Archive | avril, 2017

Lu pour vous : Bruno Tshibala, Premier ministre. Et alors ?

22 Avr

Bruno Tshibala, Premier ministre. Et alors ?

Par Lomomba Emongo

Chacun en est témoin. Le 19 décembre 2016, Joseph Kabila outrepassait son mandat constitutionnel comme chef de l’État. Sa légitimité sur mesure, issue du « dialogue » conduit par Edem Kodjo sous l’égide de l’Union africaine ne dura que le temps d’en parler. Un petit mois plus tard, Kabila et son Premier ministre également sur mesure, couvrira le sieur Edem Kodjo de ridicule en se précipitant dans le nouveau dialogue conduit cette fois-ci par la CENCO. Un peu plus de trois mois après la signature de l’Accord dit de la Saint-Sylvestre, sous les auspices de ladite CENCO, le même Kabila couvrira à leur tour les évêques de ridicule en ignorant purement et simplement leurs efforts de médiation, en consultant l’opposition pour l’énième fois pour son propre compte. Le 6 avril dernier, il se fixait un délai de 48 heures pour se doter (plus que pour doter le Congo) d’un Premier ministre bien évidemment sur mesure. Ainsi fut nommé Bruno Tshibala, un transfuge de l’UDPS de feu Étienne Tshisekedi, Premier ministre de transition. Alors que cette comédie réjouit certains et fait grincer des dents à d’autres, je me dis : « Bruno Tshibala, Premier ministre de transition. Et alors ?» En effet, je ne m’attendais à absolument à rien de moins de la part de J. Kabila. D’autant que ce qui se passe aujourd’hui s’est déjà vu au Congo-Kinshasa. 1965 : Joseph Kasavubu, président de la république, joua avec le feu en nommant Évariste Kimba, contre Moïse Kapend-Tshombe dont la CONACO avait réuni 122 députés sur 167. Mal lui en prit le 25 novembre 1965. Mobutu, le tombeur de Kasavubu, s’amusa à son tour à changer de Premier ministre de transition (Ngunz Karl-I-Bond, MungulDiaka, Birindwa, Likulia, etc.) contre la volonté de la CNS qui avait élu Étienne Tshisekedi. Mal lui en prit le 7 mai 1977. De sorte qu’en nommant Bruno Tshibala en lieu et place de Félix Tshisekedi, candidat pressenti du Rassemblement au poste de Premier ministre, J. Kabila n’innove pas en réalité. Si je me demandais ce que vaut à ses yeux Brunon Tshibala ? Je me répondrais : certainement pas davantage que son prédécesseur, Samy Badibanga, le Premier ministre de 4 mois. Que voilà un nouveau jouet dans ses mains, qu’il ne se privera pas de jeter à la poubelle après bref usage. J’exagère ? Voici mes arguments.  Je ne serais pas étonné si Bruno Tshibala s’avérait un Premier ministre de transition parfaitement inutile pour le peuple du Congo, parce docile au diktat de J. Kabila, à l’instar d’un Samy Badibanga de dorénavant triste mémoire. Ce qui sera le cas s’il dure les 9 mois de la transition, soit jusqu’à l’élection et à l’assermentation du nouveau président de la république qui s’empressera de s’en débarrasser.  Je ne serais pas surpris non plus si Bruno Tshibala était déposé sans autre forme de procès et sans la moindre considération (comme un certain Samy Badibanga), à la moindre velléité d’insoumission de sa part au diktat de J. Kabila à qui il doit, seul, son 2 poste. Et pour qui il n’a pas hésité à quitter les rangs du Rassemblement dont il voudra sans aucun doute se réclamer pour faire Premier ministre issu de l’opposition à J. Kabila.  Je ne crois pas me tromper en affirmant que le rôle véritable de Bruno Tshibala à la primature du Congo, aux yeux de J. Kabila, est de mieux diviser et d’affaiblir davantage l’opposition, particulièrement celle cristallisée dans le Rassemblement depuis la rencontre de Genval (Belgique). D’autant plus que le sieur Tshibala n’est à proprement parlé plus tout à fait de l’opposition, puisqu’il est désormais au pouvoir – comme, avec et grâce à J. Kabila.  Que Bruno Tshibala joue sans faute la partition d’homme de paille, écrite à l’avance pour lui, ou non, je ne doute pas que l’heure de vérité ne tardera pas à sonner pour lui (qu’il demande à Samy Badibanga ce qu’il pense de J. Kabila). Par exemple lorsqu’il sera amené à choisir entre les revendications légitimes du peuple excédé et le diktat de J. Kabila en collusion avec les intérêts rwandais, ougandais et occidentaux au Congo. Dans le premier cas de figure, il pourrait à la limite se racheter un improbable crédit politique en claquant la porte (las, Vital Kamhere ne s’est jamais remis d’avoir servi J. Kabila jusqu’à la servilité !). Dans le deuxième cas de figure, il normalisera son statut d’homme de paille et d’ennemi de la souveraineté du Congo avant d’entrer dans les oubliettes de l’histoire (qu’est devenu un Faustin Birindwa d’aussi triste mémoire ?).  