisibilité du passeport à la machine suivant l’exigence des NTIC », a soutenu le député Juvénal Munubo de l’UNC, évoquant l’utilisation des passeports biométriques toujours en cours dans des nombreux pays comme la France. Voilà le hic, voilà là où le bât blesse. En plus, si l’État Congolais a constaté la multiplication d’actes illégaux, criminels de contrefaçons des passeports semi-biométriques, à qui la faute lorsqu’on sait que les citoyens congolais ne fabriquent pas des documents officiels ? Pour quelle raison l’État congolais ne cherchait-il pas à arrêter d’abord ces faussaires qui sont certainement parmi les réseaux mafieux du gouvernement ? Qui est en défaut et qui organise la contrefaçon ? Le vendeur (État congolais) ou les bénéficiaires (détenteurs de passeports) ? Pourquoi le ministère des Affaires étrangères ne remonte-t-il pas la filière pour mettre la main sur le réseau criminel de contrefaçons ? Lorsqu’une voiture est vendue avec un défaut, l’usine rappelle la voiture et prend en charge le changement de la pièce en défaut. Pourquoi l’administration des Affaires étrangères n’applique-t-elle pas cette logique ?

Il faut dire que la vente de passeports est la principale source d’enrichissement du ministère des Affaires étrangères. Il n’est pas étonnant qu’on arnaque les Congolais en créant un nouveau vrai faux passeport semi biométrique pour le remplacer par un passeport biométrique, sinon pour quelle raison n’a-t-on pas fait sortir directement le passeport biométrique sans passer par le semi-biométrique ? On voit bien qu’il y a quelque chose de louche qui se résume par la recherche du lucre. Après les fausses cartes d’électeurs en circulation, voici les passeports congolais qui ne répondent pas aux normes internationales ! Mais dans quel pays sommes-nous ? En vérité, les raisons de ce nouveau passeport sont à trouver ailleurs : dans le besoin de s’enrichir car les Congolais de l’étranger sont continuellement considérés comme des vaches à lait par ceux qui sont au pouvoir. Ils sont contraints d’avoir ce document délivré uniquement par l’État. De ce fait, les escroquer devient une opération facile.

Le changement de ce passeport semi biométrique au passeport biométrique pose un problème (1) de faisabilité (certains passeports en circulation portent de visa de longue durée), (2) de durée (en combien de temps le ministère des Affaires étrangères sera-t-il capable de remplacer les passeports de tous les concernés) et (3) de coût (l’État remboursera-t-il le coût aux porteurs de passeports valides du fait qu’ils ne sont pas fautifs) ? Dans le cas contraire, qui paiera le coût de la corruption perçu par les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères ? Autant de questions sans réponse qui renforcent la complexité de la démarche.

  1. La classe politique est facilement corruptible, elle est médiocre et ventriote. Comment en sommes-nous arrivés là ? D’aucuns disent que nous n’avons que des diplômés au Congo pas d’intellectuels ?

L’histoire de la corruption dans notre pays vient de loin. Le système de quota dans l’admission des étudiants à l’université était une forme de corruption morale car il a conduit des élèves à changer leur identité avant les examens d’État en se donnant un nom à consonance ngala et plus particulièrement à consonance ngbandi afin d’avoir la chance de réussir avec un bon pourcentage, d’être facilement inscrits à l’université et bénéficier in fine de la bourse.

La deuxième méthode de corruption morale fut l’organisation de l’animation politique (la danse pour le Mouvement Populaire de la Révolution – MPR). Des jeunes animatrices et animateurs étaient recrutés par le parti unique pour chanter la gloire du maréchal Mobutu. Contre cette gesticulation publique et obscène de leur corps, ils recevaient un salaire plus décent que celui des enseignants et des fonctionnaires. Résultat, beaucoup de femmes ont choisi de devenir des danseuses du MPR. La destruction de mœurs a entrainé la corruption morale parce que les Zaïrois de cette époque avaient pris l’habitude de gagner de l’argent facile sans véritablement travailler. Les enseignants, les fonctionnaires, les soldats, etc. se sont mis à agir comme les politiciens congolais agissaient en monnayant leurs services.

Une étude sociologique devient nécessaire voire urgente pour mieux comprendre la genèse de la corruption dans notre pays. Je ne parle que de la petite corruption car il existe la grande corruption pratiquée par les grandes entreprises et par les firmes transnationales qui corrompent les décideurs officiels, voire des parlementaires pour obtenir des marchés publics. C’est ce qu’on appelle la captation de l’État. il y a tout un chapitre sur la corruption dans mon livre La thèse du complot contre l’Afrique. Pourquoi l’Afrique ne se développe pas, éditions L’Harmattan, 2010, pp. 149-171.

En effet, ce n’est pas toute la classe politique qui est corruptible et médiocre car il y a dans cette classe politique des gens encore intègres et excellents. Grâce à eux, le pays tient encore debout. Mais ils sont hélas minoritaires. Beaucoup pratiquent la corruption de survie. C’est le cas par exemple d’un soldat qui a un salaire de 80 dollars et qui arrondit ce salaire en extorquant les passants ou les automobilistes. C’est aussi le cas d’une infirmière ou d’un infirmier qui monnaye ses services dans le même but d’arrondir son salaire. L’État congolais ne punit pas car il sait qu’il ne paie pas bien ses fonctionnaires. Voilà pourquoi il faut réorganiser l’économie nationale, réaliser des bénéfices considérables par la production, instaurer un salaire minimum à partir duquel il deviendra possible de punir tout individu qui se laisse corrompre (=effet). Mais dans cette démarche, il faut commencer par punir le corrupteur (=cause) avant le corrompu. En effet, la disparition de la cause entraîne ipso facto la disparition de l’effet.

Contrairement à ce qui est sous-entendu dans la question, j’affirme qu’il y a des intellectuels dans notre pays, même si leur nombre n’est pas très important. Malheureusement, nos universités forment plus de diplômés et moins d’intellectuels. J’ai étudié avec des camarades intelligents à l’école secondaire et à l’UNAZA (université nationale zaïroise). Certains compatriotes qui ont fait de brillantes études à l’étranger ont décidé de rentrer chez nous. Beaucoup d’entre eux ont sombré parce que les conditions de travail et de vie ne sont pas bonnes. Je n’aurai probablement pas publié autant de livres de recherche sur différents sujets d’intérêt national, continental et international, si je vivais en RD Congo car les bibliothèques sont pauvres voire rares ou inexistantes dans certains milieux. Pour cette raison, les livres constituent la seule marchandise que j’envoie au pays. Je ne suis pas compris par ma famille qui attend recevoir des objets de seconde main comme le font mes compatriotes qui n’ont pas la même compréhension que moi, mais je m’entête. Dans la vie nationale, il n’y a pas de récompenses qui encouragent les intellectuels. Existe-t-il un prix congolais de l’excellence ? Non. Mais nous l’introduirons dès le départ de l’équipe actuelle. Lorsque le système de gouvernance est mauvais, la classe politique sombre. C’est classique. C’est pourquoi, nous avons l’obligation de reconnaître et de saluer les quelques rares intellectuels congolais qui se distinguent et que nous rencontrons parfois dans des colloques internationaux. L’éducation sera le premier chantier à redresser après le départ du régime actuel.

  1. Que pensez-vous de la Transition sans Kabila ? Cela est-il possible ? Si oui, comment ? Quels sont les préalables ? Que faire d’alias Joseph Kabila ?

Je ne me préoccupe pas trop du sort de M. Joseph Kabila car lui-même ne s’est jamais préoccupé du sort des Congolais. Il est venu chez nous en 1997 dans le convoi de l’AFDL (un conglomérat d’aventuriers, dixit Laurent-Désiré Kabila) avec un seul objectif : s’enrichir en pillant les ressources du Congo. Pour cette raison, son sort ne m’intéresse pas. Il est le moindre de mes préoccupation. Néanmoins, il s’impose à la tête de notre pays malgré l’expiration de son mandat. À ce titre, il constitue un souci majeur pour l’avenir du Congo. Il a toujours traité les Congolais avec beaucoup de mépris, en disant publiquement qu’il n’a jamais trouvé 15 Congolais compétents (comme si lui-même était une sommité) avec lesquels il pouvait travailler pour développer le Congo mais, en même temps, il a trouvé plus de 100 Rwandais qu’il a élevés au rang de généraux pour dominer et mater les Congolais qui l’ont rendu, malgré eux, milliardaire en très peu de temps.

Au lieu d’organiser les élections dans le respect du délai, les gouvernants traînent volontairement les pieds en courant le risque de le faire dans la grande précipitation afin qu’elles leur profitent. Voilà pour quelle raison à trois mois de la date fatidique selon les Accords de la Saint Sylvestre de décembre 2016, l’enrôlement n’a pas encore pris fin dans le Kasaï, le calendrier électoral n’est toujours pas publié et aucun candidat n’est officiellement enregistré, n’est connu par les électeurs et n’a encore présenté son programme politique. En effet, le pouvoir illégitime et illégal de Kinshasa observe les réactions des Congolais pour ajuster son comportement en fonction des scénarios déjà montées et en attente de leur mise en scène. M. Joseph Kabila et son régime cherchent à mettre à leur profit une élection précipitée soit pour pouvoir manœuvrer en vue de présenter un proche de Kabila et mettre ainsi le peuple congolais devant un fait accompli soit pour créer une anarchie qu’il contrôlera lui-même, en mettant le pays à feu et à sang, car seule la guerre lui permet de se maintenir au pouvoir et d’échapper à la CPI.

Parce que nous n’avons pas organisé l’élection présidentielle en décembre 2016 alors que le président Kabila nous a lancé un défi en disant « il ne se passera rien en décembre » et parce que les évêques de la CENCO ont très naïvement accepté de lui accorder gratuitement une année supplémentaire alors qu’il ne le méritait pas, M. Joseph Kabila reste encore le maître de l’agenda électoral, car il contrôle tous les rouages du pouvoir et il a une main ferme sur la CENI et sur Corneille Nangaa. À cause de notre faiblesse collective et de notre naïveté, Joseph Kabila s’entête à ne pas publier le calendrier électoral pour ne pas s’auto-exclure des enjeux et signer ainsi son arrêt de mort politique.

Quant à la transition, elle s’impose d’office parce que les élections n’auront pas lieu en décembre de cette année. Nous sommes dans une République où il n’y a pas une seule autorité qui jouit de la légitimité populaire. Nous devons élire la classe politique à tous les niveaux, du député provincial au président de la République. C’est une tâche considérable qui sollicite notre intelligence et notre sens d’organisation et de patriotisme. Mais les compétences en réserve, nous en avons. Oui, la transition est possible et elle s’impose. En mai 2016, des Congolais ont organisé un colloque à Modena en Italie, sous la conduite de l’abbé Germain Nzinga, justement avec comme thème : « la transition sans Kabila ». Des propositions ont été faites et je prépare la publication qui reprend tout ce qui a été dit à Modena.

Il est permis de reconnaître et d’admettre que la RD Congo ne s’est jamais stabilisée. Notre pays est dans une transition permanente depuis que les institutions de la République ont été déstabilisées le 24 novembre 1965 par le colonel Joseph-Désiré Mobutu et ses compagnons de la révolution. Il est maintenant question de sortir la République du coup d’État permanent. Mobutu a gouverné le pays en s’appuyant sur un parti unique, le MPR, et il a quelquefois organisé l’élection présidentielle en étant le seul candidat. Une aventure cocasse que les intellectuels de l’époque applaudissaient, sans état d’âme.

En 1997, dès sa prise de pouvoir, le nouveau président, Laurent-Désiré Kabila, a supprimé tous les partis politiques et a dirigé le pays par décrets. Une nouvelle transition sans issue a été ouverte. Le pays a évolué dans l’anarchie totale et sans institutions démocratiques jusqu’à Sun City en Afrique du Sud qui a donné lieu à un semblant d’ouverture politique. Le pouvoir a été partagé entre les anciens belligérants qui, ensemble, ont formé un Gouvernement d’union nationale (formule 1 + 4). La libéralisation de l’espace politique a donné naissance à la création des partis politiques alimentaires. C’est sous ce nouveau climat d’anarchie que le pays a organisé ses premières élections en 2006 qui ont été sévèrement critiquées par le cardinal Etsou à cause des fraudes électorales organisées par l’abbé Malu Malu, président de la Commission électorale indépendante (CEI), pour assurer la victoire du président Joseph Kabila au détriment de Jean-Pierre Bemba qui a été le favori de ces élections. L’échec dans l’organisation de ce scrutin a ouvert la porte à une nouvelle impasse politique. C’est dans cette anarchie qu’une nouvelle élection présidentielle a été organisée en 2011 par le pasteur Daniel Ngoyi Mulunda, président de la CENI, pour permettre la victoire du président Joseph Kabila au détriment d’Étienne Tshisekedi qui a été le favori de ces élections.

L’anarchie et la contestation du pouvoir ne se sont pas pour autant estompées. Pour tenter de calmer le peuple, le pouvoir a convoqué les concertations nationales en 2013. Comme pour la Conférence nationale « souveraine » (CNS) de 1990 à 1992, les 100 résolutions de ces dernières concertations nationales n’ont jamais été appliquées.

Une année avant l’organisation de la nouvelle élection présidentielle prévue en décembre 2016, le régime a envisagé d’organiser un dialogue national pour définir ensemble (pouvoir et opposition) les modalités de sortie de la crise ou de l’impasse. Mais plusieurs partis de l’opposition ont refusé d’y participer à cause des résolutions des Concertations nationales qui ont été suivies d’aucun effet. Voyez-vous, depuis 1965, nous passons d’une transition à l’autre sans stabiliser l’État. Il est maintenant question d’organiser un gouvernement exceptionnel de Transition qui mettra en place les institutions républicaines de la troisième République qui sera basée sur la confiance du peuple. Il faut, comme préalables, écarter les menteurs et les aventuriers du pouvoir et remettre de l’ordre dans le fonctionnement de l’État. C’est une énorme responsabilité que seuls des Hommes crédibles doués d’une intelligence exceptionnelle peuvent assumer.

Il est évident que si M. Joseph Kabila n’est pas mis hors d’état de nuire, il agira fatalement dans l’ombre pour créer le chaos car il contrôle tous les leviers de commandement des forces militaires, des services de renseignement et des régies financières que ses hommes de main dirigent pour son compte. Voilà pour quelle raison il est impérieux de défaire l’immense pouvoir qu’il détient jusqu’à ce jour en l’empêchant de mettre à jour son plan machiavélique de maintien au pouvoir, avec en perspective l’ambition de se donner une nouvelle Constitution pour rester au pouvoir ad vitam aeternam, comme cela s’est passé au Rwanda et au Burundi et comme cela est en voie de se passer Ouganda où les députés discutent sur la nécessité de réviser ou non la Constitution.

Il est nécessaire voire indispensable d’organiser une transition pour garantir des élections crédibles. La transition aurait pu être ce moyen pacifique qui mettrait le peuple congolais en attente d’un nouvel ordre, mais l’ex-chef de l’État actuel et son Gouvernement illégal ne se sont malheureusement pas impliqués dans cette transition à cause de leur mauvaise foi, de leur impopularité et des torts qu’ils ont causés au peuple congolais. Si elle est conduite sous la direction d’un leadership consensuel qui s’appuiera sur une gouvernance collégiale devant régir le fonctionnement des institutions, l’équipe de transition sera une structure fonctionnelle susceptible de représenter valablement la diversité politique de tous ceux qui s’inscrivent dans la logique du changement et de développement de la nation. Munie d’un cahier de charges bien définies, cette équipe concevra rapidement les grands axes politiques et stratégiques du pays qui permettront un fonctionnement harmonieux des institutions de la République après les élections.

Pour créer une véritable stabilité des institutions, il est indispensable que la transition soit confiée à un Homme de la société civile, maîtrisant les questions politiques et géopolitiques, doté d’une intelligence exceptionnelle et n’appartenant à aucune famille politique parmi celles qui se disputent actuellement le pouvoir. Celui-ci doit accepter de ne pas se porter candidat à la magistrature suprême lors de la prochaine élection présidentielle. Mais pour que cette Transition réussisse, cet oiseau rare doit absolument être entouré non seulement de soldats et de policiers patriotes qui assureront sa sécurité et la stabilité des institutions mais aussi de conseillers politiques, économiques et militaires parmi les plus compétents des Congolais (chacun dans son domaine de prédilection) dont la réflexion de haut niveau et la mise en place des projets doivent être leur principale activité cérébrale. La notoriété ne suffit pas. Il faut, au-delà, la maîtrise des questions géopolitiques et géostratégiques. Un inconnu mais très compétent peut tout aussi bien jouer ce rôle.

Nous croyons avoir des ailes assez solides pour piloter cette Transition. Nous avons des idées claires et précises sur la gestion de cette période de Transition que nous partagerons volontiers avec des acteurs qui la piloteront.

Parmi les préalables, le président de la Transition devra composer son Gouvernement en s’appuyant sur la proportionnalité – que d’aucuns appellent « équilibre régional » – et sur la subsidiarité. Son rôle se limitera à défendre l’intérêt supérieur de la nation, envers et contre tout.

  1. Lors de la Transition 1+4=0, nous avions 5 commissions citoyennes d’appui à la démocratie: La Commission électorale indépendante devenue CENI ; L’Observatoire national des droits de l’Homme ; La haute autorité des médias devenue CSAC ; La commission vérité et réconciliation ; La commission d’éthique et lutte contre la corruption. Elles n’ont jamais vraiment fonctionné, ne faut-il pas les réhabiliter ?

À la place de réhabiliter ces institutions, c’est l’homme politique congolais qu’il faudrait d’abord réhabiliter en mettant au pouvoir des acteurs qui ont évolué dans un contexte autre que celui de l’univers politique congolais qui est corrompu à outrance. Lorsque quelqu’un a appris à corrompre depuis l’école primaire jusqu’à l’université, qu’est-ce qu’il peut faire si, à l’âge adulte, il devient un responsable politique ? Toutes les institutions citées dans la question ne servent à rien. La preuve réside dans le fait qu’elles n’ont justement servi à rien depuis leur installation, autrement on ne serait pas dans la situation chaotique actuelle.

La Commission électorale nationale indépendance a été dirigée par l’abbé Malu Malu qui est devenu un expert ès fraudes électorales. C’est lui qui a introduit la méthodologie électorale frauduleuse dans notre pays en s’inspirant des fraudes électorales mises en place au Tchad sous Idriss Deby. J’ai présenté toute la pédagogie suivie par l’abbé Malu Malu dans mon livre intitulé Les fraudes électorales. Comment on colonise la RDC, éditions L’Harmattan, 2007. Cet abbé était un homme intelligent mais il a mis ses capacités au service de la tyrannie pour s’enrichir rapidement et illicitement. En 2011, le pasteur Ngoyi Mulunda a fait pire car il a amplifié les stratégies de fraudes électorales déjà en place depuis la première élection présidentielle de 2006, au point où des enfants mineurs étaient porteurs de cartes d’électeurs. J’ai décrit toutes les manigances de ce pasteur dans une conférence que j’ai tenue le 30 juin 2012 à Essen en Allemagne et que j’ai publiée sur notre blog (in https://fweley.wordpress.com/wp-admin/post.php?post=935&action=edit). Lorsque le régime actuel partira, nous supprimerons la CENI pour réduire les frais et nous confierons l’organisation des élections au ministère de l’Intérieur, car c’est dans les responsabilités de ce ministère.