J’espère me tromper, mais quelle que sera l’attitude du Premier ministre Bruno Tshibala, sa primature hors de toute légitimité, même celle politique, issue de l’Accord dit de la Saint-Sylvestre, est vouée à se terminer dans la douleur. Pour le peuple du Congo qui devra tout recommencer, davantage que pour lui, qui ne tient qu’à la seule volonté de J. Kabila aux abois. Je ne doute pas en effet que le clash arrivera, sinon tout de suite lors de la nomination des ministres et des mandataires de l’État par exemple, alors un peu plus tard lors d’un inévitable affrontement avec le diktat de J. Kabila à propos d’une probable tentative de modification de la constitution ou de l’organisation des élections si peu transparentes se veuillent-elles – à moins de la soumission à J. Kabila.  À la lumière de ce qui précède et jusqu’à preuve du contraire, je reste persuadé que le gouvernement Tshibala n’est qu’un intermède dans le plan de J. Kabila de conserver le pouvoir coûte que coûte. Que, par conséquent, cet intermède constitue une forme machiavélique de prolongation de l’imbroglio politique, sans le moindre souci pour le haut intérêt du peuple du Congo. D’une part, je ne vois pas comment J. Kabila qui a survécu au 19 décembre 2016 et à l’Accord dit de la Saint-Sylvestre se formaliserait pour survivre à un gouvernement dont il est la seule raison d’être ; d’autre part, je vois d’ici J. Kabila organiser de nouvelles consultations ou négociations autour d’une énième transition, à moins que ce ne soit d’un référendum en vue de la révision constitutionnelle devant lui permettre de se représenter à la prochaine élection 3 présidentielle – sous réserve que l’opposition se montre à la hauteur de sa tâche, pour une fois. Dois-je le redire, Bruno Tshibala n’a aucune chance de réussir. Il n’en a aucune de s’imposer comme le chef de gouvernement issu de l’opposition, notamment en tenant tête à J. Kabila. Il n’en a pas davantage de s’imposer comme le Premier ministre de transition attendu, ayant mandat de conduire le pays vers des échéances électorales et disposant pour ce faire des moyens de sa politique, tous les instruments de la souveraineté étant à ce jour sous le strict contrôle de J. Kabila. Cela dit, ma véritable préoccupation se trouve ailleurs. Je me répète à dessein : « Bruno Tshibala, Premier ministre. Et alors ?» J’y entends que J. Kabila, homme fort du Congo, est un couteau à double tranchant. Certes, Bruno Tshibala lui doit tout. Mieux, il y a des chances, s’il veut se survivre au pouvoir, qu’il lui obéisse au doigt et à l’œil. Mais c’est ce que va faire l’opposition cristallisée dans le Rassemblement qui sera déterminant pour l’issue de sa primature. Pour la sortie de crise. Pour l’alternance politique au sommet ou la prolongation de J. Kabila au pouvoir. Je suppute trois attitudes possibles du Rassemblement.  Le Rassemblement s’époumonant à contester la nomination de Bruno Tshibala. Le cas échéant, elle consoliderait la position de J. Kabila, arbitre suprême au-dessus de la mêlée, à qui il serait ainsi demandé de réviser sa décision. Avec, en prime, une nouvelle course à la primature (pour seulement 9 mois, et encore !). Pour dire le moins des divisions que le Rassemblement devra gérer, le cas échéant, entre les pour et les contre Tshibala, les plus et les moins introduits auprès de J. Kabila.  Le Rassemblement ignorant J. Kabila et son Premier ministre de pacotille. Ce qui lui permettra de se concentrer sur la contestation non pas d’une nomination sans avenir, mais bien de J. Kabila en personne comme chef de l’État. Ce serait l’occasion de marteler le message que tous les Congolais et toutes les Congolaises ont déjà parfaitement intégré : ne jouissant d’aucune légitimité– à plus forte raison son Premier ministre sur mesure – J. Kabila doit partir d’ici la fin de l’année 2017.  Le Rassemblement anticipant et désignant son candidat à l’élection présidentielle à venir. Les difficultés prévisibles du gouvernement Tshibala lui serviraient alors d’arguments électoralistes. Ce serait, du reste, le moment d’intensifier l’occupation du terrain électoral dans l’arrière-pays généralement laissé pour compte. Le moment, aussi, d’affûter sa critique au bilan plus que catastrophique de J. Kabila à la tête du pays. Que va faire le Rassemblement ? Saura-t-il capitaliser sur l’échec annoncé du tandem Kabila-Tshibala pour prendre résolument et pour une fois le parti du peuple, en lieu et place des tractations qui n’ont jamais servi qu’à prolonger ce que Jean-Paul Sartre appelait « la solution néocolonialiste » ? Tiendra-t-il uni le temps qu’il faut, pour imprimer au Congo-Kinshasa le tournant décisif de son histoire depuis la mise en échec du gouvernement Lumumba ?

LA CENCO A CONDUIT LA REPUBLIQUE DANS L’IMPASSE (suite et fin)

1 Avr

LA CENCO A CONDUIT LA REPUBLIQUE DANS L’IMPASSE

Par Fweley Diangitukwa, politiste

http://www.fweley.wordpress.com

« Vox Dei, vox populi » ou, inversement, « vox populi, vox Dei » disaient les Romains. Au lieu de suivre la voix de Dieu et la voix du peuple qui voulait le respect de la Constitution ainsi que la Résolution 2277 des Nations unies qui exigeaient également le respect de la Constitution, les prêtres de la CENCO ont préféré écouter et suivre la voix de celui qui a financé leurs travaux. Hélas, elle n’a résolu aucun problème social, à par le fait d’avoir réussi à sauver le président sortant qui demeure toujours au pouvoir après la date fatidique du 19 décembre 2016. En tout cas, la CENCO a bloqué momentanément l’évolution de la politique dans notre pays. Maintenant qu’elle vient de découvrir la face cachée de celui avec qui elle croyait ouvrir un vrai dialogue au profit de tous, que fera-t-elle pour sauver publiquement son honneur déjà souillé ?

Si la CENCO avait lu et intégré les propos testamentaires de Mgr Etsou (se référer à mon livre paru en 2007 aux éditions L’Harmattan et intitulé Les fraudes électorales. Comment on recolonise la RDC), elle aurait été beaucoup plus prudente. Hélas, elle a oublié qu’au XVe siècle, avec Nicolas Machiavel, il y a eu une séparation entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel et que la morale et l’éthique des religieux ne sont pas toujours partagées par les politiciens cyniques qui se moquent éperdument des profanes en politique qu’ils jugent faibles.

Tout montre que l’alternance n’est pas à l’ordre du jour dans le camp du président Kabila. Malgré un bilan largement négatif, le PPRD s’impose par la violence et il continuera à s’imposer par ce moyen aussi longtemps qu’il ne trouvera pas un mur devant lui car ce parti au pouvoir s’inscrit pleinement dans la logique des rapports de force face à un peuple démuni.