L’Observatoire national des droits de l’Homme est la plus honteuse de ces 5 institutions car elle n’a rien fait, rien dénoncé et rien entrepris pour imposer le respect des droits de l’hommes dans notre pays. À la place de cet Observatoire, ce sont des experts des Nations unies qui ont régulièrement dénoncé les crimes commis sous le régime de M. Joseph Kabila. Même après la publication par l’ONU du volumineux Rapport Mapping, l’Observatoire national des droits de l’Homme n’a rien fait. Il ne pouvait rien faire, parce qu’il est soumis aux dictats du tyran au pouvoir.

Comme la CENI, la Haute autorité des médias devenue depuis peu la CSAC a toujours été occupée par des laudateurs, de Modeste Mutinga Mutuishayi, passant par Dominique Sakombi Inongo à M. Olenga Nkoy. Je pense qu’il est inutile de s’attarder sur les bourdes que les responsables placés à la tête de la Haute autorité des médias ont commises car elles dépassent tout entendement.

La Commission vérité et réconciliation n’a jamais fonctionné. Il suffit de considérer les résultats des concertations nationales jamais mises en application, ainsi que les conclusions du dialogue inclusif conduit par le Togolais Edem Kodjo et le dernier dialogue sous les auspices des évêques de la CENCO. Rien de toutes ces rencontres n’a mis la recherche de la vérité au centre des préoccupations, dans l’intention de contribuer à la réconciliation des Congolais. Dans chaque dialogue, l’État a dépensé de l’argent public plus pour enrichir les acteurs politiques que pour dire la vérité et réconcilier les Congolais. La persistance de la crise congolaise en est la preuve évidente.

Quant à la Commission d’éthique et lutte contre la corruption, nous n’avons qu’à nous couvrir de honte car l’éthique n’a jamais été une référence dans notre agir collectif et la corruption règne en maîtresse dans tous les ministères et toute l’administration publique. Tout document administratif est monnayé, comme tout service.

Le ministre de la communication, Lambert Mende, est devenu le symbole vivant du manque d’éthique dans la vie publique congolaise. Ce ministre ment publiquement dans presque chaque phrase qui sort de sa bouche, au point de se demander comment il a été élevé. Par exemple, il dit régulièrement que le président de la République doit rester au pouvoir jusqu’à l’élection de son successeur, mais il n’évoque jamais la rigueur de l’art. 220 de la Constitution qui limite l’exercice du pouvoir par le président de la République à uniquement deux mandats ni l’article 73 qui impose l’organisation de l’élection présidentielle quatre-vingt-dix jour avant l’expiration du mandat. D’après l’esprit de la Loi fondamentale, c’est logiquement après avoir organisé l’élection présidentielle que le chef de l’État sortant reste au pouvoir jusqu’à la passation du pouvoir et l’installation de son successeur, comme nous l’avons dernièrement suivi en Angola. Il est évident que si le chef d’État sortant n’organise pas l’élection dans le délai, il attendra longuement voire indéfiniment l’arrivée du nouvel élu. La justification de M. Lambert Mende sur la nécessité d’attendre l’installation du président élu est le contraire de l’éthique. Le choix cynique de ne pas organiser l’élection présidentielle a été voulu par l’actuel président, sans mandat, sans légalité et sans illégitime, pour garder le pouvoir, car il a terriblement peur de son avenir immédiat à cause de nombreux crimes qu’il a commis, en commençant par son affiliation mensongère, l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila (lire mon livre Le règne du mensonge politique en RD Congo. Qui a tué L.-D. Kabila ?, éditions L’Harmattan, 2005), l’emprisonnement des innocents prétendus être les assassins de L.-D. Kabila (il a déjà été prouvé que ces condamnés n’ont été impliqués ni de près ni de loin de ce qu’ils ont été accusés), les massacres des adeptes de Bundu dia Kôngo et du pasteur Mukungubila jusqu’aux massacres dans le Kasaï. Pour échapper aux poursuites, il se bat comme une parturiente pour retarder son départ du pouvoir. Mais quoi qu’il fasse, l’histoire de ses crimes le rattrapera bientôt. Le subterfuge de l’éternel ministre de la communication, Lambert Mende Omalanga, est un mensonge cousu de fil blanc, comme on dit, c’est-à-dire perceptible ou visible à distance. Et c’est sur cette base que le régime actuel s’organise pour repousser le plus tard possible l’élection du nouveau président afin de ne pas procéder à la passation du pouvoir. Lambert Mende prend les Congolais pour des abrutis. En fait, ce ministre n’a aucun respect pour ses compatriotes.

Le mensonge règne à tout le niveau parce que l’observation de l’éthique est absente dans les relations avec la RD Congo. Contrairement à ce que les grandes puissances nous font croire, la plupart d’entre elles entretiennent de bonnes relations d’affaires avec le régime de Joseph Kabila qui commet des crimes au Congo, car ces grandes puissances tirent des bénéfices colossaux avec leur affidé qu’elles ont-elles-mêmes placé au pouvoir en 2001. Tout en le critiquant sur la place publique, elles négocient avec lui en privé et en secret. Elles sont toutes concernées par ce comportement hypocrite. Les firmes transnationales qui ont grandement besoin des minerais stratégiques en provenance du Congo donnent des conseils à M. Kabila pour se maintenir au pouvoir en lui envoyant des conseillers en cas de besoin. Voilà pour quelle raison la sortie de crise est très douloureuse voire impossible, du moins jusqu’à ce jour. Sans aucun état d’âme, Joseph Kabila brade les ressources naturelles du Congo pour obtenir en échange son maintien au pouvoir. C’est une réalité que les Congolais négligent ou excluent dans leur analyse. Aucune grande puissance n’est vraiment prête à lâcher Kabila contre la perte de contrôle des minerais stratégiques du Congo, car elles croient que leur retrait profitera à d’autres puissances émergentes comme la Chine, la Russie, l’Inde, l’Iran, le Brésil, etc. Pour cette raison, les grandes puissances occidentales pratiquent un double langage, apparemment sincère et clair au grand jour et réaliste sinon machiavélique dans l’ombre et en privé, pour endormir le peuple congolais. C’est un comportement complexe et très ambigu. C’est dans ce sens que les hommes d’affaires occidentaux (mais aussi chinois, russes, iraniens, coréens, indiens, etc.) se rendent en RD Congo pour négocier des contrats léonins malgré les crimes commis régulièrement par le régime actuel. C’est aussi dans ce même sens que M. Joseph Kabila a été reçu en audience à huis clos par les hommes d’affaires américains, proches du président Donald Trump. Ce dernier n’a pas caché de dire, devant les officiels africains qu’il a reçus à dîner, je le cite : « mes amis s’enrichissent dans vos pays », alors qu’il était censé leur parler de relations diplomatiques avec son pays – les États-Unis. Tout montre clairement la complexité de la situation de notre pays à cause de la richesse que nous avons dans le sous-sol et sur le sol. La situation n’est pas différente avec la Belgique qui est le traditionnel bénéficiaire des ressources naturelles du Congo ou avec la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne. Tous ces pays occidentaux ont grandement peur de perdre la RD Congo au profit de l’Asie parce qu’ils ignorent superbement ce que nous pensons sur l’avenir de notre pays ni avec qui nous collaborerons demain. Je demande à toutes les grandes puissances et aux firmes transnationales de s’assurer que les autorités congolaises de demain ne trahiront pas les intérêts du Congolais ni les relations avec les traditionnels amis du Congo qui œuvrent pour le bien du Congo.

  1. Quelles sont les priorités pour le développement de la RDC? Quelles sont les conditions à remplir pour devenir un pays émergent ?

 

Cette question est centrale et je ne saurai donner ici une réponse complète. Nous en parlerons plus sérieusement à une autre occasion quoique j’ai déjà répondu partiellement à cette question dans mon livre Stratégies pour la conquête, l’exercice et la conservation du pouvoir, éditions Monde Nouveau/Afrique Nouvelle, 2011. Je me limite ici à évoquer quelques éléments relatifs au concept d’émergence.

Est-il nécessaire de rappeler qu’« un pays émergent, ou économie émergente, ou encore marché émergent est un pays dont le PIB par habitant est inférieur à celui des pays développés, mais qui connaît une croissance économique rapide, et dont le niveau de vie ainsi que les structures économiques et sociales converge vers ceux des pays développés avec une ouverture économique au reste du monde, des transformations structurelles et institutionnelles de grande ampleur et un fort potentiel de croissance » (in https://fr.wikipedia.org/wiki/Pays_%C3%A9mergent).

Le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine désignent les quatre principaux pays émergents. Le nom BRIC a été formé à partir de la première lettre du nom de chaque pays. Ils sont les premiers à sortir de la listes des pays du tiers-monde et qui sont susceptibles de jouer un rôle de premier plan dans l’économie mondiale dans un futur plus ou moins proche. À ces pays s’est ajoutée l’Afrique du Sud en 2011 pour former les BRICS. C’est le seul pays africain qui participe désormais aux sommets regroupant les pays émergents. En ajoutant le Mexique au premier groupe, on parle de BRICM, ou en ajoutant l’Indonésie au même premier groupe, on parle de BRICI.

La RD Congo est loin de remplir les conditions d’appartenir aux pays émergents. Mais grâce aux atouts que la nature a dotés notre pays, il suffit que la RDC soit gérée par des dirigeants compétents qui ont le sens de l’État et de la droiture, il sera facile de sortir de la dépendance et d’entrer dans le concert des pays émergents. Je vous lance cette boutade : « si le peuple me confie les commandes de la RDC, j’en ferai un candidat potentiel à l’émergence en moins de dix ans », car je sais ce que je dois accomplir pour donner à notre pays la possibilité de tutoyer les grands de ce monde.

Nous devons d’abord savoir que l’émergence tant souhaitée ne se décrète pas aussi simplement et ne saurait faire l’objet d’un quelconque marchandage, car pour entrer dans le club des pays émergents, il faut emprunter la voie du développement économique et se prêter au jeu de la concurrence économique mondiale. C’est un défi ou un challenge. Comme le dit le collègue politologue Steeve Nzegho de l’université Omar Bongo de Libreville au Gabon, « cette concurrence impose une certaine rigueur dans la gestion des finances publiques et passe par le maintien de la croissance économique, par la lutte contre le chômage, par la diversification de l’économie, par le goût du travail et de l’effort, par la substitution d’une administration nominative à une administration méritocratique, etc. ». C’est tout notre pays qui doit se mettre au travail avec amour, patriotisme et abnégation en faisant du développement notre crédo politique et le fondement de la République de demain. Tout le monde doit agir avec conviction dans le sens de construire une société idéale, uniquement accessible par le travail et l’engagement quotidien. Pour cela, nous devons absolument et résolument sortir de notre insatisfaction lancinante, de la vie facile, de la corruption, du détournement des deniers publics et de l’impunité.

Devenir un pays émergent revient à dire que les Congolais dans leur ensemble ont un travail stable qui assure à chacun le minimum vital, qu’ils accèdent aux logements décents avec eau potable et électricité sans coupure intempestive, qu’ils ont les infrastructures de base, les soins de santé primaires, les écoles de qualité avec des enseignants bien payés et bien motivés à transférer leur savoir à la jeunesse, que les dirigeants sont compétents et respectent leur mandat électif, que la démocratie est devenue une réalité, bref qu’ils ont tous réussi à réduire le taux de pauvreté. Voilà les préalables à remplir avant d’évoquer la possibilité de devenir un pays émergent. Avec les autorités actuelles et en suivant leur manière de gouverner la République, il n’y a aucune chance que la RDC devienne un pays émergent en 2050. Donc avec le pouvoir actuel, il n’y a aucune raison d’être optimiste, car les chantiers prioritaires auxquels les autorités auraient dû faire face, comme la stabilité du pays, l’alternance au pouvoir, la création des emplois décents, l’augmentation du nombre d’écoles pour répondre à la démographie galopante, l’ouverture des universités technologiques et des centres de recherche ne sont pas leur souci. Or, l’émergence de la RD Congo ne peut être réfléchie que si ces préalables sont pris en compte. Tout ce qui est dit sur l’émergence de notre pays est un vain slogan pour faire croire et endormir le peuple. Tout économiste sérieux dira la même chose. L’ancien Premier ministre, Matata Ponyo, a passé son temps à nous parler d’une croissance économique en deux chiffres. Tout était sur papier mais rien sur le terrain. Il a suffi qu’il quitte le gouvernement pour que tout son mensonge apparaisse au grand jour. Voilà le genre de responsables que nous avons à la tête du pays, des gens qui mentent constamment et ne pensent qu’à leur ventre, à leur famille et à leur avenir personnel. Les 5 chantiers que les laudateurs du régime ont longuement prônés en trouant nos tympans sont maintenant devenus de véritables lacs en pleine ville de Kinshasa ; malgré cela, ils continuent à faire croire au peuple que leur Raïs est le dirigeant idéal pour la RD Congo. Qu’ils aillent répéter leur idiotie aux gens qui n’ont pas d’yeux.

Un pays qui cherche réellement à s’inscrire dans la perspective de l’émergence ne peut pas mentir et sous-estimer les obstacles qui pourraient entraver la réalisation d’une telle ambition.

Le collègue et politologue Steeve Nzegho cité plus haut dit que l’émergence d’un pays passe forcément par la recherche de l’unité nationale, par la prise de conscience d’une responsabilité collective, par une nouvelle culture du travail, par un changement des mentalités rétrogrades, par l’avènement d’une culture de la méritocratie ou de la « république de la méritocratie » chère à Gambetta (homme politique français et figure centrale de la IIIème République), par le maintien d’un taux de croissance soutenu de l’économie pendant 10 ans à l’ordre de 10%, etc. Ces éléments identifiés sont des prérequis à l’émergence. Les obstacles de la responsabilité collective et économique sont des conditions préalables. Mais que faire lorsqu’un pays, comme le nôtre, a des dirigeants incompétents et foncièrement égoïstes à sa tête ? Si la RD Congo n’a même pas encore amorcé la phase du décollage économique qui est la première parmi les cinq phases dont a parlé Walt W. Rostow en 1960, comment peut-on se projeter dans le temps et croire que notre pays devient émergent en 2025 ou en 2030, comme l’affirment les laudateurs sans éthique du président actuel ? Le dire publiquement revient à se mentir soi-même en mentant simultanément au peuple. C’est un crime qui nécessite la poursuite en justice des auteurs qui le commettent.

Dans la littérature économique, comme le disent Marie Coris et Alain Rallet dans leur article « Les pays émergents à la conquête des marchés mondiaux », Revue de la régulation, n° 2, (2008), seuls « les pays en développement qui constituent des pôles d’attraction des investissements (nationaux et étrangers), qui diversifient et accélèrent, durablement et harmonieusement, leur croissance économique et qui s’intègrent avec succès dans l’économie mondiale grâce à leurs capacités d’exportation» font l’objet d’étude lorsque l’on parle d« économies à marchés émergents ». Or, la RD Congo est loin de figurer sur la liste de ces pays. On ne peut parler d’émergence que si le pays en considération poursuit les bonnes politiques économiques et possède des institutions de qualité. Or, la RD Congo n’a pas des institutions stables et l’insécurité y est permanente. Dans ces conditions, il est impossible de convaincre les investisseurs de s’installer durablement chez nous et chercher à s’insérer avec succès dans le tissu économique mondial.

Les gouvernants actuels cherchent-ils à atteindre le niveau de compétitivité et d’attractivité le plus élevé possible qui nous permet de mettre en place un environnement (administratif, financier, technologique et social) de niveau international afin de faire entrer notre pays dans le club des pays émergents ? À cette question, la réponse est NON. Alors, oublions l’émergence et battons-nous d’abord pour une alternative crédible, pour la stabilité du pays et pour un état de droit.

Pour prétendre à l’émergence, nous devons cesser d’exporter les produits bruts et nous mettre à les transformer sur place afin de d’exporter plus de produits finis ou manufacturés de qualité et n’importer en retour que le strict nécessaire. Mais nous devons aussi observer une équité dans la distribution des revenus entre les plus riches (députés avec 12 mille dollars) et les plus pauvres (policiers avec 100 dollars).

 

  1. La diaspora congolaise joue un rôle prépondérant dans le réveil des consciences de notre peuple. Elle est toujours debout sur la situation socio-politico-économique du pays, pourtant elle ne vote jamais et elle est déconsidérée par le régime de Kinshasa…N’y a-t-il pas un mépris à l’égard de la diaspora ?

 

Effectivement la diaspora congolaise joue un rôle prépondérant dans le réveil des consciences de notre peuple et elle est toujours debout sur la situation socio-politico-économique du pays parce que, contrairement à nos compatriotes restés au pays, les membres de la diaspora ont la possibilité de voir autre chose et de comparer. Certains parmi eux voyagent beaucoup dans le cadre de leur profession ou pendant les vacances. Tous ces avantages leur permettent d’avoir une longue d’avance dans la compréhension de ce qui se passe chez nous. D’autres ont étudié dans les meilleures universités du monde et savent clairement que la RDC est le pays le plus riche au monde lorsque l’on compare la variété de nos ressources naturelles. Notre pays a une position géographique, géopolitique et géostratégique exceptionnelle. Il n’y a aucune raison qui puisse expliquer la pauvreté de notre peuple à part la cupidité de nos dirigeants. Comment expliquer qu’un député qui a un salaire de 12000 dollars soit hostile à défendre l’amélioration de vie des électeurs qui ont fait de lui un parlementaire ? Je n’ai jamais lu une interpellation ou une motion allant dans le sens d’imposer un revenu minimum. Comment comprendre que M. Joseph Kabila, arrivé au Congo en 1997 sans rien, soit aujourd’hui milliardaire alors que ceux qui l’ont accueilli broient du noir dans un pays scandaleusement riche ? C’est impensable, inimaginable, inacceptable et révoltant. Cette diaspora n’a pas le droit de vote parce que le pouvoir sait parfaitement bien qu’elle votera contre le dirigeant actuel, autrement le régime utilisera la diaspora pour gonfler le nombre de Congolais-électeurs présents au Rwanda, au Burundi, en Ouganda, en Tanzanie, en Zambie, etc. pour faire croire que le candidat du PPRD est populaire dans la diaspora. Il est clair qu’il y a un réel mépris à l’égard de la diaspora que le régime de Joseph Kabila considère comme une simple vache à lait. La question du passeport évoqué plus haut en est la preuve. À cela, on peut ajouter d’autres volets pour voir à quel point les Congolais de l’étranger sont pillés. À titre d’exemple, j’évoque le dédouanement de véhicules aux ports de Boma et de Matadi. J’ai été trois fois à Matadi sous le régime de Mobutu et sous le régime de Kabila. C’est écœurant de voir comment les agents de la douane extorquent les Congolais. Nos ports internationaux sont les plus chers au monde parce que les gouvernants pensent que les Congolais de l’étranger sont riches. C’est qui est faux car nos compatriotes occupent, dans la plupart du temps, les emplois les moins rémunérés et abandonnés par les nationaux. Pour toutes ces raisons, la diaspora a tout à gagner à se battre pour l’arrivée au pouvoir d’autres gouvernants parmi lesquels il doit y avoir ceux qui ont habité à l’étranger dans des pays bien gouvernés, où les criminels à col blanc sont punis et où la compétition à tous les niveaux est un culte quotidien.

 

  1. Après avoir pillé le pays avec les 32 ans de Mobutu, l’impunité des Mobutistes fait que les mêmes prédateurs et Miyibicrates écument la même la classe politique aujourd’hui ? Comment lutter contre l’impunité ?