Il est étonnant de constater que, malgré le fait que le président Kabila a perdu sa légalité constitutionnelle depuis le 19 décembre 2016 et sa légitimité populaire depuis longtemps, l’opposition se comporte toujours, face à lui, comme s’il a encore la légalité et la légitimité déjà perdues. Est-ce par naïveté ou par ignorance ? Selon la même logique, il est étonnant de constater que la CENI, qui est publiquement soutenue par le pouvoir en place et qui est pilotée par le copain de l’abbé Malu Malu (l’ex-expert en fraudes électorales pour le compte de l’homme au pouvoir depuis 2001), bénéficie encore d’un large crédit de la part des candidats de l’opposition alors que tout montre clairement que cette CENI organisera de nouvelles fraudes électorales si le pouvoir lui en donne l’autorisation ; dans le cas contraire, elle prendra l’insécurité dans le Kasaï comme prétexte pour ne pas organiser lesdites élections, faute d’avoir achevé le recensement de la population à temps. En tout cas, l’évolution de la situation ne rassure pas que les élections auront lieu à la fin de cette année, sinon elles seront simplement et volontairement bâclées, et le cycle des protestations et de mise en scène recommencera de plus belle. Alors, est-il indiqué de participer à ces élections refusées par le pouvoir en décembre 2016 sous prétexte que le gouvernement Matata manquait de l’argent et maintenant réclamées par le même pouvoir pour décembre 2017 ? Un piège est dressé devant l’opposition. Il est temps d’y réfléchir sérieusement et d’opérer un bon choix. Le monde entier nous observe.

Tant de sacrifices pour si peu !

J’ai été le premier à suggérer la gestion du conflit par la CENCO (cfr. mes deux articles affichés sur mon blog :

Mais, prudence oblige, j’ai demandé à la CENCO de rendre publique leur décision avant le 16 décembre 2016 pour ne pas « glisser » comme le souhaitait la « majorité présidentielle » (qui a cessé d’être une majorité numérique depuis le départ du G7). En ne respectant pas le délai constitutionnel fixé au 19 décembre 2016 à minuit (fin de mandat du président Joseph Kabila), la CENCO a entraîné la République dans une longue impasse d’où il nous sera difficile de nous en sortir car les Congolais n’ont plus de point de repère servant de dead line. À cause de la CENCO (selon l’avis du peuple) ou grâce à la CENCO (pour les membres du pouvoir actuel), tout est maintenant permis : la République est gouvernée par des autorités sans légalité et sans légitimité, c’est-à-dire ne jouissant d’aucun mandat électif. Tous nos dirigeants sont concernés par ce manque de légalité et de légitimité, depuis le chef de l’Etat, les députés nationaux (qui seront fin mandat à la fin de ce mois de février 2017 et qui sont censés se représenter auprès de leurs électeurs pour renouveler leur mandat) jusqu’aux députés provinciaux. En n’exigeant pas la conformité aux prescriptions de la Constitution, la CENCO a tout brouillé. Tout est maintenant permis. Personne ne parle de députés nationaux qui sont fin mandat, de sénateurs et de députés provinciaux qui le sont depuis 2012, du chef d’Etat qui ne jouit d’aucune légalité et d’aucune légitimité depuis le 19 décembre 2016. La situation que la CENCO a créée est une première dans l’histoire de la République.

Auparavant, de nouvelles provinces ont été mises en place dans une indifférence totale et les populations concernées ne se reconnaissent pas dans leurs autorités. L’anarchie a pris place au sommet des institutions républicaines. Pour combien de temps ? La CENCO ne répondra jamais avec exactitude, car elle conduit les négociations hors délai constitutionnel et sans rien maîtriser. Un immense danger plane au-dessus de la Républicaine car notre avenir immédiat est non seulement flou mais en plus incertain. Quel moyen dispose la CENCO pour contraindre les signataires de la mouvance présidentielle (qui ont signé sous réserve selon les dires de Lambert Mende) lorsque ceux-ci feront comprendre au peuple congolais qu’il est impossible d’organiser les élections (présentielle, sénatoriales et législatives) en décembre 2017 (car on s’achemine inéluctablement vers ce résultat) ? Après tant de sacrifices, d’assassinats, de prisonniers politiques, de femmes violées, de Congolais égorgés comme des bêtes sauvages à Beni et ailleurs, de jeunes gens tombés en janvier 2015 et en septembre 2016, de milliers d’enfants traumatisés, de millions de Congolais partis en exil, de villages et de parcs nationaux saccagés et détruits, de forêts dévastées, de ressources naturelles pillées, etc. comment pouvons-nous nous contenter d’un si maigre résultat se résumant en une simple promesse ? Nous ne sommes pas dignes de nos morts et nous oublions que nous leur sommes redevables. Par notre capitulation commune, nous souillons publiquement leur mémoire et trahissons leurs espoirs. Nous ne manifestons aucun respect et aucune dignité à leur égard, car nous nous laissons manipuler comme des moutons de Panurge.

Un manque total de lucidité politique

À mon avis, la CENCO n’a pas suffisamment pesé le danger de négocier et de signer l’Accord du 31 décembre dans l’irrespect total de la Constitution, car le moment venu, la « majorité » fera comprendre à la même CENCO que l’Accord du 31 décembre 2016 n’est pas constitutionnel. Au lieu de rester ferme et intransigeante quant au délai du 19 décembre 2016, la CENCO s’est fait avoir en acceptant de négocier au-delà de la date fatidique, grâce à l’argent sale du pouvoir qui a financé les négociations. En cela, la CENCO n’est pas éloignée des positions défendues par Mgr Marini Bondo au nom de l’Eglise protestante (je suis protestant et je sais de quoi je parle). « En maintenant Joseph Kabila au pouvoir, en jetant à la poubelle la Constitution et en piétinant au passage la dignité et la souveraineté de la République Démocratique du Congo » (Charles Onana), nous dirons, en termes sibyllins, que la CENCO a sauvé la dictature de Kabila contre la colère populaire. En tout cas, elle a désamorcé cette « bombe » car le peuple voulait en finir avec la dictature en date du 19 décembre 2016.

En situation normale, la CENCO aurait dû tout simplement constater l’impossibilité pour le pouvoir de respecter l’article 220 de la Constitution et se limiter strictement à cela. Si elle a fait ce choix, tout le monde saurait que Kabila est sans mandat, qu’il n’est plus officiellement président de la République et qu’il gouverne par défi et sans aucune protection juridique. Hélas, la CENCO ne l’a pas fait, préférant brouiller les Congolais par la lecture d’une simple promesse. Comment mobiliser maintenant ce peuple – ou cette grosse machine – pour qu’il se remette en mouvement ? Que doit-il maintenant exiger puisque la Constitution a déjà été violée par le pouvoir actuel, par la CENCO et par les membres du Rassemblement ?

Dans mon livre Qui gouverne le Zaïre ? La République des copains, publié aux éditions L’Harmattan en 1997, je disais que les Zaïrois (Congolais aujourd’hui) savent discuter longuement sur les conflits de leur pays mais ils prennent toujours de mauvaises décisions. Ma prédiction n’a pas été démentie depuis la Conférence « nationale souveraine ». Nos discussions ont toujours été longues dans les multiples « négociations » de dupes : dialogue inter congolais à Sun City en Afrique du Sud, à Nairobi, à Kampala, à Lusaka, à Addis-Abeba, inutiles Concertations nationales en 2013, dialogue national sous l’égide du Togolais Edem Kodjo et le dialogue national sous la direction de la CENCO qui vient de prendre fin dans un imbroglio total. Le résultat est toujours le même : l’Etat dépense beaucoup d’argent pour un résultat nul (pour le peuple). Rien n’a changé, la dictature est toujours là, arrogante et têtue. Il n’y a jamais eu un changement de système mais uniquement de changement dans le système. La révolution-pardon de l’AFDL est venue tout simplement poursuivi la dictature de Mobutu et Cie. L’anarchie règne en maîtresse dans tout le pays.