À mon avis, il y a trois solutions radicales : procéder par (1) le renouvellement de la classe politique, (2) la dénonciation et (3) la sanction. Pour répondre valablement à votre question, je préfère rappeler le modèle de gouvernance dans la Chine ancienne où des dispositions avaient été prises pour organiser la population de la capitale et des provinces de façon à unifier les coutumes. Voici ce que dit Le Ho-Kouan-Tseu à ce sujet dans son livre intitulé Précis de domination, éditions, Paris, éditions Allia, 2008, pp. 66-68 : « Tous, parmi la population, s’emploient à se corriger les uns les autres et à s’exercer à la rectitude. Ils se contrôlent mutuellement sur leur lieu de résidence, surveillent les allées et venues de chacun. Les pères s’entretiennent entre eux de devoir et les fils de piété filiale ; les plus âgés exaltent les actes méritoires et les plus jeunes le sen du respect. Ainsi, s’influençant de la sorte du matin au soir, ils s’imprègnent les uns de l’amour paternel, les autres de la piété filiale. Les familles étant liées et les hommes solidaires jusque dans leurs déplacements et allées et venues, nul vagabond ni fripon ne peut espérer passer à travers les mailles du filet. C’est de cette façon que l’on fait fond sur la nature humaine et s’appuie sur l’ordre des choses.

» Si le chef d’une brigade (l’ensemble des cinq familles) dont un des membres a enfreint les édits concernant la distribution des biens ou la réglementation sur les lieux de résidence s’est dispensé, sans raison valable, de le porter à la connaissance du responsable du village, il subira la même peine que le contrevenant sous le motif de ‘trouble à l’ordre public dans les familles’. Un responsable de village qui, ayant eu connaissance de cas d’insolence envers des aînés, de parents indignes, de fortes têtes qui, parce qu’ils se croient au-dessus des autres et cherchent à se singulariser, refusent d’obéir auprès du prévôt (chef de dix villages) sera traduit avec sa famille devant les tribunaux sous le chef d’inculpation de ‘trouble à l’ordre public dans les villages’. Le prévôt qui se fait tirer l’oreille pour appliquer les consignes et les instructions, ou omet de rapporter à ses supérieurs des faits dont il aurait eu connaissance, sera traduit avec sa famille devant les tribunaux sous le chef d’inculpation de ‘trouble à l’ordre public dans la commune’. L’instructeur d’un canton qui met de la mauvaise volonté à appliquer les consignes et les instructions, ou s’abstient de rapporter à ses supérieurs des faits dont il aurait eu connaissance sera traduit avec sa famille devant les tribunaux, sous le chef d’inculpation de ‘trouble à l’ordre du canton’. L’économe de préfecture qui traîne des pieds pour appliquer les consignes et les instructions, omet de rapporter à la commanderie des faits dont il aurait eu connaissance, sera accusé de masquer les brillants talent s’il s’agit d’actes méritoires, de couvrir ses administrés s’il s’agit de fautes ; traduit devant les tribunaux sous le chef d’inculpation général de ‘trouble à l’ordre public dans la préfecture’, il sera exécuté sans aucun espoir de remise de peine. Le Grand officier de commanderie qui se fait tirer l’oreille pour appliquer les consignes et les instructions, ou omet de rapporter à ses supérieurs certains renseignements pourtant parfaitement exacts, cachant ainsi certains faits au Premier ministre, sera exécuté sans remise de peine possible, sous le chef d’inculpation de ‘troubles de l’ordre publique d’une commanderie’. Le Pilier du Royaume qui ne met pas tous ses soins dans le gouvernement en sorte que les doléances des administrés n’arrivent pas jusqu’au prince, et que les désirs du souverain ne sont pas connus de ses sujets, convaincu du crime de ‘semer le désordre dans le gouvernement’ sera exécuté, ses partisans seront éliminés et son clan exterminé. Le Grand chancelier qui ne promulgue pas les règlements saisonniers adéquats ou bien ne répartit pas judicieusement les terres en fonction de leurs qualités, causant de graves préjudices à la population, convaincu du crime de ‘semer le désordre dans l’empire’, sera condamné à l’écartèlement afin qu’il serve d’exemple. Voilà comment l’on prend soin des êtres et des choses ».

Ce comportement dans la Chine ancienne peut être une source de réflexion dans la réorganisation de notre nation où les crimes sont aussi courants que l’impunité, car ceux qui sont censés punir sont souvent les mêmes que ceux qui commettent des crimes, sinon les uns sont au service des autres et doivent se protéger mutuellement pour assurer la survie du régime.

Dans la Chine ancienne, l’ordre régnait partout et la justice réglait tous les litiges de la Cité. Tous les membres de la Cité se sentaient concernés par la justice. Personne n’était épargné. Le Ho-Kouan-Tseu dit à la page p. 69 : « Les villages faisaient un rapport aux communes tous les cinq jours, les communes aux cantons tous les dix jours, les cantons aux préfectures tous les quinze jours, les préfectures aux commanderies tous les trente jours, les commanderies au Pilier du Royaume tous les quarante-cinq jours, le Pilier du Royaume au Fils du Ciel tous les soixante jours. Le Fils du Ciel tous les soixante-douze jours mandait des émissaires dans les commanderies stimuler ceux qui avaient obtenu des succès et punir ceux dont les résultats ne répondaient pas à ce qui était attendu. C’est de cette façon que le gouvernement se calque sur l’action du ciel et de la terre ».

Les récompenses et les châtiments étaient distribués de façon équitable à tous les habitants. Personne n’était privilégié car tout était réglé sur une base de dénonciation publique. Tout élu ou tout gouvernant qui se rendait coupable de quelque faute se voyait repéré et châtié. Les princes sans vertu étaient également châtiés. En agissant ainsi « les affaires étaient convenablement traitées et les procès tranchés de façon équitable » (p. 71). Le Ho-Kouan-Tseu dit à la page 70 : « Ceux qui savaient gouverner étaient prospères mais sans excès, ils réduisaient le pouvoir des grands sans trop les avilir […] les fonctionnaires trop durs qui ne savaient user de clémence, qui pressuraient et rudoyaient le peuple étaient immédiatement mis à pied, afin qu’ils ne pervertissent pas l’administration ni ne semassent le trouble dans le gouvernement ; par la même occasion le peuple n’avait pas à pâtir des officiers qui refusaient d’exécuter les ordres et violaient la loi. Les fonctionnaires apprenaient de la sorte à procurer des avantages au peuple au lieu de faire du profit, à faire circuler les biens, au lieu de les accaparer ».

Voilà un modèle d’une société juste qui mérite d’être imité, à part l’imposition de la mise à mort des êtres ayant commis des fautes graves. À la place de leur imposer la mort, ils seront contraints à travailler pour réparer le tort qu’ils ont commis. La longueur de la peine dépendra du degré de gravité de la faute. Les prisons traditionnelles décrit par Michel Foucault dans son livre Surveiller et punir (éditions Gallimard, 1993) doivent être supprimées et remplacées par des maisons de correction dans lesquelles chaque fautif travaillera pour réparer, avec son salaire, le tort qu’il a commis. Jean-Jacques Rousseau dit dans son livre Du Contrat social, à la page 73 : « Dans un État bien gouverné il y a peu de punitions, non parce qu’on fait beaucoup de grâce, mais parce qu’il y a peu de criminels ». Il appartient au peuple de dénoncer les prédateurs et miyibicrates qui écument la même la classe politique aujourd’hui.

La paix, la justice et la démocratie commencent dans un pays lorsqu’un peuple a réussi à mettre fin à la dictature. Oui, c’est la rue qui fabrique la démocratie comme le confirme le lien suivant : https://www.legrandsoir.info/oui-c-est-la-rue-qui-fabrique-la-democratie.html

 

  1. Le tribalisme est un fléau qui mine la République avec des politicailleurs tribalo-ethniques. Comment combattre ce fléau?

La tribu est une réalité sociologique sur laquelle aucune discussion n’est permise, en revanche le tribalisme est un fléau qui doit absolument être combattu. Les méfaits de ce concept ont été décrits par de nombreux auteurs qu’il n’est plus nécessaire de m’y attarder. Parmi ces auteurs, il y a Jean-Loup Amselle, Elikia M’Bokolo (sous la direction de), Au cœur de l’ethnie. Ethnies, tribalisme et État en Afrique, éditions La Découverte, 1985 ; Mabika Kalanda, La remise en question. Base de la décolonisation mentale, Bruxelles, éditions Remarques Africaines, 1967 et Jean-Pierre Chrétien et Gérard Prunier, Les ethnies ont une histoire. Paris, éditions Karthala, 2003, etc.

Dans un pays comme le nôtre aux dimensions continentales, pour lutter efficacement contre le tribalisme, il y a des préalables que j’ai énumérés dans une de mes publications, à savoir Les fraudes électorales, éditions L’Harmattan, 20017. Voici précisément ce que j’ai proposé dans mon livre : « Avec un peu de clairvoyance, il est possible de dépassionner le débat politique, en proposant des solutions démocratiques révolutionnaires mais idéales. On peut par exemple échelonner le choix du chef de l’État par province (successivement), en commençant par les provinces qui n’ont jamais eu de chef de l’État. En réduisant le mandat présidentiel à trois ans voire à deux ans, toutes les provinces pourront avoir la certitude de gouverner la République en l’espace de 48 ans sinon 36 ans. Cette durée est raisonnable et elle correspond à l’âge moyen du Congolais. D’aucuns trouveront cette durée trop longue, mais c’est oublier d’avance qu’une seule province a déjà gouverné le pays pendant plus de 30 ans (1965-1997). »

Je dois rappeler que le président actuel, qui est sans mandat, sans légalité et sans légitimité depuis décembre 2016, a dirigé la République de 2001 à 2016. Le chef de l’État qui dirigera demain la République sur la base d’un programme prédéfini par la Chambre haute et par la Chambre basse (Sénat et Assemblée nationale) s’appuiera sur un gouvernement et une armée composée de représentants (proportionnalité) de toutes les provinces. Si une telle volonté politique est clairement inscrite dans nos institutions, en l’occurrence dans la Constitutions, le débat politique deviendra moins passionnel et chaque province aura l’espoir de gouverner le pays. Mais il faut dire qu’une telle modification doit s’accompagner d’un transfert important des compétences vers le gouvernement provincial et local, afin que les attentes prioritaires des citoyens trouvent rapidement des réponses. Il faut par ailleurs réduire les prérogatives du chef de l’État comme les Suisses l’avaient institutionnellement fait. En Suisse, le président de la Confédération ne dirige le pays que pendant une année. En RD Congo, la réduction du mandat présidentiel évitera des abus en cas d’élection d’un chef d’État notoirement incompétent.

Ces idées proposées il y a dix ans sont toujours d’actualité. C’est le mérite de savoir anticiper lorsqu’on réfléchit sur l’avenir de notre pays. Le tribalisme est un fléau et le recours à la loi est la meilleure façon de le combattre. Le président Mobutu était un tribaliste notoire et Joseph Kabila l’est aussi. Dans tous les gouvernements mis en place par ce dernier, certaines provinces (et souvent les mêmes) sont surreprésentées au détriment d’autres.

La première étape consiste à vider les prérogatives du chef de l’État qui font de lui l’homme le plus important et le plus puissant de la vie publique nationale pour en faire un président protocolaire dans les relations du Congo avec les pays étrangers et un président au service de la défense des intérêts nationaux (congolais), comme cela se passe merveilleusement bien en Suisse. Pour mieux y parvenir, il est nécessaire de procéder par l’élection à tour de rôle du chef de l’État par province afin de dépassionner le débat politique et de lutter contre le tribalisme et l’ethnicisme. Ce n’est pas la langue qui doit primer comme l’un de nos Compatriotes l’a récemment proposé mais plutôt l’espace géographique, car en proposant l’une des langues nationales parmi les quatre (kikôngo, lingala, kiswahili et kiluba) comme critère de choix du chef de l’État, on renforcera fatalement le tribalisme. Parmi les autres préalables, il y a la proportionnalité, la réduction de la durée du mandat présidentiel (entre deux à trois ans par mandat), le transfert des compétences vers les provinces, la subsidiarité, etc. Ces propositions sont largement développées dans mon livre sur les fraudes électorales cité plus haut.

À mon avis, le fonctionnement des États-Unis n’est pas la bonne source d’inspiration pour réorganiser le pouvoir dans notre pays pour trois raisons principales : l’origine de la création de ce pays, la Constitution de ce pays et l’unilinguisme des États-Unis. Pour avoir étudié la Constitution des États-Unis et la Constitution suisse mais aussi pour avoir vécu dans le pays de l’Oncle Sam, je peux dire que la Suisse est le meilleur exemple à suivre pour la RDC. Les Suisses parlent quatre langues nationales comme les Congolais en RDC. Il y a en Suisse des groupes ethniques d’origine comme en RDC alors que les États-Unis ne pratiquent qu’une langue et les habitants sont venus d’ailleurs (à part les Indiens qui ont été massacrés par les premiers colons). Aux États-Unis, c’est la possession de la fortune et l’appartenance à l’un de deux grands partis qui déterminent le choix du Président alors qu’en Suisse c’est l’origine ethnique et linguistique qui définit l’alternance au pouvoir en tant que président de la Confédération. Vous pouvez voyager à travers les États-Unis en parlant une seule langue (l’anglais) et être compris partout, ce qui n’est pas le cas en Suisse et en RDC où il faut connaître et parler plus d’une langue. Si les pères fondateurs des États-Unis ont « joué » sur la méritocratie, il faut vite préciser que cette méritocratie est à coupler avec la fortune du candidat à l’élection présidentielle ainsi qu’avec l’origine blanche et britannique du candidat (vrai jusqu’à l’élection d’Obama) alors qu’en Suisse, c’est l’appartenance partisane et linguistique qui est prioritaire. Je peux multiplier les exemples pour prouver que les États-Unis ne sont pas le bon exemple qui peut nous servir de source d’inspiration pour le Congo.

En matière de tribalisme, j’admets que Mobutu a tué la formation universitaire avec son système de quota qui n’a fait qu’accentuer le tribalisme et la corruption. Mobutu n’a pas promis le déluge, il l’avait volontairement préparé. Lorsqu’il disait : « Après moi le déluge », il ne faisait que confirmer la conséquence de sa mauvais politique. Moïse Tshombe n’est pas le bon exemple car une fois au pouvoir, il s’est partagé les postes clés du Gouvernement avec Munongo. On a accusé Kasa-Vubu d’être tribaliste alors qu’il a sauvé l’unité du Congo. En revanche, Moïse Tshombe était celui que les Belges avaient utilisé pour créer la sécession du Katanga et il avait mordu par égoïsme et régionalisme.

Il y a des compatriotes qui proposent un troisième dialogue dans le contexte actuel. Comme vous le savez, je m’étais catégoriquement opposé à l’idée de dialoguer avec le régime actuel et j’ai expliqué la raison pour laquelle on ne devait pas dialoguer avec un tyran.

Dans mon livre intitulé « Pouvoir et clientélisme au Congo-Zaïre-RDC », éditions L’Harmattan 2001, je me suis attardé sur les différents dialogues et conclaves qui ont jalonné l’histoire de notre pays jusqu’à la conférence nationale non souveraine. Nous connaissons les résultats. C’est sur la base de cette longue expérience que je m’étais opposé aux concertations nationales en disant au Compatriote Omer Songo die Lema, avant leur convocation, que : « avant concertations nationales = après concertations nationales » (lire https://fweley.wordpress.com/wp-admin/post.php?post=1223&action=edit). Comme il ne m’avait pas cru, il s’était lancé dans des explications superflues et inutiles. Mais il s’était vite tu au vu des résultats. Depuis, il n’est plus revenu sur ce sujet et ne cite plus mon nom dans ses articles, car les résolutions prises à l’issue des concertations nationales n’ont jamais connu un début d’application. L’argent des contribuables a donc été jeté par les fenêtres.

Pareil pour les deux dialogues qui ont suivi. Après plusieurs rencontres dans des pays étrangers, deux dialogues ont été tenus. Qu’avons-nous obtenu ? Le tribalisme et la corruption sont toujours là. Ai-je eu raison de refuser tout dialogue avec un tyran ?

Nous n’arrivons pas à nous en sortir à cause tout simplement d’une question de rapports de force. Notre opposition est trop divisée et chacun de nous a tendance à soutenir son leader de tribu (ou de région) au lieu de soutenir l’un des Congolais parmi les plus compétents qui, en plus, sait anticiper. Il y a au Congo de nombreux compatriotes qui n’ont jamais soutenu un leader autre que celui de leur tribu ou de leur région d’origine. Vouloir voir à tout prix le sien parvenir à la tête de l’État, même lorsque cet individu ne remplit pas toutes les conditions est ce qui tue notre pays. Ma prochaine publication sur cette question sera plus explicite.

À mon avis, le tribalisme cessera non pas avec « l’avènement d’un pouvoir fort » mais avec le recours à la proportionnalité et à la subsidiarité. Ce sont deux concepts qui doivent être bien compris et intégrés dans la Constitution et dans notre manière d’agir, car ils ont fait leurs preuves dans les pays qui les pratiquent, comme la Suisse et les Pays-Bas. Le recours à la proportionnalité est la seule solution pour sortir la République du tribalisme et de l’ethnicisme.

Pour lutter contre le tribalisme, nous devons agir au niveau culturel (permettre aux enfants de chaque groupe ethnique d’apprendre la langue des autres groupes ethniques dès l’école primaire comme les Suisses le font), il faut en plus favoriser les échanges (les élèves d’une province vont étudier pendant une année ou deux dans une autre province pour améliorer les acquis linguistiques de la langue parlé dans ladite province). La question du tribalisme est complexe mais les solutions existent et j’y réfléchis régulièrement à titre personnel. Nos quatre langues nationales (kikôngo, lingala, swahili et tshiluba) sont un atout, malheureusement, nous en faisons un frein. Je suis convaincu que nous finirons par trouver une voie commune à forcer de commettre des fautes, car, on apprend aussi par essais et erreurs. Parce que le régime de Kabila a organisé des fraudes électorales en 2006 et en 2011, le peuple congolais refuse maintenant catégoriquement de se laisser avoir. Le peuple a appris par accumulation d’expérience. « Chat échaudé craint l’eau froide », dit-on. Il est maintenant question d’avoir des femmes et des hommes avertis au pouvoir, c’est-à-dire eux qui ont longuement réfléchi à la politique à mener à la tête de l’État et qui ont en plus pensé à des solutions avant d’arriver au pouvoir. Il faut permettre à chacun d’évoluer dans son domaine de prédilection. Aujourd’hui, au Congo, tout le monde veut être politicien, mais si un médecin ou un professeur d’université peut gagner le même salaire voire plus qu’un ministre ou un président de la République, comme en Suisse, je suis convaincu que le fauteuil présidentiel ne sera plus envié et convoité. Nous avons oublié que la politique est une profession de foi (comme la prêtrise), c’est un service à rendre à la nation. Le président de la République est un employé de ses compatriotes qui les commandent via la Constitution et les institutions. Nous avons tendance à ne pas le rappeler.

J’ai toujours défendu l’idée de constituer l’union de l’opposition. J’ai même fait une longue proposition sur cette question bien avant la rencontre de Genval, car « l’Union fait la force », selon la devise des Belges. Le tribalisme, c’est-à-dire le chacun pour soi risque de tuer le Congo qui est l’unique puissance régionale en Afrique centrale. Malheureusement, nous Congolais n’avons pas encore compris cela. C’est par la loi et la proportionnalité que nous parviendrons à vaincre progressivement le tribalisme tout en gardant la tribu. C’est en tenant des débats sans état d’âme et sans injure que nous éviterons de tourner en rond. La construction du Congo et le maintien de son unité sont notre responsabilité commune.

Certains compatriotes proposent avec enthousiasme la décentralisation comme solution pour lutter contre le tribalisme. Mais ils se trompent très lourdement, car ce concept est loin de résoudre le problème de tribalisme. Dans bien des cas, la décentralisation se transforme en un simple transfert du pouvoir central vers les provinces avec tous ses méfaits. Si le pouvoir central est tyrannique, le pouvoir sera aussi tyrannique dans les entités administratives décentralisées. C’est sûr. La politique de décentralisation n’est pas le meilleur outil pour lutter efficacement contre le tribalisme. En effet, comme le dit Angelo Bonfiglioli dans son livre Gouvernance décentralisée et développement local, « Les modes ou les degrés de la décentralisation sont nombreux. On peut distinguer :

« Une décentralisation/déconcentration : il s’agit d’un type de décentralisation qui n’est qu’une exécution des services et fonctions du gouvernement central par des fonctionnaires affectés dans les administrations décentralisées ;

  • Une décentralisation/délégation : il s’agit d’une délégation des services et fonctions du gouvernement central aux administrations décentralisées, avec transfert de ressources nécessaires (ceci étant le modèle de la décentralisation dans la tradition juridique francophone) ;
  • Une décentralisation/dévolution : il s’agit d’un véritable transfert de pouvoirs, autorité, fonctions, responsabilités et ressources aux administrations décentralisées, à savoir des entités légales avec pouvoir de traduire et être traduites en justice (ceci étant le modèle de décentralisation prévalent de la tradition juridique anglo-saxonne) ».

C’est pour répondre aux manquements de ces différents modes et pour mieux équilibrer la distribution du pouvoir entre les tribus, les ethnies et les régions linguistiques que les politistes proposent le recours à la proportionnalité [Ceux qui veulent en savoir plus sur ce sujet peuvent se référer à mon livre « Gouvernance, action publique et démocratie participative », éditions Dictus Publishing, Saarbrücken (Allemagne), 2e édition, 2012].

Vous l’avez compris, je suis un défenseur de l’État unitaire. À mes compatriotes, je ne cesse de répéter ces mots simples : « Aimons le Congo comme nous aimons notre être ».

Lu pour vous : Jules Marchal, E.D. Morel contre Léopold II. L’histoire du Congo (1900-1910)

1 Oct
Comptes rendus
Ouvrages généraux

Jules Marchal, E.D. Morel contre Léopold II. L’histoire du Congo (1900-1910)

Paris, L’Harmattan, coll . Zaïre, histoire et société, 1996, 2 vol. in 8°, 364 et 463 p., ill.
Michel Van der Vennet
p. 222-223
Référence(s) :

Jules Marchal, E.D. Morel contre Léopold II. L’histoire du Congo (1900-1910). Paris, L’Harmattan, coll . Zaïre, histoire et société, 1996, 2 vol. in 8°, 364 et 463 p., ill.

Texte intégral

1Jules Marchal, ancien administrateur territorial au Congo belge, coopérant et diplomate, a publié depuis 1985 sept ouvrages relatifs à l’histoire de l’État Indépendant du Congo (E.I.C.). Parus en néerlandais sous le pseudonyme de A.M. Delathuy — devoir de réserve oblige — ces livres n’ont connu qu’une diffusion restreinte. Aussi notre auteur a-t-il entrepris la tâche de les traduire lui-même en français. E. D. Morel contre Léopold II. L’Histoire du Congo 1900-1910 que publient les éditions L’Harmattan est la version française mise à jour de son premier livre paru aux éditions EP0 en 1985 sous le titre E. D. Morel tegen Léopold II en de Kongostaat. Les autres traductions sont en bonne voie. (Jules Marchal a obstinément dénié à son éditeur le droit de faire relire le texte par un lecteur professionnel. La qualité de la rédaction s’en ressent.)

2Le livre de Jules Marchal est appelé à devenir un ouvrage de référence pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’État Indépendant du Congo et à sa reprise par la Belgique en 1908 suite à la campagne menée par le journaliste anglais Edmund Morel pour dénoncer le système de travail forcé pratiqué dans l’E.I.C. et les atrocités que ce système de « mise en valeur » engendrait : mains coupées, prises d’otages et expéditions punitives.

3La méthode adoptée par l’auteur est particulièrement féconde ; l’ouvrage s’ordonne en courts chapitres aux contenus très délimités : « L’Affaire Rabinek », « La genèse de la Commission d’Enquête », « Morel contre la Compagnie du Kasaï », « Avec Arthur Conan Doyle contre Jules Renquin », etc. L’argumentation s’appuie sur de longues citations puisées aux sources originales. La matière étant particulièrement touffue, Jules Marchal nous pilote à travers le dédale des archives officielles et privées conservées à Bruxelles, Londres et Washington, les journaux du temps dont le fameux West African Mail — le journal de Morel —, les archives des congrégations missionnaires, des lettres et journaux de voyages restés inédits ou difficilement accessibles, et la masse de livres, pamphlets, libelles, textes de conférences auxquels ont donné naissance la campagne anti-congolaise et la vigoureuse contre-propagande que lui opposaient Léopold II et son entourage. Cela nous donne un ouvrage de plus de huit cents pages, en deux volumes, assorti d’un index de deux mille entrées, extrêmement précieux pour le lecteur désireux de situer précisément un événement, une publication ou le nom d’un protagoniste oublié. Parmi eux, nombre d’essayistes belges dont Arthur Vermeersch ou Charles Lemaire, Édouard Descamps ou Émile Vandervelde, Léon de Béthune ou Edmond Picard ; parmi les grands noms de la littérature étrangère, on retrouve ceux de Paul Claudel, de Joseph Conrad, de Pierre Mille, de Charles Péguy, d’Arthur Conan Doyle, etc.

4En refermant le livre, le lecteur aura le sentiment d’avoir été introduit à un pan non pas oublié, mais soigneusement occulté de notre histoire nationale. Si l’on excepte, en effet, le récit fait par Morel lui-même de son combat contre le « Roi-Souverain » (cf. W.R. Louis et J. Stengers, E. D. Morel’s History of the Congo Reform Movement. Oxford, 1968 ; après la Première Guerre mondiale, Morel avait jugé inopportun de publier sa propre relation des événements ; on en trouvera une interprétation dans l’édition critique qu’en donnent Louis et Stengers), le livre de S. Shaloff (Reform in Leopold’s Congo. Richmond, 1970), et le Rood Rubber de Daniel Vangroenweghe (Leopold II en zijn Kongo. Brussel en Amsterdam, 1985 ; traduction française : Du sang sur les lianes. Bruxelles, 1986), dont le projet était plus limité que celui de Jules Marchal mais qui, ayant été rapidement traduit en français, a eu plus de retentissement, il aura fallu près de cent ans et l’acharnement d’un historien non professionnel pour mettre à la disposition du public toutes les pièces d’un dossier qui a divisé la Belgique à l’aube de ce siècle et qui suscite encore les passions aujourd’hui.

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Pour citer cet article

Référence papier

Michel Van der Vennet, « Jules Marchal, E.D. Morel contre Léopold II. L’histoire du Congo (1900-1910) », Textyles, 15 | 1999, 222-223.

Référence électronique

Michel Van der Vennet, « Jules Marchal, E.D. Morel contre Léopold II. L’histoire du Congo (1900-1910) », Textyles [En ligne], 15 | 1999, mis en ligne le 19 juin 2012, consulté le 30 septembre 2017. URL : http://textyles.revues.org/1219

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Construire une coopération particulière entre la RD Congo, l’Angola et le Congo-Brazzaville

25 Août

Construire une coopération particulière entre la RD Congo, l’Angola et le Congo-Brazzaville

Par Pr Fweley Diangitukwa (politiste et écrivain)

http://www.fweley.wordpress.com

4 mars 2012

Dans cet article, je défends l’hypothèse suivante : Seule la construction progressive de futurs États-Unis d’Afrique centrale stabilisera cette région qui est la plus riche en ressources naturelles et en plantes médicinales. Cette construction contribuera au décollage économique du continent africain. L’avenir de l’Afrique centrale passera par la construction d’une coopération particulière entre la RD Congo, l’Angola et le Congo-Brazzaville qui constituent le noyau de futurs États-Unis d’Afrique centrale.

 Diagnostic du problème

Depuis son accession à l’indépendance, le 30 juin 1960, le Congo va mal. Ce pays connaît une instabilité permanente des institutions politiques. Malgré les richesses naturelles que ce pays regorge, les conflits sont réguliers et la misère est un lot quotidien. Si les conflits politiques que connaît la RD Congo ont plusieurs origines, sur le plan strictement intérieur, ils sont de trois ordres :

– La convoitise des ressources naturelles par les puissances étrangères et l’incompétence des dirigeants au moment de leur accession à la tête de l’État,

– la mauvaise gouvernance et la permanence des conflits qui donnent régulièrement naissance à l’insécurité,

– le pillage, le vol, la corruption et le règne de l’impunité.

La stabilité de la RD Congo se trouve dans la construction d’une intégration régionale réfléchie et conséquente des pays situés à l’Ouest de l’Afrique centrale. Une telle démarche nécessite une coopération avantageuse entre l’Angola, le Congo-Brazza et la RD Congo. Cela doit commencer par un rapprochement, dans les trois pays, des autorités politiques qui partagent la même vision de l’avenir.

 

Problème de leadership en RDC

Au lendemain de l’indépendance, le Congo manquait un personnel qualifié pour diriger le pays. La gestion du Congo était remis entre les mains des dirigeants qui, pour certains d’entre eux, avaient une idée souvent vague et imprécise des responsabilités à assumer et du fonctionnement des institutions de l’État. Le Congo n’était pas encore un État-nation et à cause d’un manque d’unité nationale, quelques provinces étaient vite entrées en sécession : le Katanga et le Kasaï. La province du Kivu était dans une instabilité totale et était très vite devenue un lieu de refuge pour les rebelles.

D’une décennie à l’autre et d’un régime à l’autre, le Congo est devenu une République des copains. Le président Joseph-Désiré Mobutu a gouverné le Zaïre en s’appuyant d’abord sur les compagnons de la révolution et ensuite sur les cadres du MPR. Le président Laurent-Désiré Kabila a gouverné le Congo en s’appuyant d’abord sur les fondateurs de l’AFDL et ensuite sur les cadres des CPP. Depuis la mort de ce dernier, le Congo est dirigé par un petit groupe obscur autour du président Joseph Kabange Kabila (CPP, PPRD et MP). Le réseau du pouvoir fait régulièrement appel aux amis et tous s’unissent pour gouverner la République en protégeant uniquement leurs propres intérêts. Il en résulte une solidarité partisane qui aboutit à l’impunité généralisée des dirigeants. Les hommes du pouvoir s’enrichissent rapidement et illicitement. Les officiers de l’armée sont cooptés par les hommes du pouvoir pour former un corps commun contre la volonté du peuple. Ce sont généralement les faibles qui font la prison et rarement les hommes du pouvoir qui commettent des crimes au nom de l’État. Si rien n’est fait, l’instabilité politique de la RDC va entraîner l’instabilité politique des pays situés à l’Ouest de l’Afrique centrale, notamment l’Angola et le Congo-Brazzaville.

 Pourquoi l’actuel chef de l’État de la RD Congo ne peut pas convaincre les Congolais ?

Les Congolais savent que l’actuel chef de l’État ne connaissait pas le Congo avant son arrivée en 1996, car il est né et a grandi à l’étranger. A son arrivée au Congo, il ne parlait aucune langue nationale et son kiswahili avait un fort accent de Tanzanie où il a vécu. Il ne connaissait pas l’histoire du Congo et, malgré tous ses efforts et plusieurs années de pouvoir, il accuse toujours beaucoup de lacunes et d’incompétence. Pour diriger le Congo, il s’appuie sur un réseau relationnel, au Congo et à l’étranger. Les Congolais ne lui reconnaissent pas une formation militaire complète et certifiée. En plus, il est instable dans ses choix (voir contrat avec les Chinois après avoir collaboré avec les pays européens pendant la campagne électorale en 2006).Tous ces handicaps les placent dans une incapacité à convaincre les Congolais sur ses politiques publiques qui paralysent et bloquent complètement le fonctionnement des institutions du pays. Il recourt régulièrement à la violence aveugle pour imposer son pouvoir : massacres des adeptes des Bundu dia Kongo dans la province du Kongo central et dans le grand Kasaï, assassinat des activistes des droits de l’homme (Floribert Chebeya et son chauffeur Bazana, etc.), des opposants (Tungulu, etc.) et emprisonnement des opposants (l’avocate Marie-Thérèse Nlandu, le pasteur Kuthino, etc.)[1], achat des journalistes, corruption des certains leaders des partis politiques, etc. Si ces manœuvres peuvent donner l’illusion de maîtriser les enjeux, elles ont cessé de convaincre les Congolais. Ceux-ci se souviendront toujours de complicités entre le pouvoir de Joseph Kabange Kabila et le régime de Kigali et de Kampala ainsi que de déboires de l’armée congolaise dans la conquête des territoires occupés, à cause des stratégies alambiquées mises en place par le pouvoir pour piéger les soldats au front.

A force de recourir à la force, le président Joseph Kabange Kabila à hypothéquer l’avenir du Congo. Il ne compte plus que sur un petit groupe de parvenus qui lui fait croire qu’il est populaire là où le peuple l’a déjà complètement vomi. Les fraudes électorales de 2011 (qui sont les plus honteuses du monde) ont renforcé le mépris du peuple vis-à-vis d’un régime qui ne respecte pas les droits de l’homme et qui se moque des préoccupations des Congolais. Si rien ne change, une révolution sans précédent risque de déstabiliser les pays situés à l’ouest de l’Afrique centrale, notamment l’Angola et le Congo-Brazzaville. D’où la nécessité et l’urgence de mettre fin à son régime ignoble et tyrannique.

Nécessité de renforcer la coopération trilatérale entre l’Angola, le Congo-Brazzaville et la RD Congo

Le pouvoir congolais privilégie des relations avec les anciens pays colonisateurs et les réseaux économiques étrangers là où il convient de s’appuyer prioritairement sur la coopération avec les pays limitrophes comme l’Angola et le Congo-Brazza avec lesquels il partage les mêmes avantages en matière de ressources naturelles et un même passé historique afin de garantir les intérêts, le développement et la souveraineté des uns et des autres. Il en résulte une coopération en dents de scie avec la Belgique, frileuse ou chancelante avec les autres États. Les relations entre le Congo et les partenaires étrangers n’ont jamais été  stables. Elles sont avantageuses aux pays occidentaux et désavantageuses pour la RD Congo. En plus, elles changent suivant les humeurs des acteurs politiques et les problèmes à traiter. Il est temps de privilégier les relations entre pays africains afin de construire une Afrique nouvelle qui sera enviée par les anciennes puissances coloniales. Dans cette voie, et en imitant le développement des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), l’Angola et la RD Congo peuvent (et doivent) devenir des pays pionniers.

Aucun pays ne peut se suffire à lui-même. D’où la nécessité d’une coopération. Parce que, traditionnellement, la coopération est réfléchie et mise en place par ceux qui sont à la tête de l’État, il faut, de part et d’autre, en Angola, au le Congo-Brazza et en RD Congo, des autorités politiques qui partagent la même vision pour asseoir la souveraineté de nos États et accélérer le développement de nos pays.

Les domaines de coopération sont nombreux. En réalité, il est impossible de les évoquer tous ici. Dans un grand pays comme la RD Congo, qui possède un immense fleuve et un immense barrage hydroélectrique à Inga, l’État doit être amené à privilégier la distribution de l’énergie hydroélectrique pour accélérer l’industrialisation. En combinant la possession des ressources pétrolières et l’énergie hydroélectrique, les moyens de transport public seront rendus faciles en Angola, au Congo-Brazza et en RD Congo : trams et bus en ville, trains électriques interconnectés [voir plus loin]. Dans ce domaine spécifique, une coopération active est nécessaire.

S’appuyer sur l’intégration régionale pour résoudre la question de l’immigration

Il existe en RDC de nombreux Angolais et de nombreux Congolais du Congo-Brazza et vice-versa, il existe en Angola et au Congo-Brazza de nombreux Congolais de la RDC. Non seulement nos trois pays ont une histoire commune, un passé commun, mais en plus ceux qui traversent régulièrement les frontières connaissent à la fois les institutions de deux Congo et les institutions angolaises. Nous devons nous appuyer sur leur expérience et sur la solidarité pour renforcer la coopération trilatérale. Certains projets doivent être présentés et soutenus par ce bilais afin d’éviter certains conflits autour de la question migratoire, sans toutefois négliger certains dossiers importants qui seront examinés au niveau des États. Le partenariat basé sur le codéveloppement réduira l’émigration des Congolais vers l’Angola et vers le Congo-Brazza tout en renforçant la main-d’œuvre dont chaque pays pourrait avoir besoin. Dans ce domaine, le renforcement de la coopération est la voie à suivre.

Les deux Congo et l’Angola possèdent des ressources naturelles ainsi que des plantes médicinales qui profitent plus aux anciens pays colonisateurs et à d’autres pays étrangers qu’aux nationaux qui les exploitent pour le compte des pays capitalistes. Il est temps de penser à les protéger et à les transformer en produits finis afin d’augmenter leur plus-value qui sera répercutée sur le niveau de vie des nationaux. La transformation des ressources naturelles en produits finis ou semi-finis et des plantes médicinales en médicaments (génériques) permettra à nos citoyens d’avoir un pouvoir d’achat réel et à se soigner. Plusieurs projets seront examinés dans différents domaines comme l’agroalimentaire, la pêche, le conditionnement des produits frais, le transport, la formation (électricité et informatique en particulier), la création des pôles d’excellence dans certains domaines, etc. Des exemples concrets de coopération entre les entreprises angolaises et congolaises seront précisés dans un futur proche.

Notre but est d’œuvrer pour que la tête de l’État soit occupée par les femmes et les hommes congolais compétents, intègres, qui cultivent une autre vision des relations entre l’Angola et les deux Congo et qui sont surtout capables de changer le destin de nos pays respectifs dans le sens de la stabilité et d’une prospérité communément partagée.

Que proposons-nous ?

  1. Construire ensemble notre indépendance et notre souveraineté

Les conflits de la mondialisation sont de deux ordres : une dominance économique d’une part et une dominance politique de l’autre. La dominance économique concerne les nations qui ont des ressources financières considérables et les nations qui n’en ont pas. Les premières peuvent investir le surplus dans les pays tiers et exploiter la main-d’œuvre dans les pays pauvres. Là où les pays pauvres souhaitent une exploitation nationale de leurs richesses, les pays riches mettent en place des structures d’exploitation globale qui ne tiennent plus compte des frontières nationales. L’appropriation des ressources appelle des conflits et des guerres perpétuelles. Le commerce du diamant, du bois d’œuvre, de l’or, du pétrole (Koweït, Irak, etc.), de la drogue (Afghanistan), du coltan en ce qui concerne le conflit entre le Rwanda et la République « démocratique » du Congo, mais également la délimitation des zones de pêche et la gestion de l’eau entraînant la guerre de l’eau[2] sont quelques-uns de ces conflits de la mondialisation. Ainsi les forêts tropicales en Amérique latine, en Afrique et en Asie sont détruites, comme l’illustrent l’exploitation et l’approvisionnement en bois par les Japonais dans toute l’Asie du Sud-Est, de même la Thaïlande qui, tout en protégeant sa propre forêt exploite celle de son voisin le Cambodge, la déforestation de la forêt équatoriale africaine par les compagnies européennes ou encore celle de l’Amazonie par les compagnies nord-américaines. Les Africains sont dépossédés de leurs ressources naturelles et de leur bois sans qu’ils en profitent sérieusement car les prix sont fixés par les puissances étrangères. « Des révoltes d’esclaves aux innombrables jacqueries, les luttes entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas sont une des constantes de l’histoire humaine. Karl Marx en fait même le moteur de la transformation sociale. »[3] Si, depuis la petite République romaine qui avait soumis puis dominé tous ses voisins, toute l’Histoire de l’humanité est traversée par l’exploitation des peuples pauvres par les peuples riches, des États pauvres par des États riches, l’asservissement et la soumission des régions pauvres par des régions riches, cette exploitation et cette soumission sont devenues plus grandes et plus pernicieuses depuis la révolution industrielle qui, à partir du XVIIIe siècle, a radicalement changé le mode de pensée et les relations entre les nations et entre les continents. La mondialisation économique qui multiplie les flux contribue à la porosité des frontières. Il est temps pour nos pays de se réapproprier la maîtrise de notre histoire et de définir notre destin suivant nos attentes et non pas en fonction de celles des autres puissances qui ont toujours voulu dominer l’Afrique.