Il ne suffit pas de proclamer haut et fort que « l’actuel chef de l’Etat ne briguera pas un troisième mandat » pour croire que les élections auront bel et bien lieu en décembre 2017 et penser que cela se fera ainsi. Dans son agir, la CENCO a superbement ignoré que la mouvance présidentielle est un conglomérat d’aventuriers (dixit Laurent-Désiré Kabila) qui cherche à gagner du temps pour rester plus longtemps au pouvoir. Comme nous l’avons déjà affirmé, l’Accord du 31 décembre 2016 n’a servi à rien. Le gouvernement de Samy Badibanga refuse de rendre le tablier pour piller le peu d’argent qui passe sous les yeux des ministres et la désignation du Premier ministre issu de l’opposition traîne à voir le jour. Or, la transition est limitée dans le temps. Elle a une durée très courte de 12 mois. Nous sommes déjà en février (suivant la première publication de cet article) et nous sommes encore loin d’entrer dans la transition. Que cela veut-il dire ? En voulant composer avec un tyran qui n’a jamais respecté ses engagements, la CENCO a plombé l’avenir de notre pays. Maintenant tout le monde sait, y compris le compatriote Jean-Pierre Vununu, que nous avons eu raison de manifester publiquement notre inquiétude en février dernier.

Une République où rien n’est respecté

Notre République n’a jamais été une res publica (une chose appartenant à tous) car certains individus croient avoir plus de droits que d’autres. Ceux qui pratiquent le droit au quotidien sont les premiers à le violer. La plupart des concepts partagés par les élites ont cessé d’avoir le même contenu selon qu’on appartienne à la mouvance présidentielle ou à l’opposition. Ainsi, par exemple, les concepts de démocratie et de gouvernance ne signifient pas la même chose chez les uns et chez les autres, alors qu’ils vivent les mêmes réalités dans le même pays. Pour ceux qui dirigent, le Congo est une République « démocratique » pendant que tout le monde sait qu’il ne l’est pas. En principe, lorsqu’on entend le mot « démocratie », on se représente un régime politique dont les dirigeants sont élus à des échéances régulières par le peuple et ces élus sont responsables devant lui ; on se représente un régime dans lequel tous ont les mêmes droits, tels le droit à la libre expression, l’accès équitable à la justice, etc. Au Congo, les dirigeants ont plus de droits que les citoyens, même les fils de Boshab et d’Adolphe Muzito ont plus de droit que les professeurs d’université sans fonction politique [leurs enfants ont été exfiltrés de la justice après avoir causé la mort dans un accident de voiture parce qu’ils étaient simplement les fils de deux dignitaires de la République]. Au Congo, les concepts ont déjà perdu leur contenu ou leur signification car ils se déclinent selon la volonté de celui qui les utilise. Dans un contexte mouvant et incertain, il devient difficile, voire impossible, de définir le décideur en politique congolaise. Est-il celui qui fait, interprète et met en vigueur les règles du système politique ou celui qui influence et manipule la fabrication des lois à l’Assemblée Nationale ? Qui sont au Congo les décideurs politiques qui jouissent pleinement de l’appui de leurs concitoyens ? Qui peuvent être élus sans corrompre ? Comment devient-on décideur dans une société comme la nôtre où des Sénateurs sans mandat siègent depuis 2012 sans aucun souci de solliciter le renouvellement de leurs mandants électifs. Et ils ne se cachent pas car ils s’expriment en public en tant que Sénateurs, sans honte. M. Léon Kengo wa Dondo est toujours président du Sénat, sans mandat depuis 2012 et cela ne dérange personne. Minaku sera sans mandat à la fin de ce mois et il continuera à présider à la tête de l’Assemblée nationale, sans honte. Dans une République bananière, tout est permis, dit-on.

En tout cas, pour ceux qui gouvernent la République, la gouvernance est une réalité et ils en parlent sans pudeur et sans remords alors que ce concept est une utopie dans notre pays pour tous ceux qui connaissent et enseignement le contenu de la gouvernance politique.

Notre avenir commun est incertain. Il est en danger. Vous êtes avertis. Un tyran ne quitte pas le pouvoir par des négociations interminables mais sous la contrainte ou sous la pression populaire. La CENCO vient de quitter la table de négociation sans donner au peuple congolais le gouvernement de transition qu’elle lui a promis le 31 décembre 2016 ?

Les Congolais méritent mieux que cet Accord honteux sans issue.

Février 2017, relu le 1 avril 2017.