Les pays qui ont des ressources financières ne sont pas toujours ceux qui possèdent des ressources naturelles ou des matières premières et ces pays vivent un dilemme, ils savent qu’ils doivent investir dans les pays où se trouvent des ressources minières dont ils ont besoin, mais ils savent d’autre part que s’ils y investissent beaucoup, ils entraîneront un développement de ces pays qui, par leur enrichissement, finiraient par concurrencer les pays industrialisés, alors ceux-ci exploitent simplement les matières premières dans les pays du Tiers-Monde et s’arrangent à les transformer en produits finis dans leurs propres pays pour éviter le transfert de technologie, autrement ils élèvent de nouvelles barrières à travers les inventions technologiques et la détention des brevets qui assurent leur avance dans la compétition mondiale. Voilà pour quelle raison les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l’Italie, etc. refusent de raffiner sur place le pétrole africain (Nigeria, Gabon, Guinée équatoriale, Congo, Angola, etc.). Toutefois, dans le système actuel d’exploitation, « les peuples nigérian, angolais, congolais et autres, ne disposent même pas de l’énergie dont ils ont besoin alors qu’ils en exportent des volumes considérables ! »[4]. Certains pays, notamment les pays asiatiques, refusent de respecter les brevets et n’hésitent pas à copier sans gêne des produits dont ils ont besoin, mais qu’ils reçoivent en qualité rationalisée. Par la contrefaçon, non seulement ils s’enrichissent, mais en plus les mêmes produits de piratage sont vendus dans les pays industrialisés pour se procurer des devises. Cette politique fait naître des conflits entre les pays industrialisés et les nouveaux pays en développement. On a ainsi assisté à plusieurs batailles des copyrights entre les États-Unis et la Chine, les premiers mettant en cause la seconde pour la fabrication clandestine de disques compacts et de cassettes vidéo entraînant le non-paiement des droits d’auteurs. La politique de délocalisation est loin de résoudre le problème, car la délocalisation profite plus à l’entreprise qui délocalise qu’au pays qui reçoit cette délocalisation.

Quelle est notre politique économique face aux enjeux de la mondialisation des marchés ? Pour répondre à cette question, nous devons (pays africains) mener la réflexion ensemble et ériger des barrières qui protègent les intérêts de nos États.

  1. Mettre en place un programme de rapprochement

Le programme de rapprochement peut se décliner et s’exprimer à travers une expression d’une forte union régionale entre l’Angola, la RDC, le Congo-Brazzaville, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Cameroun, par la coopération intense tous azimuts avec les pays bénéficiant d’un socle marin, par le partage des flottes (aérienne, maritime) avec ces pays côtiers afin de faciliter le commerce et le transport avec l’extérieur et par l’utilisation commune des réseaux interconnectés de communication. Dans cette voie, l’Angola et les deux RD Congo doivent être des pays pionniers.

L’Angola et les deux RD Congo n’ont pas le problème d’espaces comme au Rwanda et au Burundi. La densité démographique des pays se situant à l’Est de la RDC et l’ambition expansionniste du Rwanda n’incitent guère à opter pour un rapprochement avec ce pays, car il est de notoriété publique que le Rwanda a une tradition belliqueuse. Un argument de la sociologie démontre la véracité de ce propos. Pour contrôler les troupeaux, les pasteurs rwandais devaient être armés et en cas d’attaque des troupeaux, les pasteurs-guerriers devaient livrer bataille contre les voleurs. Par extrapolation, cette tendance à la violence s’est transformée en une culture intrinsèquement belliqueuse qui pousse de nombreux habitants rwandais à défendre leurs droits et leurs avantages par la violence. Cette observation d’ordre purement protecteur ne clôt cependant pas le débat autour de la question des guerres au Rwanda, car on retiendra que chaque incursion guerrière déclenchée par le Rwanda a été suivie d’une volonté de verser le surplus de sa population sur le territoire congolais. La stratégie militaire rwandaise, à l’instar de la politique israélienne dans les territoires occupés, est le paravent d’une stratégie géopolitique beaucoup plus réfléchie visant à réduire la densité de sa population congolaise au km2. Or, l’État congolais a incontestablement une culture de paix et ce pays a toujours tenté, à travers l’histoire, de maintenir des relations pacifiques avec ses voisins. Hormis l’incitation étrangère qui poussa l’armée de Mobutu à aligner des troupes dans les pays étrangers, jamais le Congo n’a attaqué ses voisins.

  1. Construire l’avenir à côté des gens avec lesquels l’entente est possible

La proximité des capitales dans l’Ouest du continent est un argument qui justifie le choix du socle marin. En optant pour ce dernier choix, la RDC aura non seulement des partenaires fiables, mais elle plantera plus solidement des piliers qui les maintiendront en équilibre. Ce qui précède revient à dire que la relance de l’Union économique et douanière de l’Afrique centrale transformée en 1976 en « Communauté économique des pays des Grands Lacs »[5] (CEPGL), peu viable et peu fiable, dont les économies et le système politique basé dans certains pays sur la gestion de l’espace politique par une ethnie qui exclut l’autre pendant son règne, est difficile à soutenir parce qu’il n’y a plus d’arguments convaincants qui justifient la relance de la CEPGL.

Il semble que la RDC n’a pas encore tiré la leçon de l’invasion rwandaise de 1998. Tout en violant l’intégrité du territoire congolais, les rebelles rwandais ont traversé orgueilleusement et sans scrupules tout le territoire congolais d’Est à l’Ouest et ont occupé la base militaire de Kitona avant d’entamer leur progression vers Kinshasa. Sans l’intervention de l’Angola, les soldats rwandais auraient marché sur Kinshasa, prendre le pouvoir et se mettre à gouverner le Congo en s’appuyant sur des Congolais sans morale. Ce que la RDC vit aujourd’hui n’est pas loin de ce scénario, car le Rwanda gouverne la RDC par personnes interposées.

Les raisons évoquées ci-dessus sont suffisantes pour rapprocher davantage la RD Congo de l’Angola et du Congo-Brazza. En effet, dans la répartition des pays africains, la République démocratique du Congo appartient à la configuration des pays de l’Afrique centrale (Cameroun, Centrafrique, Guinée équatoriale, Sào Tomé et Príncipe, Gabon, Congo-Brazzaville et Angola) tandis que le Burundi et le Rwanda appartiennent à la configuration des pays de l’Afrique de l’Est. En plus, la fracture au milieu des pays des Grands Lacs ne date pas d’aujourd’hui, elle existait déjà à l’époque des grandes migrations africaines comme l’affirment les historiens spécialistes de cette époque[6]. Maintenant que la CEPGL, créée en 1976 entre le Zaïre, le Rwanda et le Burundi, est frappée de plein fouet par le bouleversement géopolitique dans la région des Grands Lacs, la RDC doit tout simplement s’en détourner et nouer un nouvel accord avec l’Angola, le Congo-Brazzaville, le Gabon, la Guinée Equatoriale, Sào Tomé et Príncipe et le Cameroun. Ce regroupement-ci sera économique et il pourrait être appelé « Communauté économique des pays côtiers de l’Afrique centrale » (CEPCAC). Une telle communauté serait plus bénéfique, car les populations partagent depuis des siècles une même sous-culture et ces pays sont habités par des peuples ayant la même origine proto-bantu dont le bassin se situait jadis au Cameroun ; ils partagent le même goût musical et les mêmes intérêts pour l’océan, aussi la même passion pour le sens des affaires (business comme les Anglais disent), aussi une absence des conflits passionnels entre les ethnies vivant sur le même territoire national. Une étude linguistique montre une ressemblance sémantique dans le vocabulaire entre les deux Congo, l’Angola, et le N’G(ab)on. On retrouve pratiquement la succession des mêmes lettres et des mêmes consonances dans les langues bantu, par exemple « n-g-o » – la même résonance linguistique dans les langues parlées par les populations locales –, on trouve des noms comme Pambu ou Pambou en Angola, à Cabinda, au Mayombe (RDC), au Congo-Brazzaville et au Gabon. On trouve les Bakongo et les Bateke dans toutes les régions côtières de ces pays. Les attachements culturels et linguistiques qui rapprochent les populations sont des atouts indéniables pour la construction de l’intégration régionale qui pourrait s’inspirer du modèle de l’Union douanière de l’Afrique australe (SACU). Comme pour l’ALENA et l’Union européenne qui sont des communautés relativement homogènes, les pays situés en Afrique centrale ont dans leur ensemble plus de caractéristiques communes, plus de ressemblances culturelles, plus de rapprochements dans leurs configurations ethniques et religieuses et, comme on a l’habitude de le dire, « ce qui se ressemble, s’assemble ». Les langues parlées en Afrique centrale sont des langues bantu. Sur le plan économique, tous ces pays possèdent diverses richesses : terres fertiles, bois, plantes médicinales, faune, flore, etc. Ils sont tous producteurs de pétrole et sont traversés par la forêt équatoriale. Ils ont des ressources minières immenses et d’importantes ressources en eau douce. Le fleuve du Congo recèle à lui seul presque 30 % des ressources en eau douce de l’Afrique. Les pays de l’Afrique centrale ont une vocation agricole. L’exploitation et la gestion de toutes ces ressources doivent être le point d’ancrage d’une intégration régionale réussie. En plus, les peuples des côtes atlantiques vivent dans une harmonie parfaite, de l’Angola au Cameroun ; de la même façon, les peuples riverains du fleuve Congo s’entendent comme des oiseaux de même plumage. Si tous ces avantages sont mis ensemble, ils deviendront très rapidement l’ensemble régional le plus prospère du continent africain. Les armées intégrées dans cette communauté d’intérêt garantiront la sécurité et lutteront contre toute tentative d’invasion ou d’exploitation, elles se mettront au service des économies nationales. C’est la seule voie qui donnerait une autonomie réelle et un dynamisme dans le développement politique et économique de la région. Seule la mise en place d’un nouvel état d’esprit assurera la stabilité et le développement des pays d’Afrique centrale.

Dans ce nouveau regroupement, l’accord de libre-échange sera la première étape et, à la longue, d’autres volets pourront être expérimentés. Peut-être qu’avec les décennies et la volonté de coopérer davantage et de vivre ensemble naîtra une forme de fédération d’intérêts réciproques, les États-Unis d’Afrique centrale en quelque sorte. Ne faudrait-il pas d’abord consolider les groupes régionaux avant de créer les États-Unis d’Afrique ? L’Afrique doit avoir l’ambition de ses pensées et le courage de bousculer les frontières léguées par l’histoire coloniale. Dans cette perspective, l’Angola et les  deux Congo doivent jouer un rôle des pays pionniers.

  1. La naissance d’une pensée géopolitique rationnelle et conséquente doit commencer par la recherche d’un large socle marin

Il est largement admis que « seules de grandes unités sous-régionales et régionales peuvent construire des contrepoids aux effets de la domination extérieure »[7]. Une telle construction est possible si elle est accompagnée d’une réelle volonté politique et si les États concernés par ce projet s’unissent et invitent leurs nationaux à participer à ce rêve commun qui permettra de mieux lutter contre les abus du pouvoir et les ingérences étrangères négatives sur les économies nationales. Mais un tel projet nécessite préalablement une intégration nationale, car celle-ci facilitera l’intégration régionale. L’association de libre-échange ou zone de libre-échange est généralement la première étape du processus d’intégration, tandis que l’intégration politique totale est l’ultime stade de l’intégration. A ce niveau, les pays membres harmonisent l’ensemble de leurs politiques économiques et ils forment un bloc indissociable face au reste du monde. L’intégration régionale qui souscrit à la politique de libre-échange est un réel vecteur de la croissance économique et du développement parce qu’elle élargit la dimension du marché et parce qu’elle stimule les économies nationales.

Les pays côtiers de l’Afrique centrale doivent réfléchir ensemble au paysage d’un réseau de chemins de fer interconnectés, en commençant par l’harmonisation des politiques nationales de transport et de communication afin d’avoir dans le futur un réseau intégré à partir duquel seront établies des liaisons nouvelles. Ces pays ont des atouts dans ce domaine : ce sont des pays qui peuvent être tous reliés depuis les côtes, ils ont des ports importants[8] : Port Gentil au Gabon, Pointe-Noire au Congo-Brazzaville, Banguela et Lobito en Angola, Muanda (à construire pour la RD Congo). Il est important de savoir qu’en Afrique australe, « l’interconnexion fin 1995 des réseaux sud-africain et Zimbabwe fut la première étape d’un projet d’intégration des réseaux du Nord (Congo, Zambie) et du Sud (Botswana, Namibie) »[9].

Tous les pays côtiers de l’Afrique centrale seront reliés par des routes qui longeront les lignes de chemins de fer et un réseau routier reliant le port et l’intérieur de chaque pays. En République démocratique du Congo, une ligne de chemin de fer à double voie reliant Lubumbashi au port de Lobito en Angola et une autre à Muanda en passant par Kolwezi, Kikwit, Kinshasa et Matadi, constitueront non seulement un couloir d’écoulement des produits agricoles et miniers vers l’Océan [la principale fonction des chemins de fer est d’assurer la relation entre les zones de production et les ports d’exportation] mais en plus elles faciliteront le déplacement des personnes, car le brassage des populations stimule l’économie et encourage l’innovation.

Le développement du transport par l’amélioration des voies des communications entraîne une baisse du coût des transports et des prix des marchandises, mais il favorise aussi l’internationalisation des firmes, la diffusion de l’informatique qui, aujourd’hui, est l’unique moyen qui autorise l’échange d’informations en temps réel, d’un bout à l’autre de la planète[10].

  1. Garantir l’intégration régionale par l’intégration énergétique

Grâce au barrage d’Inga, il est possible de construire des centres d’excellence – des centres de recherche autour de ce site et tout le long de la côte atlantique, allant de l’Afrique du Sud jusqu’au Cameroun. Le projet existe, il suffit de le réaliser : « Une ligne Aries-Kokerboom (Windhoek), de 900 kilomètres et 400 kilomètres, reliant l’Afrique du Sud à la Namibie, forme un tronçon essentiel de la future voie de transmission pour le transit de l’électricité produite à Grand Inga (République démocratique du Congo) vers l’Afrique du Sud le long du couloir occidental du réseau d’interconnexion (République démocratique du Congo-Angola-Namibie-Afrique du Sud) »[11]. Les capacités du barrage d’Inga demeurent sous-exploitées alors que ses ressources énergétiques optimales sont capables de garantir un approvisionnement suffisant à tous les pays de la région. Malgré les potentialités considérables du barrage d’Inga, « la part de l’Afrique dans la consommation mondiale d’énergie commerciale n’est que d’environ 3 % »[12]. Les populations des pays de l’Afrique centrale utilisent encore la biomasse (feu de bois, charbon) pour leur cuisson dans une région qui devrait connaître un surplus de production d’électricité. L’usage de la biomasse contribue à la destruction de la forêt environnante. La distribution régulière de l’électricité est l’unique moyen de freiner la destruction de la nature. Il est urgent d’attirer l’attention des populations sur les méfaits de l’usage de la biomasse par le biais des séminaires et des ateliers. La négligence des autorités en matière de distribution fait de l’Afrique « le premier consommateur au monde d’énergie de biomasse, cette dernière représentant pratiquement 90 % de la consommation énergétique finale de l’Afrique subsaharienne (à l’exception de l’Afrique du Sud »[13] alors que la consommation de la biomasse n’est que de 5 % en Afrique du Nord.

En accord avec l’Angola et le Congo-Brazza, qui sont des producteurs pétroliers significatifs, en insistant sur les affinités culturelles avec la RDC, pays voisin situé entre les deux autres, il faut construire nos propres raffineries pétrolières afin d’approvisionner les pays de la région en produits pétroliers raffinés dans la région. Au-delà, ces pays doivent créer une entreprise commune de fabrication de voitures, de trains, de bateaux, d’ordinateurs et de différents gadgets utiles au développement de la région. Le raffinage du pétrole angolais, congolais, gabonais, guinéen équatorien est encore assuré en Europe et aux États-Unis par des compagnies pétrolières occidentales qui profitent plus des retombées financières au détriment des populations locales. En mettant leurs efforts ensemble, les pays de la CEPCAC doivent s’organiser pour le raffiner localement et le commercialiser en tant que produit fini.

L’intégration énergétique facilitera la construction d’oléoducs et de gazoducs. Un tel projet peut recevoir, comme dans le cas de l’Afrique de l’Ouest, un financement de la Banque mondiale s’il est bien présenté. C’est par la cohérence et l’originalité que les Africains échapperont à la domination économique des pays développés et c’est par les mêmes moyens qu’ils éviteront l’exploitation de leurs ressources naturelles et humaines par les pays développés. L’électrification de l’ensemble des pays permettra à environ 70 %, voire plus, de la population africaine qui vit dans des zones rurales, à être reliée aux centres politiques et économiques par les réseaux modernes de communication (téléphone fixe et portable, Internet, télévision, etc.). Ces populations pourront ainsi s’informer et se former. Mais pour réaliser un tel projet, il faut qu’il y ait de la volonté politique et une réelle incitation à investir dans les zones arriérées. L’électrification progressive permettra l’industrialisation progressive et la transformation des matières premières en produits finis et la commercialisation de ces produits finis permettra à son tour le développement économique des pays. Ce circuit ressemble à ce que l’économiste Paul Prebisch qualifiait de « politiques de substitutions d’importations ». Les pierres qui existent en quantité incommensurable dans quelques-uns de ces pays seront utilisées pour la construction des chemins de fer et pour bitumer les routes carrossables. L’Afrique doit arriver à fabriquer ses propres produits afin de se développer et de participer davantage au commerce mondial.

Jusqu’à présent l’Angola et les deux Congo ont élaboré chacun sa propre stratégie de développement pour assurer ses approvisionnements et importations ; il faut sortir de cette stratégie et investir en commun dans la construction des réseaux du futur et dans la production et la distribution de l’énergie. Il faut électrifier les pays pour faciliter l’extension des infrastructures de communication qui sont jusqu’à présent inexistantes en dehors de grandes agglomérations. Dans certains pays, le nombre de lignes de téléphones fixes ne dépasse pas le 1 % de la population à l’intérieur du pays. La stagnation et/ou le recul des connexions du téléphone fixe pose un problème pour les connexions par Internet et pour l’expédition et la réception d’une télécopie (fax). Devant l’incapacité de l’État, la solution reste dans la privatisation des PTT (l’écrivain camerounais, René Philombé, a qualifié les PTT par l’expression Perds Ton Temps) qui demeurent un monopole de l’État incapable de rendre des services aux clients ou dans l’ouverture des PTT aux investissements transfrontaliers.

  1. Mettre en place une politique de sécurité maritime régionale

Pendant que le reste du monde s’organise, l’Afrique centrale reste dans l’expectative. En tout cas, elle ne fait pas grand-chose pour la sécurité maritime régionale. Mais il n’est pas encore trop tard pour mettre sur pied des patrouilles maritimes conjointes et un dispositif de lutte régionale contre la piraterie. Le volet pétrolier est très préoccupant dans ce domaine. Des pays qui ont une large frontière naturelle avec l’Océan Atlantique, comme l’Angola, le Congo-Brazzaville, le Gabon, Guinée équatoriale, Sào Tomé et Príncipe, le Cameroun, doivent jouer un rôle important en investissant davantage de ressources financières et humaines dans la formation des Garde-côtes et dans la sécurité maritime au niveau régional. Ils le feront dans leur propre intérêt en tant que nations côtières. Il existe des obstacles à aplanir parmi lesquels la mise en place d’un cadre solide de coopération, le manque de savoir-faire, l’absence de fonds et d’équipements. L’absence d’une coopération dynamique entre les pays de l’Afrique centrale permet une exploitation éhontée des richesses naturelles des pays de cette région, en particulier le pétrole et le gaz naturel. On a beaucoup parlé du pétrole koweïtien et irakien pillé par des compagnies étrangères, du coltan volé en RD Congo par le Rwanda et l’Ouganda avec la complicité des États étrangers et des firmes transnationales[14]. Il est temps que les pays africains imposent leurs droits et leurs intérêts au reste du monde afin de garantir leur développement.

A part quelques coups de colère du feu président Omar Bongo contre la compagnie pétrolière ELF-Aquitaine[15] qui exploite à vil prix le pétrole gabonais, la presse africaine et la presse étrangère parlent très peu du pétrole africain devenu une propriété privée des compagnies étrangères. Une meilleure gestion de la dominante pétrolière peut structurer la région côtière de la même façon que la dominante minière de l’économie a structuré le territoire de l’Afrique australe. Si les pays de l’Afrique centrale désirent jouer un rôle moteur pour protéger leurs richesses et leur pétrole, il est important qu’ils travaillent ensemble en commençant par former les Garde-côtes qui s’occuperont de la sécurité maritime en empêchant les actes de piraterie en mer. En Afrique centrale, les problèmes sont nombreux en ce qui concerne la sécurité maritime, mais le plus urgent est sans doute l’absence de cadres compétents. Les Garde-côtes devront travailler avec les services de renseignement de chaque pays en matière de collecte et d’échange d’informations. La formation des Garde-côtes est indispensable pour la sécurité des eaux et des richesses de la région.

L’amélioration des liens entre les pays côtiers de l’Afrique centrale passe par la création d’une école africaine des Garde-côtes. Des étudiants en provenance des pays membres viendraient se former et partager ensemble le souci sécuritaire de la région. En mettant en avant l’idée de s’appuyer sur un réseau régional des Garde-côtes, les pays de l’Afrique centrale tireront des profits économiques énormes par la réduction des actes de piraterie en mer et sur les côtes. La formation des Garde-côtes sera une première étape qui permettra dans le futur de surveiller et de défendre les itinéraires de navigation passant par la région. Il est de notoriété publique que les routes maritimes sont vitales pour l’économie de chaque nation. En mettant leurs efforts ensemble, les pays de l’Afrique centrale pourront songer à créer une industrie commune du transport maritime dont les États membres seront les actionnaires. Si l’Afrique n’a pas de marine de guerre, elle peut au moins se doter d’une marine marchande qui sera protégée par les Garde-côtes de la région. Les richesses marines et sous-marines ne seront mieux protégées que si elles sont surveillées en permanence.

A l’heure où les pays ploutocratiques du monde définissent, dans le cadre de la mondialisation, les lignes maîtresses de ce que seront les grandes orientations de l’économie de demain, l’Afrique doit miser sur la formation de ses propres cadres en matière de sécurité afin de réduire l’entrée frauduleuse des armes qui sont à l’origine des conflits et des guerres et qui retardent le décollage économique de la région.

  1. Créer une armée régionale à l’image de l’OTAN pour protéger les intérêts de la région

Sur la base de l’expérience de l’armée angolaise, avant et après la chute du maréchal Mobutu, qui a pénétré au Zaïre pour étouffer les rebelles de l’UNITA puis au Congo-Brazaville pour étouffer les rebelles du FLEC, il devient possible de construire une armée régionale en Afrique centrale. Les conflits politiques ont permis, dans ces deux pays, de recevoir l’armée angolaise qui a précocement donné une allure de ce que pourrait être l’armée régionale de demain et le rôle qu’une telle armée aura à assurer : sécuriser le régime politique entre les mains des civils, défendre la région et les pays membres contre toute invasion et toute forme d’exploitation, lutter contre la prolifération des armes légères à l’origine des conflits dans la région ; avec la police, l’armée régionale assurera la libre-circulation des marchandises et des personnes car elle augmentera le sentiment d’appartenir à une communauté, ensuite la libre-circulation des personnes accélérera la circulation des connaissances. Si ceci est bien compris, les sept pays (Angola, RD Congo, Congo-Brazzaville, Gabon, Guinée équatoriale, Sào Tomé et Príncipe, Cameroun) mettront les sept armées nationales au service de la sécurité régionale, si ces armées coordonnent leurs actions et leurs tâches, si elles fonctionnent avec un budget important, il est facile d’imaginer les bénéfices que feront les pays de l’Afrique centrale en réunissant plus de 100 millions d’habitants. S’ils ont une flotte maritime et aérienne commune, une armée commune défendant les intérêts de la région, des programmes de recherche communs, les mêmes Garde-côtes pour toute la région, une politique étrangère commune, un échange d’informations en matière de renseignement et de sécurité, une seule diplomatie pour représenter les pays côtiers de l’Afrique centrale – comme les États-Unis pour les négociations commerciales –, s’ils paient une cotisation unique auprès des organisations internationales, les bénéfices seront considérables et le développement de la région foudroyant. Dans cette voie, l’Angola, le Congo-Brazza et la RD Congo doivent jouer le rôle de pays pionniers.

Dans les pays occidentaux, les armées ont compris depuis longtemps qu’elles ne doivent plus se combattre car, si elles le faisaient, elles dresseraient les États les uns contre les autres. Alors, elles perfectionnent leurs armements tout en restant vigilantes puisqu’une folie humaine est toujours possible. Pour s’enrichir, ces armées-là ont compris qu’elles doivent inventer, innover et vendre leur technologie. Une partie de leur technologie est vendue en Afrique. Hélas ! C’est toujours une technologie dépassée, démodée dans le Nord que les pays d’Afrique se procurent, rendant par-là impossible toute idée de victoire en cas de guerre entre le Nord et le Sud. Or, nous sommes dans une phase de guerre économique et technologique depuis que les pays du Tiers-Monde ont réclamé ouvertement leur indépendance. Les Africains oublient souvent cette réalité. C’est pourquoi, les pays du Sud doivent rechercher leur autonomie et celle-ci ne peut venir que d’une organisation militaire (c’est-à-dire dans cette capacité de riposter contre toute attaque d’où qu’elle vienne) dans la mesure où les pays du Nord ont déjà visiblement choisi la force comme unique et dernier moyen d’imposer leur droit et leur domination sur le monde. Pour parvenir à la matérialisation de leur dessein, ils mènent la guerre partout et contre toute personne ou tout groupe organisé qui peut leur résister. L’Afrique n’a pas, à ce stade, la capacité de riposter. Sans faire appel à une puissance occidentale ou sans armes occidentales, aucune guerre ne peut être gagnée en Afrique. Triste constat ! Dans un tel contexte, la souveraineté des États d’Afrique ne sera affirmée que lorsque les pays seront unis et forts, que lorsqu’ils coopéreront et mèneront ensemble la lutte de leur reconnaissance sur la scène internationale. C’est en étant véritablement unis que les pays africains auront les moyens matériels de légitimer juridiquement et militairement leur résistance aux interventions insidieuses des pays les plus forts qui ont toujours exploité le continent africain grâce à leur capital, accumulé pendant la période coloniale et pendant les Trente Glorieuses, et grâce aussi à leur avance technologique. N’est-ce pas qu’on n’est jamais plus fort en étant seul ? Les puissances européennes ont si bien compris cela qu’elles ont décidé de s’unir afin que, face aux adversaires, elles appliquent la maxime suivante : « montrer sa force pour ne pas avoir à s’en servir » qui peut se traduire aussi dans le jargon moderne par « crédibiliser la dissuasion », mais surtout afin de devenir invincibles et un partenaire incontournable des États-Unis d’Amérique.

Pour construire l’unité, les armées des puissances occidentales coopèrent, mais elles travaillent dans l’idée de diviser les armées des pays du Tiers-Monde afin de ne pas avoir à les confronter tôt ou tard. C’est dans ce sens que les grandes puissances occidentales établissaient des bases militaires sur le continent ou qu’ils y envoient maintenant des experts militaires et civils sous l’étiquette de coopérants « humanitaires », c’est aussi dans ce sens qu’ils surveillent tous les moyens de communications et toutes les routes maritimes ou commerciales. En revanche, ils refusent que des militaires africains pénètrent à l’intérieur de leurs armées et qu’ils soient présents dans les différents points stratégiques du globe. Combien d’experts militaires africains compte-t-on dans les armées occidentales ? Combien de bateaux militaires africains sillonnent-ils les eaux internationales ? Questions taboues ? Il est temps que les Africains prennent conscience de l’évolution du monde en leur défaveur et qu’ils trouvent des réponses qui rétabliront les rapports de force en leur faveur. Cela doit passer par la mise en commun de nos moyens militaires. Dans cette voie, l’Angola, le Congo-Brazzaville et la RD Congo sont appelés à donner l’exemple afin que les autres États imitent et suivent. Ces trois pays peuvent créer le premier noyau de ce que sera les futurs États-Unis d’Afrique centrale.

  1. L’Afrique centrale dans une nouvelle configuration géopolitique : intensifier les échanges économiques

Le système industriel taylorien-fordiste mis en place par les industries des pays riches

« s’étend depuis les années 1970 à l’échelle de la planète : au nord, les fonctions de conception du produit ; au sud, les fonctions de fabrication technique. Les délocalisations manufacturières de la production dans les pays à bas salaires et leur corollaire, la tertiairisation de la main-d’œuvre occidentale, obéissent à cette logique, en termes d’avantages comparatifs (main-d’œuvre abondante, peu syndiquée, absence de protection sociale et de droit du travail). Ainsi, la société américaine de vêtements et de chaussures de sport Nike réalise-t-elle 99 % de sa production en Asie (chez des gens qui sont incapables de s’acheter les chaussures qu’ils fabriquent) sur près de 40 sites, notamment en Chine, en Indonésie et en Thaïlande. En revanche, les fonctions de développement, de marketing et de recherche sont basées aux États-Unis et aux Pays-Bas »[16].

En Afrique, plus de cinquante et un ans après les premières indépendances, les échanges économiques entre pays restent médiocres, car le commerce est essentiellement orienté vers les pays du Nord, notamment vers l’Union européenne et vers les États-Unis d’Amérique. Chaque ancienne colonie a tendance à coopérer plus avec l’ancienne métropole qu’avec le pays d’à côté. La Gambie, par exemple, développe plus de relations commerciales avec la lointaine Grande-Bretagne qu’avec son voisin, le Sénégal. Il en est de même de la Guinée équatoriale, du Gabon, et plusieurs autres exemples peuvent être cités. Tout en poursuivant le commerce à longue distance, il convient d’intensifier le commerce intra-africain. La mise à contribution du secteur privé dans l’agenda d’intégration est le moyen le plus court d’y parvenir, car c’est par l’intégration régionale que les pays parviendront à démanteler les frontières héritées de la colonisation qui ont séparé les communautés d’une même souche dans deux voire trois pays et qui sont souvent la cause de nombreux conflits entre États (voir le cas des Bakongo en Angola, RD Congo, Congo-Brazzaville, Gabon, les Bateke et des Pygmées en RD Congo, au Congo-Brazza et au Gabon, les Bangala en RD Congo et au Congo-Brazza, etc.).

Les pays situés en Afrique centrale doivent adopter une vision tournée vers un avenir commun afin d’éviter un commerce à longue distance et une position économique de dépendance et de soumission. Si les pays européens font entre eux près de 68 % de leurs échanges internationaux, les pays africains s’inscrivent encore dans la logique coloniale de relations privilégiées avec chaque ancienne métropole. Besoin du dollar et de l’euro oblige ! Mais ce commerce-là est souvent fait au détriment des attentes des citoyens. Les pays africains qui négligent le commerce avec leurs voisins ou qui ne l’intensifient pas doivent sortir des relations prétendument « privilégiées » qu’ils entretiennent avec les anciennes métropoles car ce sont souvent des relations d’asservissement dans lesquelles les uns jouent le rôle de maître ou de donneur de leçons et les autres celui d’esclave ou d’élève docile. C’est en quelque sorte une reproduction en miniature de la stratégie de l’époque coloniale. Il faut que les pays d’Afrique se mettent librement à commercer avec tous les pays du monde entier comme le font du reste les anciennes métropoles elles-mêmes. Seul le profit et l’intérêt national doivent guider leurs décisions. Si les responsabilités de la colonisation sont indéniables, il faut maintenant prouver que les États africains indépendants peuvent construire librement leurs nations, leurs économies et leur avenir.

L’Afrique est entrée dans le XXIe siècle en étant faible. Il est temps de fermer définitivement la page du passé colonial et du néo-colonialisme. Il faut un nouveau discours, un autre discours, plus économique, plus technologique, plus managérial. Pour l’Angola et pour les deux RD Congo, une vision d’un avenir commun est particulièrement importante afin d’accélérer la croissance économique régionale, pacifier les pays, stabiliser les régimes politiques et construire la démocratie.

Tous les principaux indicateurs socio-économiques de ces trois pays sont quasiment identiques : forte variété des produits agricoles bénéficiant partout des conditions atmosphériques favorables, forte pluviosité, tous ces pays sont producteurs et exportateurs de plusieurs matières primaires de première importance pour la communauté internationale mais nos pays sont faibles face aux puissances étrangères et aux institutions internationales de Bretton Woods qui ont été créées par les grandes puissances pour protéger leurs propres intérêts.

Il est nécessaire de créer nos propres institutions et des marchés régionaux plus intégrés et plus dynamiques afin de mieux lutter contre l’exiguïté des marchés intérieurs et contre la faiblesse de l’économie dans chaque nation. Nos États doivent comprendre que l’intégration régionale permet une coopération économique plus large. Les régions et leur consolidation sont les piliers de l’intégration continentale et du développement de l’Afrique de demain.

Nos pays doivent innover en diversifiant les produits de base à exporter, innover en transformant les matières premières en produits finis, d’abord pour répondre à la demande des marchés locaux et ensuite à la demande des marchés internationaux. Il faut, parallèlement au souci d’innovation, fournir à la jeunesse des formations ouvertes aux nouvelles technologies. La mise en commun des politiques micro et macroéconomiques suivie d’une coordination mettra nos pays en situation de négocier des contrats avec les multinationales qui cesseront ainsi d’utiliser les pays d’Afrique comme base d’exportation et d’écoulement de leurs produits bas de gamme. Donc, la mise en commun des efforts, la réduction des frais par la construction d’une armée régionale commune, la réduction des frais par la création d’une seule compagnie d’aviation, d’une seule flotte maritime, la réduction des frais par une diplomatie commune et une représentation commune auprès des organisations internationales compenseront les droits de douane (manque à gagner) sur lesquels les pays africains comptent beaucoup. Nos pays n’ont pas à craindre une perte de leur souveraineté[17] et la maîtrise de la formulation des politiques intérieures car les accords de coopération prévoiront cela et éviteront de telles pertes.

C’est en étant économiquement unis et forts que nos pays pourront se permettre de signer de vrais accords qui nous octroieront des avantages réels. Ce rapprochement ne commencera que lorsqu’il y aura à la tête de nos États des dirigeants qui partagent la même vision de l’avenir, qui mettront en place une série de conférences pour sensibiliser l’opinion publique régionale, une équipe de travail chargée d’élaborer les modalités de fonctionnement et de la coopération entre les pays sur la base des relations qu’ils entretiennent déjà et du rapprochement culturel existant, par la création dans chaque pays d’un ministère chargé de l’intégration régionale, par l’élaboration d’un programme et d’un cadre institutionnel pour stimuler la coopération régionale et par la définition des domaines d’intérêts économiques communs.

Grâce à la paix retrouvée et à l’harmonisation des politiques publiques, nos pays attireront davantage d’investissements directs étrangers en se faisant plus attrayants pour les investisseurs extérieurs comme le fait déjà la CAE[18]. Seule une intégration régionale conséquente et cohérente pourra mieux pacifier la région, favoriser la cohésion sociale, éviter les conflits politiques et éveiller les agents économiques qui, par la recherche du profit, stimuleront les commerçants, les innovateurs et les inventeurs nationaux. Nous ne voyons aucune autre solution plus stimulante et plus efficace que celle-ci pour développer nos pays et les sortir rapidement du sous-développement.

Nos pays gagneraient énormément en se spécialisant dans les produits dont la nature les a dotés : matières premières, produits agricoles, plantes médicinales, hydrocarbures, tourisme, flore et faune, etc. S’ils développent leurs ressources naturelles, s’ils développent les produits agroindustriels et l’alimentation, s’ils développent leur médecine traditionnelle en redécouvrant et en réétudiant les différentes plantes médicinales, s’ils mobilisent les ressources humaines disponibles, il n’y a aucun doute qu’ils connaîtront un développement rapide et foudroyant.

Pour démarrer cette intégration des pays situés à l’ouest de l’Afrique centrale et aller ensuite de l’avant, il faudrait que les pays les plus grands et les plus riches en ressources naturelles – en l’occurrence la RDC[19], le Congo-Brazza et l’Angola – donnent le ton afin d’éviter que les autres pays demeurent des spectateurs de cette idée constructive. Chaque pays doit être prêt à faire des concessions à l’image de l’Allemagne qui a sacrifié son précieux deutsche mark sur l’autel de l’intégration européenne.

Conclusion

L’Angola et les deux Congo possèdent des richesses immenses et ces pays n’ont pas le droit d’être pauvres. Après la comptabilité de tous les avantages que possède ces pays, il faut passer à l’action en les modernisant à partir des potentialités disponibles, en cultivant le riz, le manioc, le maïs, le soya, la banane, etc. le long du bassin congolais afin d’assurer l’autosuffisance alimentaire, en mécanisant l’agriculture, en distribuant des semences qui augmentent la productivité, en augmentant l’élevage au km2, en transformant les matières premières en produits finis, c’est-à-dire manufacturés, en modernisant les réseaux (routes, chemin de fer, voies aériennes et maritimes) qui facilitent l’évacuation des produits vivriers et leur commercialisation afin de lutter contre les pénuries alimentaires en ville qui coïncident souvent avec le surplus agricole en province. Pour répondre aux besoins de la population en alimentation, il faut faire disparaître progressivement toutes les barrières afin de faciliter la circulation des produits agricoles et de les acheminer vers les nécessiteux.

L’intégration créera des compagnies minières régionales plus grandes et plus prospères. Ces compagnies régionales pourront ensuite créer une bourse des produits des pays côtiers de l’Afrique centrale sur le modèle de la Bourse de Johannesburg. L’industrialisation doit être encouragée, car elle permet de vendre des produits avec un label de qualité. Il est de notoriété publique que la plupart de pays situés au Sud du Sahara (à l’exception de l’Afrique du Sud) ont une capacité de production industrielle très faible. Comparativement aux pays de la SADC, de l’UMA et de l’UEMOA, les pays de l’Afrique centrale (CEEAC) et de la CAE connaissent en moyenne la part de l’industrie la plus basse (en %) dans le PIB. Les nouvelles industries de nos deux pays ont intérêt de se regrouper dans des associations régionales pour mieux se protéger et se défendre contre la concurrence féroce des produits en provenance d’autres marchés, contre le dumping qui peut porter préjudice aux industries régionales naissantes.

Les avantages cités plus haut ne doivent-ils pas être à l’origine d’un empressement réel à créer une coopération avantageuse entre l’Angola et les deux Congo ?

A l’intérieur du nouveau marché, la libre-circulation des marchandises entre les trois pays s’accompagnera de la libre-circulation des facteurs de production, notamment du capital financier et des biens d’équipement (transfert de technologie par exemple). C’est en créant des emplois qui sont le moteur du développement et en formant la jeunesse aux nouvelles technologies que nos pays rendront leurs marchés solvables.

La réussite d’une telle ambition nécessite de voir à la tête de la RD, de l’Angola et du Congo-Brazza Congo des autorités politiques éclairées qui partagent la même vision de l’avenir. Cela est nécessaire pour sortir les trois pays d’Afrique équatoriale des contraintes de l’État importé tel qu’il a été décrit par Bertrand Badie. Les trois pays formeront le premier noyau des États-Unis d’Afrique centrale. Les autres nations de la région viendront se greffer à ce premier noyau. C’est par ce moyen que les trois États résisteront contre les convoitises des États puissants qui pillent impunément les ressources naturelles des États faibles.

Bibliographie

[1] Les Bakongo paient lourdement leur opposition au régime de Joseph Kabila.

[2] Hérodote, Revue de géographie et de géopolitique, « Géopolitique de l’eau », 3e trimestre 2001, no 102 (pp. 113-136) et Jacques Bethemont, Les grands fleuves, Armand Colin, 1999. Dans ce dernier livre, la question de la guerre de l’eau est développée à partir du chapitre 5, pp. 179-ss.

[3] Philippe Moreau Defarges, La mondialisation, Paris, PUF, 4e édition, 2002, p. 64.

[4] Collectif (sous la direction de Pascal Boniface), Les défis de l’Afrique, Paris, Dalloz, 2006, p. 196.

[5] L’armée congolaise est faible et divisée en tendances clientélistes et elle compte des effectifs pléthoriques et fictifs. La question à se poser est de savoir ce que le Congo qui n’a jamais réussi à bouter le Rwanda complètement hors de son territoire a à gagner avec la CEPGL dans un contexte d’incapacité et de dépendance de l’armée congolaise et ce que la RDC peut gagner en relançant cette communauté. S des voix sont montées au créneau pour dire que la CEPGL serait un espace qui garantirait la paix entre les pays membres, il faut être naïf pour y croire, car il s’agit là d’un argument puéril difficile à soutenir par tout esprit lucide. Si la CEPGL n’a pas garanti la paix depuis sa création, il est utopique de croire qu’elle la garantirait en relançant cette organisation régionale. Dans les relations internationales, les pays nouent des alliances en fonction de leurs propres intérêts.

[6] Pour plus de détails sur les migrations africaines à l’intérieur du continent, avant et après 1350, lire Colin McEvedy, The Penguin Atlas of African history, Allen Lane, London, 1980.

[7] Pierre-François Gonidec, Les systèmes politiques africains, 3e édition, Paris, L.G.D.J., 1997, p. 97.

[8] Pour rapprocher la gestion et le fonctionnement de ces ports, il serait souhaitable d’adopter l’usage de documents communs pour toutes les transactions en douane et aux frontières, ainsi que le recours d’un guichet unique pour réduire les opérations et la durée de démarches au port.

[9] Jacques Ténier, Intégration régionale et mondialisation, La documentation française, no 70-71, Mai-juin 2003, p. 117.

[10] Jean-Claude Drouin, Les vrais maîtres de l’économie, Petit encyclopédie Larousse, 2004, p. 18.

[11] Commission économique pour l’Afrique, État de l’intégration régionale en Afrique, Une étude de la CEA, Addis-Abeba, 2004, pp. 174-175.

[12] Ibid., p. 172.

[13] Ibid., p. 173.

[14] Lire le Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo. Il existe différents rapports produits par des experts des Nations unies.

[15] Affaire ELF, Omar Bongo : « Ma vérité », in Jeune Afrique. L’intelligent, no 2208, 43e année, du 4 au 10 mai 2003.

[16] Jean-Claude Drouin, Les vrais maîtres de l’économie, op. cit., p, 20. La précision entre parenthèses est de moi.

[17] Beaucoup de pays africains n’ont de souveraineté que de nom car celle-ci est constamment bradée et violée par les grandes puissances et, dans le cadre de la mondialisation, par les grandes entreprises transnationales. En réalité, que reste-t-il de la souveraineté des États africains ?

[18] Pour la CAE, lire la Revue Coopération Sud, 2003, PNUD, p. 65.

[19] La RD Congo et le Nigeria sont les deux pays aux dimensions régionales qui ne semblent guère privilégier l’intégration régionale. Il s’agit là d’une erreur grave, car des pays comme les États-Unis, l’Afrique du Sud, la Russie, la France, l’Allemagne sont devenus des moteurs de l’intégration régionale.

Nota bene

Les idées développées dans cet article se trouvent dans trois ouvrages de Fweley Diangitukwa, à savoir :

Géopolitique, intégration régionale et mondialisation, Paris, L’Harmattan, 2005 ;

La thèse du complot contre l’Afrique. Pourquoi l’Afrique ne se développe pas, Paris, L’Harmattan, 2010 ;

Stratégies pour la conquête, l’exercice et la conservation du pouvoir, Saint-Légier (Suisse), éd. Monde Nouveau/Afrique Nouvelle, avril 2011.

Nouvelle publication : « COMMENT METTRE FIN À UNE DICTATURE SOLIDEMENT INSTALLÉE »

16 Fév

Vient de paraître aux éditions L’Harmattan

« COMMENT METTRE FIN À UNE DICTATURE SOLIDEMENT INSTALLÉE »

Auteur : Fweley Diangitukwa

Prix : 14 euros

4ème page de couverture :

Ce livre est une réflexion sur la tyrannie. Il s’adresse à tous les citoyens du monde qui cherchent à se débarrasser d’une dictature solidement installée mais qui ne trouvent pas la voie à suivre ou la solution idéale. Il contient plusieurs recettes et certaines d’entre elles ont bien fonctionné dans certains pays. Le contexte étant différent d’un continent à l’autre, d’un pays à l’autre et d’une dictature à l’autre, il est nécessaire de bien choisir la recette sinon les recettes la/les plus adaptée(s) au contexte national. Mais dans toutes les circonstances, trois forces doivent absolument se mettre en mouvement et se rencontrer pour qu’il y ait un véritable changement de système : le nombre de participants qui crée une grande union, l’intelligence qu’on appelle stratégie et la détermination qui permet d’aller jusqu’au bout de la vision commune.

L’auteur nous fait entrer dans les coulisses des recettes qui font tomber les dictatures et qui permettent aux pays fraîchement sortis de la tyrannie de se stabiliser et de se développer.

Ce livre mérite d’être lu par tous les Africains cultivés.

Fweley Diangitukwa est professeur de Science Politique et de Sciences de Gestion. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages et de plusieurs articles publiés dans des revues scientifiques, entre autres : La thèse du complot contre l’Afrique. Pourquoi l’Afrique ne se développe pas ; Le règne du mensonge politique en RD Congo. Qui a tué Kabila ? ; L’Afrique doit renaître ; Quand les Africains se réveilleront, le monde changera ; Comment devenir un leader charismatique ; Le rôle du leader dans l’organisation ; La lointaine origine de la gouvernance en Afrique.

Pour vos commandes :

éditions L’Harmattan

7, rue de l’école Polytechnique

75005 Paris

Tél. : 0033 1 40 46 79 10

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Critique de deux analyses sur les attentats terroristes en France

20 Jan

Critique de deux analyses sur les attentats terroristes en France

Outrés par le nombre grandissant d’attentats dans l’Hexagone, Claude Robert[1] et Caleb Irri[2] ont réfléchi sur les causes desdits attentats et sur les profils des auteurs. De leurs analyses, il ressort que l’islam est l’une des causes du terrorisme. Nulle part ils mettent en cause le comportement de l’État français dans ses rapports avec les pays d’origine des terroristes ou encore la politique française sur l’immigration.

Claude Robert écrit :

« Quand bien même l’exercice s’avère un peu sordide, l’analyse du profil des terroristes peut nous apprendre beaucoup sur l’origine de leurs actes (pour peu que celui-ci soit homogène). Surtout, cette façon de procéder apparaît fondamentalement pragmatique : il s’agit de considérer des faits générateurs, tels qu’ils sont concrètement vérifiables, et non pas de tenter une mise en perspective d’ensemble, a posteriori. Car le profil des terroristes est un fait avéré, tangible, indiscutable. Il devrait être un préalable à toute tentative d’interprétation des actes perpétrés sur le sol français[3]. »

Pour démontrer la solidité de son hypothèse, il a dressé un tableau dans lequel il relate de façon synoptique les profils de douze terroristes dont la participation directe a été démontrée[4].

Son premier argument s’appuie sur l’origine familiale des terroristes :

« Ces terroristes sont tout aussi proches en matière d’origine familiale ou sociologique qu’ethnique. À l’inverse, quasiment aucun d’entre eux n’était un musulman pratiquant. Tous s’étaient convertis de façon aussi récente que radicale, dans des conditions très particulières […] il ne faut pas oublier l’importance de l’Islam dans la trajectoire de ces terroristes : tous ont rencontré des extrémistes religieux, en prison le plus souvent. Ceux-ci leur ont servi des discours en forme de justification à leur passage à l’acte. L’endoctrinement religieux, le culte de la violence et de l’anéantissement des populations impies, tout cela semble facilité par une lecture radicale du Coran. Ce sont tous des hommes jeunes, entre 20 et 31 ans. Ils sont presque tous issus d’importantes fratries. Et ils ont presque tous été élevés dans une relative absence d’autorité paternelle si ce n’est parentale. Ce sont donc des enfants dont l’éducation s’est avérée partiellement défaillante en ce qui concerne ce processus si important que constitue l’édification du Sur-Moi du futur adulte apte à la vie en société. De même que tous proviennent de familles d’Afrique du Nord, tous étant du Maghreb sauf un, issu d’une famille malienne. L’unicité géographique reste donc particulièrement frappante : Tunisie, Algérie, Mali et Maroc sont des pays voisins. La coïncidence ethnique ne tient d’ailleurs pas du hasard : ces quatre pays proviennent d’anciennes colonies ou protectorats français. Aucun Égyptien, Iranien, Indonésien (ou même Vietnamien, Espagnol, Italien ou Portugais) n’a encore frappé chez nous. Il subsiste probablement un ressentiment vis-à-vis de l’ex-colonisateur français, une sorte d’ambivalence amour/haine qui ne peut qu’aider au passage à l’acte lorsqu’un certain nombre de conditions sont réunies par ailleurs »[5].

Son second argument s’appuie sur « la composante immigration [qui] est déterminante dans le terrorisme mais pas là où on pense »[6]. Il écrit :

« Elle est certes déterminante puisqu’aucun de ces terroristes n’était d’une famille française de longue date. Tous, sauf un, étaient issus de la seconde génération de l’immigration (le dernier terroriste était tunisien), cette génération qui, selon les sociologues, peine encore plus que la première à s’intégrer. Aux difficultés rencontrées par les parents, qu’elle a subies pendant toute son enfance, s’ajoutent les siennes propres à l’école puis à l’entrée dans la vie active. Les parents ont choisi l’immigration, ils ont consacré leur énergie à survivre au changement de contexte culturel et ethnique. Mais les enfants ne sont pas mieux lotis pour autant, comme s’ils reprenaient le processus au stade auquel les parents l’on trouvé lorsqu’ils sont arrivés sur le sol français.

» Néanmoins, cette difficulté relative à l’immigration n’est pas celle que l’on croit : pratiquement tous ces terroristes avaient un métier, une formation (certes limitée, sauf pour le dernier d’entre eux) et de quoi vivre ne serait-ce que décemment. Les difficultés de l’intégration sont donc ailleurs, du côté de la possibilité de faire jeu égal avec la population du pays d’accueil, sur fond d’un possible sentiment de rejet ou de désamour de part et d’autre (aspects physiques, accent, activités culturelles, valeurs)…

» Il s’agit certes d’un échec sur le plan de l’intégration, mais celui-ci ne concerne pas directement l’aspect financier. Cet échec se cristallise sur un autre plan, bien plus subtil et prépondérant : celui d’une véritable assimilation. En France, la sélection scolaire puis professionnelle fait apparaître en effet des inégalités criantes entre origines ethniques. Tous les immigrés ne sont pas frappés de la même manière. Les statistiques sont formelles : parmi les différentes ethnies de l’immigration, ce sont les populations en provenance des pays musulmans, maghrébins ou africains (selon les études) qui affichent les taux de réussite scolaire et professionnel les moins bons. Les écarts sont considérables, en ce qui concerne les garçons… »[7].

À partir de ces deux arguments, l’auteur conclut que « le passage à l’acte de ces terroristes semble multi-causal. Il prend son origine dans la combinaison de plusieurs variables. Ces variables sont quasiment identiques d’un terroriste à l’autre au sein de cette liste certes courte, mais exhaustive. Ce qui prouve combien c’est la combinaison de ces variables qui semble détonante, et non quelques-unes d’entre elles prises séparément »[8].

À la fin de son analyse, l’auteur présente un schéma qui résume de façon visuelle la conjonction des différentes causalités très probablement à l’origine du passage à l’acte des terroristes.

Pour deux raisons, les analyses de Claude Robert ne résistent pas au test de la falsification poppérienne.

Primo, il est difficile de soutenir que l’origine familiale musulmane et l’échec sur le plan de l’intégration seraient la cause qui a poussés les terroristes à passer à l’acte. Cet argument est très réducteur car cela reviendrait à faire croire que tous les jeunes immigrés musulmans originaires d’Afrique du Nord (Maghreb) et du Mali, âgés de 20 à 31 ans, convertis de façon aussi récente que radicale, vivant dans des conditions très particulières et ayant échoué sur le plan de l’intégration, plus précisément sur celui d’une véritable assimilation, se conduiraient de la même façon, en France et ailleurs. Or, cela n’est pas le cas. En s’appuyant sur ses analyses, comment justifierait-il les attentats en Belgique, en Espagne, en Grande-Bretagne, en Allemagne et ailleurs ? Le ferait-il en recourant à des justifications ad hoc ?

Secundo, le terrorisme est une longue tradition en France, il ne date pas d’aujourd’hui. Il y a eu de nombreux attentats dans l’histoire de France sans implication des jeunes musulmans originaires d’Afrique du Nord et du Mali. Lorsque les Français s’organisaient pour tuer leur Roi et des hommes politiques de premier rang, voire des patrons d’entreprises, il n’y avait pas de musulmans dans l’Hexagone ; lorsque les Brigades rouges, la Bande à Baader-Meinhof – appellation courante de la Fraction Armée rouge allemande –, l’ITA, l’ETA, etc. se distinguaient dans des actions anarchistes en Europe, il n’y avait pas d’al-Qaida. Les Corses qui posaient des bombes n’étaient pas des musulmans mais avaient des revendications identitaires. Pendant les années de plomb (1970-1980), l’État ismalique n’existait pas alors que les attentats à la bombe étaient nombreux en Allemagne, en Italie et en France.

Il est impossible de s’inspirer du modèle d’analyse présenté par les deux auteurs pour l’appliquer dans un cas similaire. Pour quelle raison les jeunes, vivant dans les différents pays européens, qui ont des profils semblables à ceux de France décrits par les deux auteurs ne s’adonnent-ils pas à des attentats terroristes ? L’impossibilité de répondre à cette question basique nous oblige à rejeter carrément leurs analyses, non pas qu’elles sont fausses mais plutôt parce qu’elles sont faibles et incomplètes, car ils ont omis de mettre en exergue le rôle négatif de la politique française dans les pays d’origine des terroristes et dans les pays musulmans où la France intervient militairement, comme les auteurs des attentats l’ont eux-mêmes souligné, notamment Amédy Coulibaly dans son testament (voir supra). Les auteurs des attentats ont eu le sentiment que la France manifeste une haine contre l’islam (islamophobie). Leur perception était-elle fondée ? Il s’agit-là d’un débat que nous n’ouvrons pas ici.

La politique française, sinon occidentale, dans les pays tiers (en Afrique, au Proche et Moyen-Orient) est ce qui explique – sans les justifier – les attentats en France et dans d’autres pays occidentaux. Le pilonnage des positions de Daesh ne suffira pas si la France ne renonce pas d’un côté à sa politique colonialiste en Afrique (soutien aux dictateurs et vente des armes démodées avec lesquelles les régimes tyranniques tabassent, emprisonnent, musellent et tuent ceux qui s’opposent) et si, de l’autre côté, elle ne renonce pas à son soutien à la politique américano-britannique au Proche et Moyen-Orient.

C’est donc dans le temps long de l’histoire du terrorisme dans l’Hexagone qu’il faut chercher et trouver les racines du terrorisme qui frappe actuellement la France et l’Occident et non pas dans l’islamisme radical, car on ne doit pas perdre de vue que le hijad (résistance) lui-même était né entre les XIe et XIIIe siècles à causes de huit croisades menées en terre musulmane par l’Europe, avec la France en tête. C’est encore l’Europe occidentale qui a exporté son terrorisme dans le monde. Il est absurde et dangereux de répondre aux actes terroristes par la haine et le rejet qui caractérisent les auteurs desdits actes et d’aller mener la guerre, en guise de vengeance, contre des populations innocentes (en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie ou ailleurs) qui n’ont pas été impliquées, ni directement ni indirectement, dans des actes terroristes en Occident, car, à leur tour, les familles des victimes collatérales et les musulmans radicaux chercheront à se venger. L’escalade de la violence ne mettra jamais fin au terrorisme.

Cet article est extrait d’un livre à paraître. Il ne peut être reproduit sans citer la référence complète.

[1] https://www.contrepoints.org/2017/01/02/261277-vraies-causes-du-terrorisme-islamiste, publié le 2 janvier 2017 dans Terrorisme, consulté le 17 janvier 2017 à 18 heures.

[2] http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-terroristes-gagnent-du-terrain-162207, publié le 16 janvier 2017, consulté la même date. Voir aussi le blog de l’auteur sur http://calebirri.unblog.fr

[3] https://www.contrepoints.org/2017/01/02/261277-vraies-causes-du-terrorisme-islamiste

[4] Notamment Mohamad Merah, Amédy Coulibaly, Chérif Kouachi, Saïd Kouachi, Bilad Hadfi, Brahim Abdeslam, Omar Ism. Mostefal, Samy Amimour, Foued Moham. Aggad, Salah Abdeslam, Larossi Abbala, Mohamed Lahouaiej Bouhle.

[5] https://www.contrepoints.org/2017/01/02/261277-vraies-causes-du-terrorisme-islamiste

[6] Ibid.

[7] Ibid.

[8] Ibid.

 

Scrutin direct ou scrutin indirect pour la prochaine élection présidentielle en RD Congo ?

7 Déc

Scrutin direct ou indirect pour la prochaine élection présidentielle en RD Congo ?

La question relative aux modes de scrutin, direct ou indirect, est éminemment juridique et elle mérite d’être traitée par des constitutionnalistes (juristes et politologues). Or, en RD Congo, ce sont des journalistes et des laudateurs du régime qui viennent avec cette question au-devant de la scène. Au lieu d’être juridique et politique, leur approche est plutôt de l’ordre de la propagande pour leur candidat.

Dans le but de fixer l’opinion publique, je partage avec les lecteurs Internautes les points de vue de quelques éminents Constitutionnalistes que j’ai consultés sur cette question brûlante. Il est écrit dans le livre de Guillaume BERNARD, paru aux éditions Studyrama et intitulé : Droit constitutionnel et institutions politiques, au chapitre IV intitulé « Les principaux régimes étrangers occidentaux », à la page 248 :

« Des légitimités politiques en fonction de la forme de l’Etat.

  1. Un scrutin direct pour un Etat unitaire

  2. Un scrutin indirect pour un Etat fédéral. »

En général, le scrutin direct est lié au fonctionnement d’un Etat unitaire car le chef de l’Etat doit être élu au suffrage universel direct par l’ensemble du peuple pour créer sa majorité et obtenir la popularité que le suffrage universel direct lui confère. Le scrutin indirect est lié à la forme d’un Etat fédéral dans lequel il y a un Gouverneur à la tête de chaque Etat fédéré. Les grands électeurs des partis politiques dans chaque Etat élisent le chef d’Etat au scrutin indirect. Celui-ci représente les Etats fédérés dans la politique étrangère de son pays. Ce détail est capital car il détermine le reste de la réflexion sur les modes de scrutin et sur leur déroulement. En effet, il y a plus d’inconvénients dans le scrutin indirect que d’avantages pour l’élection d’un chef d’Etat.

Mais qu’est-ce qu’un scrutin direct ou indirect ? Réponse de Philippe Ardant dans Institutions politiques & Droit constitutionnel, 5e édition, éditions L.G.D.J, page 209 : « Dans le scrutin direct, l’élu est directement désigné par les électeurs sans intermédiaire. Dans le scrutin indirect, l’élu est désigné par des électeurs qui ont été eux-mêmes élus pour procéder à son élection. Ce n’est pas le corps électoral dans son ensemble qui choisit son représentant : un collège électoral restreint – qui peut avoir d’autres attributions – issu d’un premier scrutin choisit à son tour l’élu. On dit aussi que l’élection est à deux, ou à plusieurs degrés (un premier collège électoral en effet, peut en désigner un deuxième, qui lui-même en élira un troisième, qui à son tour… etc.). »

Dans les démocraties modernes, le scrutin indirect est très peu utilisé. Ce mode était « largement utilisé autrefois à une époque où les communications étaient difficiles. L’électeur de base déléguait ainsi son droit de suffrage à quelqu’un qu’il connaissait bien, qui était près de lui » (ibid.).

Quelle est la conséquence sur le choix du mode de scrutin ?

« Selon que l’on adopte un mode de scrutin direct ou indirect, on modifiera l’image de la nation donnée par ses représentants. Le suffrage indirect favorise généralement les candidats modérés, les notables. Le filtrage qu’il opère a pour but de dégager une élite à la fois plus capable et plus pondérée. En même temps, le scrutin indirect ne confère pas autant d’autorité. L’origine du pouvoir est plus lointaine. C’est l’une des faiblesses du Sénat et cela explique que le général de Gaulle ait souhaité en 1962 tenir ses pouvoirs directement du peuple » (ibid.).

Le scrutin indirect favorise les notables qui, par des filtrages, arrivent à retenir l’élite modérée. Il s’écarte donc de l’origine du pouvoir du fait de la présence d’un intermédiaire entre l’électeur et son élu. Ce mode a été utilisé dans certains régimes marxistes (Chine, Cuba jusqu’en 1992) pour désigner des délégués aux assemblées à l’échelon national. Dans l’Occident du XIXe siècle, le recours à l’élection du chef d’Etat au scrutin indirect se justifiait pour certaines raisons, entre autres : la faible formation civique des masses, la volonté de favoriser les notables sûrs.

De nos jours, le scrutin indirect a presque disparu dans le monde et ne subsiste que dans quelques très vieilles démocraties, comme les Etats-Unis d’Amérique pour l’élection du président des Etats confédérés, la Suisse pour l’élection des sept conseillers fédéraux. En France, ce mode a été définitivement abandonné et ne subsiste plus que pour la désignation des sénateurs qui sont choisis par les représentants élus des collectivités locales. C’est ainsi qu’en 1962 le Général de Gaulle a voulu donner au Chef de l’Etat, qui est la clé de voûte du nouveau régime, une plus « grande » légitimité en étant élu « directement » par « tous » les Français et sur « tout » le territoire national. Le pays entier devenait ainsi sa circonscription électorale dans le but de donner une assise populaire plus large que celle de tout autre élu pris individuellement. Tout le monde sait que le Constituant congolais – sinon le Constituant africain en général – s’en est inspiré parce que le régime politique congolais (sinon africain) est presque la copie de la Ve République française. Le passage au scrutin direct fut pour les Français une « modernisation » de la vie politique de leur pays.

En résumé, non seulement le pays doit être une très vieille démocratie mais en plus il doit avoir la forme de l’Etat fédéral pour pratiquer aisément le scrutin indirect (la démocratie helvétique date du XIIIe siècle et sa Constitution date de 1845 tandis que la démocratie américaine date de 1787 et l’année 1824 est généralement considérée comme le début de l’élection présidentielle moderne). En d’autres termes, le scrutin indirect est favorable dans les démocraties fédérales. Ce sont les Pères fondateurs (les Etats aux Etats-Unis) qui se gardent de faire du président l’élu du peuple. Ils créent un collège électoral chargé d’élire un président. Avec le scrutin indirect, les candidats à l’élection présidentielle ont, généralement, d’abord été des gouverneurs dans un Etat. Contrairement à ce que pensent les laudateurs du régime congolais qui prônent maintenant le recours au scrutin indirect, ce mode est non seulement très complexe mais aussi coûteux. Il faut naître dans le pays, être citoyen de ce pays et avoir été résident. Les Etats-Unis exigent quatorze ans de résidence sur le sol américain. Le scrutin indirect est surtout favorable dans le système bipartite qu’il préserve ainsi et défavorable dans le système multipartite car le scrutin indirect discrimine les petits partis.

Alors mes questions suivantes :

  1. Pour quelle raison la question du mode de scrutin n’est-elle pas posée par les députés qui ont en charge le pouvoir législatif ? Pourquoi ce sont quelques « troubadours » du pouvoir exécutif et des journalistes directement chargés de la propagande du chef de l’Etat qui la posent ?

  2. Quels sont les Etats unitaires, dans les vieilles démocraties, qui pratiquent le scrutin indirect pour l’élection du chef de l’Etat ?

  3. La RD Congo est-elle devenue un Etat fédéral dans la tête des membres de la majorité (PPRD et alliés) ?

  4. Sommes-nous en RD Congo dans un régime parlementaire classique, comme en Italie (ce pays possède maintenant un statut quasi-fédéral), l’Allemagne (Etat fédéral), Israël, etc. qui pratiquent l’élection du Chef de l’Etat au suffrage universel indirect ?

  5. Ceux qui proposent le mode de scrutin indirect pensent-ils que les Congolais en général ont une faible formation civique ? Si cela est vrai, à qui la faute ? Qui donc n’a pas rempli correctement son travail de formation des masses en matière d’éducation civique [allusion à la crise entre le président Joseph Kasa-Vubu (élu au suffrage indirect) et Patrice Lumumba (premier ministre et député élu au suffrage universel direct)] ?

  6. Un chef d’Etat élu au scrutin indirect par l’Assemblée nationale et le Sénat réunis, composé d’un corps électoral d’environ 608 parlementaires, sans culture démocratique, habitués à la corruption, à l’immoralité et à la cupidité, qui ont déjà révisé la Constitution à plusieurs reprises en faveur de M. Joseph Kabila, serait-il crédible ?

  7. Quel est le but poursuivi par ceux qui proposent le scrutin indirect en fin mandat du régime actuel ? Pour quelle raison ont-il pris la vilaine habitude, depuis 2006, de réviser la Constitution à la veille de l’élection présidentielle [voit infra] ?

La discussion sur les modes de scrutin (direct et indirect) est inutile et superflue ?

Cette discussion sur le mode de scrutin pour l’élection présidentielle a été ouverte en RD Congo, avant l’allocution du chef de l’Etat lui-même, par la déclaration intempestive et irresponsable de l’actuel ministre congolais des relations avec le Parlement et président de l’association « Kabila Désir » ou « Kabila, totondi nano te », M. Tryphon Kin Key Mulumba, dans l’Hebdomadaire Jeune Afrique.

Dans le numéro 2846 de Jeune Afrique du 26 juillet 2015, il y est repris à la page 34, et bien mise en exergue en caractère gras, la tapageuse déclaration de Kin Key Mulumba : «Je plaide pour l’instauration du scrutin indirect pour l’élection du président de la République. Ce mode de scrutin aura le mérite de réduire sensiblement la contestation à l’issue de la publication des résultats des élections » ou encore « l’actuel président de la République devrait se représenter à la prochaine élection car il possède des qualités exceptionnelles – qu’aucun autre Congolais, ni dans sa famille politique ni dans l’opposition ni dans la société civile, n’en est pourvu – dont le pays ne peut se priver, et que celui-ci sombrerait, se ‘somaliserait’ à l’hypothèse de son départ. »

Selon M. Kin Key Mulumba, rien ne se fera, aujourd’hui comme demain, sans Joseph Kabila, « tout se fera par lui et rien ne sera sans lui ni contre lui ». Selon M. Kin Key Mulumba, celui qui le protège et le nourrit doit rester au pouvoir malgré l’interdit constitutionnel qui l’exclut de la prochaine compétition électorale pour la présidence de la République. En tout cas, aucun Congolais patriote et soucieux de l’avenir de notre pays ne saurait se taire devant de telles inepties. Aucun dirigeant au monde n’est irremplaçable. Tout chef Etat est remplacé s’il meurt dans un accident ou d’un arrêt cardiaque.

Selon Béchir Ben Yahmed, éditorialiste et fondateur de Jeune Afrique, la véritable raison des habituelles chicaneries électorales en Afrique se trouve dans ce qu’il a dit dans son « Ce que je crois » du 16 avril 2010 : « Ce qui empoisonne les élections africaines et les ternit au point de leur ôter leur signification est, en vérité, la volonté des candidats qui sont déjà au pouvoir de s’assurer, à tout prix, un résultat favorable. Ils estiment nécessaire d’écarter le risque de perdre ce pouvoir et s’autorisent à tout faire – y compris à fausser le vote et son résultat – pour éloigner ce risque, car, à leurs yeux, la défaite est la catastrophe suprême et l’alternance une option inconcevable ». Le président Omar Bongo disait de son vivant : « En Afrique, un chef d’Etat n’organise pas les élections pour les perdre ». Comme l’a déjà dit le Compatriote Wina Lokondo : « le problème n’est donc pas le mode de scrutin à suffrage universel direct, mais la mauvaise volonté de ceux qui détiennent le pouvoir, leur obsession de garder – le plus longtemps possible – les privilèges que leur procurent leurs fonctions ».

Après avoir réduit l’âge du candidat chef d’Etat, passant de 40 ans à 30 ans parce que M. Kabila n’avait que 30 ans à l’époque, le peuple congolais avait été privé du débat contradictoire du 2ème tour des élections de 2006. En 2011, le second tour de l’élection présidentielle a tout simplement été supprimé. Que vous-veulent-ils trafiquer maintenant ?

Monsieur Tryphon Kin Key Mulumba, minister des relations avec le Parlement

À cause de votre légèreté, de votre manque de rigueur, de votre complaisance et de votre degré avancé de flatterie pour vous maintenir au pouvoir, vous faites la honte de tous les Congolais qui portent le titre de docteur en science politique car ceux qui vous écoutent et vous lisent pensent que tous les docteurs en science politique vous ressemblent et raisonnent comme vous. Mais regardez les personnes qui ont un doctorat en science politique ou en sciences politiques (ancienne formule), lisez leurs publications et leurs déclarations et admettez qu’ils ne sont jamais tombés aussi bas que vous, admettez aussi en silence et en privé devant le miroir que vous êtes une exception dans le domaine de la flatterie de bas étage. Honte à vous ! Comme l’a déjà dit le compatriote Wina Lokondo, « ils (les docteurs en science politique) ne se fourvoient pas comme vous dans des contradictions intellectuelles, dans la basse flatterie, dans un panégyrique sans consistance, à la « djalelo » d’une époque révolue ». Et il a ajouté à votre endroit : « En tant que professeur, vous devez, pendant des années, avoir certainement répété à vos étudiants – je l’espère – qu’un Etat de droit est celui où la Constitution et toutes les règles inférieures s’imposent au respect de tous et, surtout, de ceux qui détiennent le pouvoir. Mais quelle explication leur donnez-vous aujourd’hui quand vous déclarez que Kabila doit demeurer au pouvoir au-delà de 2016, et ce malgré l’interdiction lui faite par la Constitution ? Réalisez-vous l’image négative que vous donnez – auprès de notre jeunesse – de votre personne en particulier et, de façon générale, de la politique et de tous ses acteurs ? Vous entrez sinistrement, monsieur le Ministre, dans l’histoire de notre pays en étant cité parmi les fossoyeurs de notre démocratie. En êtes-vous conscient ? ».

Je refuse de vous ressembler car notre discipline qui est très rigoureuse insiste beaucoup sur la méthodologie et sur la rationalité que vous avez décidé d’oublier afin de vous vendre au plus offrant.

En tout cas, sous d’autres cieux, un docteur en science politique qui tomberait à un niveau si bas de flatterie aurait été tellement critiqué et que, couvert de honte, il démissionnerait et refuserait de se présenter devant un auditoire. Mais en RD Congo, la honte n’existe pas. Les compétents et incompétents ont droit à la parole sur tous les sujets, même les plus techniques et les plus ardus. Lorsque les incompétents n’ont pas de réponse, ils spéculent sans s’appuyer sur des références pour faire la démonstration de leurs arguments. Les troubadours sont devenus une référence. Il est temps de mettre de l’ordre dans la maison commune.

Conclusion

J’espère qu’avec ces éléments documentés sur les modes de scrutin (direct ou indirect), le débat est définitivement clos car j’ai fait la démonstration suivante : le scrutin indirect pour l’élection présidentielle a été définitivement abandonné dans les vieilles démocraties à cause de nombreux inconvénients qu’il renferme, entre autres, l’impopularité du chef de l’Etat que cette forme de scrutin entraîne parce que celui-ci n’est pas élu au suffrage universelle direct. Le scrutin indirect ne subsiste que dans quelques démocraties fédérales. Or, la RD Congo n’est ni une démocratie ni un Etat fédéral, même la décentralisation est encore un mythe dans notre pays. Pourquoi donc changer le mode de scrutin lorsque nous sommes incapables de résoudre les problèmes présents et urgents, comme l’insalubrité dans la ville de Kinshasa, le chômage, la criminalité, etc. ?

Que celui qui voudrait relancer ce débat sur la nécessité d’un scrutin indirect vienne avec des arguments solides et documentés. Le folklore et la spéculation ne permettent pas à notre pays d’avancer.

Fweley Diangitukwa

www.fweley.wordpress.com

Références :

  • Bernard Chantebout, Droit constitutionnel et science politique, Paris, neuvième édition, Armand Collection – collection U, 1989.
  • Guillaume BERNARD, Droit constitutionnel et institutions politiques, éditions Studyrama, 2009.
  • Philippe Ardant dans Institutions politiques & Droit constitutionnel, 5e édition, éditions L.G.D.J, 1993.
  • Marie-France Toinet, La présidence américaine, Montchrestien, 1991.

Le pourquoi du terrorisme dans le monde

24 Nov

Le pourquoi du terrorisme dans le monde

Par Fweley Diangitukwa[1]

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Une tentative d’explication

Définir le concept de terrorisme n’est pas aisé. En effet, il n’existe pas une définition universellement admis par la communauté des chercheurs, car ce terme est trop complexe pour être clairement défini. Il embrasse plusieurs aspects selon la cause défendue par les auteurs de violences ou si cette cause est qualifiée d’illégitime. Néanmoins, il peut être défini comme un ensemble d’actes de violence (attentats, prises d’otages, etc.) commis par une organisation pour créer un climat d’insécurité, exercer un chantage sur un gouvernement, faire pression sur l’État, médiatiser une cause, promouvoir une idéologie, satisfaire une haine à l’égard d’une communauté, d’un pays, d’un système.
Ce terme, qui vient du latin terror et du verbe latin terrere, a été utilisé pour la première fois au XVIIIe siècle, en novembre 1794, pendant la Révolution française, pour désigner la « doctrine des partisans de la Terreur ». À cette époque, la terreur venait généralement d’en haut. L’État, pour faire régner l’ordre et assurer la sécurité des individus, n’hésitait pas à utiliser la force et à « terroriser » la population. Ce recours à la violence contre la population est resté présent dans les pays non démocratiques. Le suffixe « isme » a été ajouté à la fin du XIXe siècle et le terme « terrorisme » est devenu synonyme de stratégie violente utilisée contre l’État ou des membres du gouvernement, afin de stabiliser les structures du pays ou d’affaiblir un système. Depuis ce temps, les individus qui utilisent des moyens violents pour exprimer leur point de vue sont souvent qualifiés de terroristes[2]. L’origine de ce terme montre clairement que le terrorisme est éminemment politique.
Il existe des situations très confuses qui rendent difficile la détermination de savoir qui est le terroriste de l’autre car le même concept de terrorisme oppose deux camps aux perceptions et interprétations radicalement opposées. C’est par exemple le cas du conflit israélo-palestinien mais aussi le cas de l’opposition entre le terrorisme d’État dans les pays faibles ou pauvres et la réplique des victimes. Dans cette situation très particulière, de quel côté doivent se trouver les perceptions majoritaires de l’opinion publique ?

Pour déterminer le degré de terrorisme et ses conséquences, il faut prendre en considération la nature des actes de violences, le choix des cibles et les objectifs poursuivis par les auteurs. Le terrorisme est donc une forme de violence politique d’un État contre un autre État ou d’un individu (ou groupe d’individus) contre un État ou contre un autre groupe d’individus. Il peut prendre la forme d’attentats, d’assassinats, d’enlèvements, de sabotages, d’actes d’intimidation. Par ses actes, le terroriste cherche à frapper l’opinion publique pour atteindre ses objectifs, en intimidant, en semant la peur, bref en terrorisant. Les terroristes sont toujours clandestins parce qu’ils maintiennent leur caractère de petit groupe secret et font tout en cachette avant d’agir. Ils frappent sans justification, loin de leur habitation. Ils se donnent la mission ou le rôle de redresseur de tort au bénéfice des opprimés. « Les actes de terrorisme sont considérés très généralement comme des actes grossièrement contraires au droit »[3].

[…]

Cet article qui a déjà été publié dans Fweley Diangitukwa, Quand les Africains se réveilleront, le monde changera, éditions Monde Nouveau/Afrique Nouvelle, 2016, pp. 225-248, est maintenant disponible à l’adresse suivante :

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